11.

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Qu’il est prompt à s’emballer le cœur de celui qui désire lorsque l’objet de son désir se montre sous un jour si propice ! Je lui rendis son sourire et tâchai de le payer, en retour, d’autant de promesses que ce qu’elle avait bien voulu, prodigue enchanteresse, en dispenser pour m’accueillir.

Je ne saurai jamais exactement quel effet produisit cette silencieuse réponse. Elle baissa les yeux vers mes achats, posés là comme des offrandes, et se pencha insensiblement en avant pour les saisir. Elle avait commencé de tendre le bras vers la pile constituée de mon disque et mes livres lorsque je me rendis compte que je l’avais contrainte à cet effort inutile en déposant mes marchandises hors de sa portée immédiate. Cela me fit l’effet d’une douche froide. Je fus si honteux et fâché contre moi que j’en devins idiot. Presque simultanément à son mouvement, je cherchai à pousser dans sa direction ce qu’elle s’apprêtait à tirer vers elle et nos mains entrèrent en contact, presque subrepticement. J’étais décomposé. Je bafouillai – littéralement – quelques mots d’excuse pratiquement inaudibles et retirai ma main si maladroitement que ma gêne la fit sourire de plus belle. Comme cette expression est ici opportune ! De plus belle. De plus en plus belle même. Voilà l’impression qu’elle me donnait. Mais j’avais perdu, moi, ma précieuse assurance et l’impétueuse bravoure dont je m’étais trouvé nanti lorsque j’avais quitté ma première file d’attente s’était maintenant comme volatilisée.

J’étais pétrifié. Et je me sentais affreusement ridicule si bien que je me renfrognai. Je sentis des bouffées de chaleur me gagner et la transpiration exsuder sur mon front où j’imaginais déjà une multitude de gouttelettes luisantes s’apprêtant à dégouliner le long de mon visage. Je ne savais plus à quel saint me vouer et je n’attendais plus qu’une chose : que le supplice prît fin. Je n’osai pas la regarder de peur de lire dans son regard au mieux quelque bienveillante sollicitude, au pire un reproche sans appel qui eût achevé de me briser sans doute tant je craignais, en cet instant funeste, que ma maladresse fût passée pour la plus honteuse des goujateries.

Les yeux baissés, le regard vague, cherchant à retrouver ma contenance, je me raccrochai au petit insigne épinglé à sa veste sur quoi je découvris son prénom : Annabelle. Ou Annabella ? Une griffure à l’emplacement de la dernière lettre m’empêchait, à pareille distance, de m’assurer avec certitude de l’orthographe exacte. Dois-je l’avouer ? ce prénom – quoiqu’un doute subsistât – me servit de bouée de sauvetage. Je tâchai de le déchiffrer à nouveau, de le disséquer, lettre après lettre, pour dénouer l’énigme. Je le lus et le relus sans cesse, pareil à un psaume que l’on apprend par cœur pour le restituer ensuite, en toutes occasions, comme on débite ses prières à la messe ou bien à l’heure de se coucher. Mais je ne pus en avoir le cœur net. J’avais fait la conquête d’une alternative.

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