1 - L'innommée

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Les cinq peuples virent le ciel s'embraser avant de réellement apercevoir la menace. Lorsque leurs villes prirent feu, ils comprirent que leur monde ne serait plus jamais pareil.

Avant l'arrivée des dragons, de nombreux livres racontaient la naissance de ce monde. Si divers pans de l'histoire divergeaient selon les auteurs, tous étaient d'accord sur le début. Et tout commença grâce à Valentar, la Création. Il était dit qu'il lui suffisait de penser le monde pour le voir apparaître, d'imaginer ses reliefs pour les dessiner et enfin, de croire à la vie pour l’insuffler à sa terre.

Un immense continent vît alors le jour, encerclé par un océan cristallin. D'immenses montagnes aux sommets perpétuellement enneigés délimitaient le Sud et le Nord. Une gigantesque forêt verdoyante occupait une bonne portion de la partie Ouest.

Les écrits racontent que, fier de sa création, Valentar s'imagina des semblables. Ainsi naquirent le Jour, la Nuit, la Fertilité, le Feu, l'Eau, le Vent, la Terre, le Temps, la Magie et la Mort. Cette dernière création fut la préférée de Valentar mais aussi sa plus grande rivale. Pour calmer ses ardeurs destructive, la Création lui promit une partie de sa prochaine œuvre.

C'est à partir de ce moment que quelques divergences apparurent dans les écrits : la création des cinq races ; chacune pensant être la première créée. Quoi qu'il en soit, le monde les vît naître quasiment en même temps, toutes les cinq douées de conscience, toutes les cinq différentes. Lorsque chaque individu aurait suffisamment vécu sur Terre, la Mort aurait le droit de le récupérer dans son royaume, tel fut le marché qu'elle avait conclue avec Valentar.

Les Nains, peuple de la pierre, bâtirent les villes et façonnèrent les paysages : petit par la taille, la grandeur et la splendeur de leurs créations sublimaient les terres imaginées par Valentar. Leur art de la construction n'avait d'égal que leur maîtrise de la fabrication : armes, outils, habits... Seule leur imagination leur imposait des limites.

Les Orcs, race remarquables pour leur grande taille et leur canines inférieures proéminentes, usèrent de leur stature pour faire les meilleurs édiles qui soient. Leur honnêteté et leur impartialité étaient rarement remises en cause ; la justice et la paix régnaient donc dans toutes les villes.

Les Elfs quand à eux étaient les cultivateurs du monde. Grâce à eux et leur maîtrise de la nature, la nourriture abondait sans que le terre en souffre. Bien que peureuse et vivant bien à l'abri derrière les hauts remparts des villes, la race des Elfs savait se défendre ; à l'arc comme à l'épée, ils étaient de redoutables guerriers.

Vinrent les Félinets. Le peuple à fourrure était le gardien du savoir, des connaissance et de l'histoire des cinq races. De plus, si la magie était pratiquée par tous, les Félinets en étaient les plus grand utilisateurs : mage de combat ou enchanteur, ils excellaient dans la maîtrise de cette force divine.

Enfin, si les Nains purent construire les villes, les Orcs les diriger et les Elfs s'y cacher, ils n'en auraient rien fait sans la race des Hommes. Bien que possédant la plus faible longévité ; les Nains mourant les plus jeunes avaient eu le temps de connaître 3 humains de la même lignée, et les Elfs une dizaine, c'est eux qui explorèrent les quatre coins du monde, permettant ainsi aux cinq races de s'installer le plus confortablement.

Les cinq peuples vivaient en parfaite harmonie, parlant la même langue, partageant la même culture, se reproduisant même entre race différente.

De toute les villes que les Nains avaient bâtis de leur mains, Aurielle en était la capitale. Le marbre le plus blanc avait été utilisé pour construire les habitations, et lorsque les rayons de Primara et Secondara frappaient le sommet en cristal de la pyramide dorée qui trônait au centre de la cité, la ville entière resplendissait, baignée par une lumière blanche et chaleureuse. Radieux étaient aussi les visages des habitants : Aurielle était prospère et toujours animée. Située au centre même du continent, des dizaines de routes en partaient pour rejoindre les autres villes. Des commerçants, producteurs et artisans venaient du monde entier vendre leurs produits, prendre et amener des nouvelles.

L'immense tétraèdre dorée, la Pyramide du Savoir, contenait des centaines et des centaines d'étagères, pleines de manuscrit, de parchemins, de tablettes, relatant l'histoire et les connaissances des cinq peuples. Au sommet, un immense observatoire permettait aux scientifiques d'observer les étoiles et de prévoir nombres de phénomènes naturels.

Si les Nains avaient moulé et taillé les blocs, c'était bien la magie des Félinets qui les avaient dressés pour faire naître cet immense édifice.

