2 - Laurina

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La lumière de Primara vient à peine d'éclairer les rues que Noxus grouille déjà de gens. Si cette terre n'a officiellement plus de capitale, la cité portuaire représente le plus gros carrefour commerciale du monde. Située au Sud Est du continent et bordée par l'océan au Sud et les montagnes au Nord, le climat est suffisamment tempéré pour y faire pousser toute la nourriture nécessaire. Ainsi, c'est ici que le commerce est le plus actif. La ville est si grande qu'il faut une journée entière pour la traverser d'Est en Ouest, à bonne allure.

Vues du ciel, les murailles de Noxus dessinent trois cercles distincts, chacun offrant une protection supplémentaire en cas d'attaque, mais servant aussi de limite entre les classes sociales : le troisième cercle, le plus petit, celui du centre rassemblant la population la plus riche de la ville. Les deux murailles de l'intérieur possèdent chacune quatre portes, aux différents point cardinaux, permettant de passer d'un quartier à un autre assez facilement.

Des montagnes du Nord nait une rivière, qui traverse la ville avant de se jeter dans la mer : source quasi illimitée d'eau potable, elle alimente les moulins et irrigue les champs.

C'est dans le deuxième cercle que Laurina déambule à l'ombre des ruelles. Dissimulée sous la capuche de sa vieille robe usée, seules ses mains couleurs ébènes dépassent de sa robe miteuse. Laurina avance parmi la foule de Noxus, ombre silencieuse portant le fardeau de sa famille. Si les gens viennent à découvrir la magie ancestrale coulant dans les veines de la jeune Humaine, elle deviendra une paria ou pire, une condamnée à mort. Heureusement, elle sait parfaitement cacher ce pouvoir et a, sans faire de vague, dégoté un petit travail chez un boulanger de la ville. Cela lui permet de profiter de l'abri des murs de la cité sans devoir faire la manche dans les quartiers pauvres de Noxus. Elle frissonne à cette idée : Laurina n'aime pas se rendre là-bas ; rendez-vous des maladies, meurtres et viols. Fort heureusement pour elle, l'échoppe de Thonin se trouve dans les quartiers modestes de la ville. Pourtant, Secondara n'est pas encore levé que la jeune Humaine peut déjà observer des sans abris se mettre en place aux abords des magasins. En seulement trois rotations de la Terre autour de Primara, la misère s'est propagée dans la ville, aussi facilement que la maladie en temps de guerre. La raison : Orghul.

Si la race des Orcs est réputée pour représenter la sagesse en cette terre, le maire de cette ville, Orghul, est la célèbre exception qui confirme cette règle. Ses promesses de campagnes paraissaient pourtant justes, il n'avait pas tardé à montrer son vrai visage. Aujourd'hui, il a fait main basse sur la majorité des commerces, menace d'expulsion les propriétaires qui refusent de plier le genou et fait réguler la clientèle de ceux qu'il possède.

Petit à petit, l'édile de Noxus a fait germer la notion de ségrégation dans l'esprit des gens : les riches avec les riches, les pauvres avec les pauvres. Le reste ? Ce qui est sûr, c'est qu'ils ne tendent pas à s'enrichir. Bien qu'une démarcation avait toujours été faite entre les différentes classes sociales, il n'était pas rare que les plus aisés fassent appel aux commerçants et artisans des quartiers moins luxueux que le leur, avant l'arrivée d'Orghul. Certains trouvaient tel pain meilleur qu'un autre, d'autres préféraient acheter leurs outils ici...

Aujourd'hui, il ne viendrait pas à l'esprit d'un riche d'aller acheter ses viennoiseries dans le quartier de Laurina. Et cette perte de clientèle fait chuter le chiffre d'affaire beaucoup trop rapidement pour certains.

Résultat, la pauvreté s'étend, jour après jour : avant l'arrivée d'Orghul, il n'y avait pas de quartiers pauvres, juste deux quartiers moyens et un quartier riche.

"Bouge toi sale Naine !"

