9.

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Au fur et à mesure que je m’approchais de la caisse, j’avais commencé d’éprouver un malaise diffus et une sourde angoisse que je ne cherchais pas, en vérité, à m’expliquer autrement qu’en les considérant comme étant à compter au nombre des états successifs par lesquels il était dit que je passerais ce jour-là. Mais plus j’avançais, plus j’étais soumis aux soubresauts d’une sorte de houle intérieure, sournoise et persistante, qui confinaient à la nausée. Je commençais de transpirer sous l’effet de bouffées de chaleur, des vertiges me saisirent et, n’eût été la suite d’événements que je venais de vivre, j’eusse trouvé là de probables bonnes raisons de m’inquiéter pour mon état de santé.

Aussi étrange que cela me parût, je dus admettre que ma fébrilité augmentait à mesure que je me rapprochais de la sortie. Etait-ce parce que cette sortie représentait l’écueil du possible ? Etait-ce parce que, inconsciemment, je ne supportais pas qu’il ne me restât plus d’espoir de la revoir, une fois les lieux vidés ? Cela ne collait pas. D’abord parce que je ressentais, en cet instant précis, un besoin véritable d’être consolé et quelle attitude mieux que la fuite eût été à même de me garantir une paix recouvrée ? Ensuite parce que tous les espoirs de la revoir m’étaient maintenant permis. Je savais qu’elle travaillait ici. Il me suffirait de revenir une fois, deux fois, autant de fois qu’il le faudrait et sous quelque prétexte que ce soit, pour finir par la retrouver. Je la croiserais forcément, un jour ou l’autre, et j’aurais, alors, toutes les cartes en main.

C’était bien autrement que j’aurais dû comprendre les raisons de mon trouble. L’explication ne tarda pas à m’apparaître en même temps que la cause. À chaque pas que je faisais en direction de la caisse, tel un soldat sans plus de munitions obligé de se rendre, je me rapprochais de la caissière, une jeune femme blonde qui n’était ni jolie, ni laide mais qui était blonde et portait l’uniforme ennemi. Chaque caisse ainsi était le probable multiple d’un danger potentiel. Or, il y avait là pas moins d’une douzaine de caisses ouvertes. Et derrière chaque caisse, un gilet vert.

C’est cela, je le compris, qui avait provoqué mon malaise. Mais je n’eus pas le temps d’en éprouver quelque soulagement que ce fût. En jetant un rapide coup d’œil panoramique, comme pour balayer du regard l’éventail du possible, je la vis. Elle était là, quatre caisses à gauche de celle devant laquelle je faisais la queue, remplissant gracieusement son office. Elle était là, pour moi resplendissante, qu’un large pilier le long duquel j’avais piétiné depuis près de dix minutes avait dissimulée à ma vue. Elle était là et je n’étais pas dans la bonne file d’attente. Je me dirigeais une fois de plus vers le destin d’à côté...

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