De la base de la pyramide partaient onze routes pavées, chacune menant à un autel ; lieux de culte créés pour chacune des divinités. La plus large d'entre elles menait au plus bel autel : celui de Valentar. Le Temple de la Création rivalisait de beauté avec la Pyramide du Savoir : si elle avait elle aussi été construite en marbre, un voile d'argent pur recouvrait l'entièreté de la bâtisse. Comme aucune montagne n'était parfaitement droite, aucun océan n'était jamais plat et aucun arbre parfaitement lisse, le temple de la Création était à l'image de la nature : imparfait et pourtant harmonieux. Qu'importe d'où il était regardé, le temple n'avait jamais la même apparence ; chaque aspérité, chaque courbe, chaque forme dans sa structure semblait évoluer au fil du jour.

Un immense mur encerclait la ville, protégeant les habitants des nombreux monstres rodant dans le monde et convoitant leurs vies. En effet, les sombres pensées de la Mort, selon les écrits, firent germer une multitude d'autres races ; créatures des ténèbres, rien ne les intéressaient sinon tuer.

La muraille servait aussi à protéger les champs qui s'étendaient à perte de vue ; garantie de la prospérité des cinq peuples. Légumes, fruits ou céréales, tout ceci suffisait à nourrir chaque habitant. Ces immenses champs étaient, logiquement, entretenus par chaque habitant valide et d'un bon âge.

Rien n'aurait pu briser cette harmonie. Rien, si ce n'était les dragons. Personne ne croyait en ces créatures. Pourtant, lorsque les premières boules de feux abattirent les habitations, aucun habitant ne pu ignorer l'existence de ces monstres. Le plus petit d'entre eux était plus grand que la Pyramide du Savoir, déjà trois fois plus haute qu'une maison classique. La même pyramide aurait facilement pu tenir entre les griffes de la plus grandes des bêtes ailées.

La débâcle fut terrible. Rapidement, les cendres couvrirent les rues ; les larmes, les visages. L'immense cité brûlait, s'écroulait ; beaucoup ne réagirent pas assez vite. Le sang vînt alors tâcher l'épais tapis gris de cendre.

Félinets, Nains, Humains, Orcs et Elfs se tournèrent alors ensemble vers les cieux et les dieux. D'une seule voix, ils implorèrent Valentar et les autres divinités de leurs venir en aide. Mais seul les grondements des dragons leur répondirent. La panique et l'incompréhension frappèrent le cœurs des cinq peuples : les dieux les avaient donc abandonnés ? Mais rapidement, celles-ci firent place à de la colère. Un murmure grandit, devenant un cri de rage : aucun créateur ne pouvait regarder son œuvre être détruite sans agir ; il n'y avait pas de dieux, ils étaient seuls.

Alors la contre-attaque vint. Les habitants d'Aurielle unirent leurs forces pour abattre les cruelles créatures. Excepté les Elfs. Ceux-ci étaient persuadés qu'il s'agissait d'un test des dieux, qu'ils ne devait pas combattre et que seuls les plus sages survivraient. Les laissant de côté, Orcs, Félinets, Humains et Nains prirent les armes, ensemble, et partirent en guerre. Les renforts arrivèrent de toutes les villes, certaines ayant déjà été détruites par les Dragons.

La bataille fut terrible. Des jours durant, des nuits entières, sans relâche, les quatre peuples affrontèrent l'ennemi ailé qui ne s'attendit pas à une telle résistance. Malgré le fait que la magie était inefficace sur eux, les Félinets s'étaient joins à la bataille de toute leur âme. Petit à petit, les corps des Dragons commencèrent à chuter, venant s'écraser dans la boue de cendres et de sang, au côtés de ceux qu'ils avaient tués. Petit à petit, le feu du ciel s'étouffa . Petit à petit, les Dragons s’éteignirent. Et enfin, au sixième levé de Primara, le dernier Dragon tomba. Le fracas que la chute de son corps provoqua entraîna un silence irréaliste. Alors, les habitants prirent conscience de leurs pertes : famille, maisons et croyances. D'abord vinrent les pleurs, mélangés aux cris de terreur et de désespoir. Ensuite, la colère monta et telle une vague destructrice le peuple se souleva ; si la Pyramide du Savoir avait été entièrement détruite, les blocs d'or qui la composaient ayant fondu sous les flammes impitoyables des dragons, le Temple de la Création, lui, était toujours debout. Pierre par pierre, les quatre races ayant combattu les dragons détruisirent le temple, finissant d'enterrer leurs croyances et leurs convictions ; massacrant les Elfs tentant de s'interposer.

Ainsi, Aurielle disparut. La majorité des Elfs s'enfuirent dans la forêt de l'Est et s'y retranchèrent, ceux qui restèrent avec les autres peuples furent traités en paria. Les Félinets, n'ayant plus de savoir à garder et à protéger, et ayant subi les plus lourdes pertes, décidèrent de s'exiler dans les montagnes du Sud. Orc, Nains et Humains restèrent soudés et, même si quelque chose s'était à jamais brisé entre eux, ils se déplacèrent vers les différentes villes restantes.

La religion fut abolie, les idoles des dieux abattues, leurs noms effacés et oubliés, la magie bannie et le nom du monde fut perdu.

Le ciel s'était embrasé, la terre avait brûlé et l'harmonie était partie en fumée. L'Innomée venait de naître.

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