Le grognement ramena Laurina sur terre. À quelques pas d'elle se trouve un homme à la carrure impressionnante qui regarde une Naine. Hector. Si Laurina est persuadée que Orghul n'est pas foncièrement mauvais, plus obsédé par le contrôle et le pouvoir, elle est également convaincue que Hector est le mal incarné. Raciste, misogyne et cruel, cet humain répand haine et violence dans tout Noxus. La garde de la ville ne peut rien y faire ; il en est le capitaine. Mais un des points forts d'Hector reste sa capacité à ne pas se salir les mains ; il bouscule, insulte, humilie mais il est très rare de le voir lever la main sur quelqu'un. C'est pour cette raison qu'il est le plus souvent accompagné d'Arélia, jeune femme, humaine évidemment, qui a fait de la torture son ode à la vie. Une fois, un jeune Orc dont les preuves avait été apportées qu'il utilisait la magie, avait été torturé par les soins d'Arélia, sur le centre de la Grande place de Noxus. Après l'avoir déshabillé, elle l'avait forcé à se mettre à genoux, la lame d'une dague sur son cou. Ensuite, elle s'était évertuée à lui briser les doigts, un par un, pour enfin finir par lui couper les deux mains. Et elle l'avait laissé agoniser au milieu de la place. Personne n'avait aidé l'Orc, la population l'avait juste regardé mourir : le risque qu'Arélia s'en prenne à celui où celle qui viennent le secourir était trop important.

Laurina se demande ce que les deux représentants de la garde font ici. Hector et Arélia restent le plus souvent à l'intérieur du premier rempart, dans les riches quartiers, là où se trouve également la caserne principale. Lorsqu'ils ont quelqu'un à arrêter dans le deuxième ou le premier cercle, ils laissent cette tâche ingrate à des subordonnés. Elle ne sait pas ce qu'ils cherchent, mais cela doit être important. Elle remarque une affiche dans les mains de l'homme imposant et sourit : Cimir. Pour certains, l'elf est une blague, pour d'autres, une légende ; pour Laurina il amène l'espoir. Si les deux représentants de la garde le cherchent ici, c'est qu'il a encore dû leur faire un vilain coup ; et ils ne sont absolument pas au bon endroit pour le trouver.

Les yeux émeraudes de Laurina croisent les deux saphirs d'Arélia et un exécrable frisson parcourt le corps de la jeune humaine. Son sourire cesse d'illuminer son sombre visage et regarder où elle met les pieds devient soudain une activité passionnante. Fort heureusement pour elle, elle est humaine et Arélia détourne elle aussi le regard, reconcentrant son intérêt sur un demi-elf derrière Laurina.

"Mais qu'avons nous là..." gronde la voix cassée de la jeune seconde.

Lorsqu'Arélia lui assène un coup de poing, le gémissement de l'elf parvient aux oreilles de Laurina. Pressant le pas pour ne pas avoir à subir la suite de "l'interrogatoire" , elle ne peut retenir quelques larmes. Voilà ce qu'est devenu sa belle ville. Violences, crasse, misère...

En tournant au coin d'une rue, Laurina aperçoit une jeune Orc assise au sol, les mains formant un creux, attendant un peu d'argent. Sâle, sa peau blanche est désormais presque aussi noire que celle de Laurina ; des cernes creusent son visage et une de ses canines proéminentes est cassée. La jeune Humaine s'agenouille devant elle, lui attrape les mains en y glissant quelques pièces et lui murmure à l'oreille, d'une voix emplie de douceur :

"Va à la boulangerie de Thonin, tu la trouveras un peu plus bas dans le quartier. Dis lui que tu viens de la part de Laurina, il t'offrira de quoi manger. Garde cet argent pour plus tard, lorsque tu auras vraiment faim."

La jeune fille, un immense sourire aux lèvres, embrasse Laurina sur la joue et file en direction de la boulangerie. En se relevant, l'Humaine soupire. C'est son salaire d'hier qu'elle lui a donné ; pourtant elle ne regrette pas son geste : le sourire de la jeune Orc vaut toutes les pièces du monde.

En continuant son chemin vers le moulin de Donmur, où un sac de farine l'attend, un bâtiment bondé attire son attention : une maison de passe. Si il y a bien un type de commerce qui ne dépérit pas c'est bien celui-ci : les habitants ont plus que jamais besoin de se vider l'esprit, entre autre, et les maisons closes ont bien entendu baissé les prix, profitant de l'affluence. Une humaine peu vêtue profitant de la fraîcheur du matin pour prendre sa pause adresse un clin d'œil révélateur à Laurina. Rougissant, elle baisse la tête en se mordillant la lèvre : si elle n'est pas vraiment portée sur la chose, elle doit avouer que certaines filles ici savent vraiment bien s'y prendre.

Arrivant enfin en vue du moulin, elle s'arrête sur le pont enjambant la rivière : c'est son moment préféré de la journée, celui où les rayons de Secondara passent enfin par dessus les murailles de Noxus, inondant la ville de leurs chaleureux éclats. Elle ferme les yeux et lève légèrement la tête, profitant de ce bel instant matinal.

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