Chapitre X, Partie 5 : Impasse

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Sans un bruit, la silhouette se faufila jusqu'au parvis de l'édifice, laissant derrière luile cadavre du jeune garde. Dieter, car c'était bien évidemment lui, en avait profité pour récupérer le trousseau de clefs electroniques. Il s'agissait de simples cartes magnétiques, très simples d'utilisation. Le prince en glissa une dans la fente de la porte principale, puis une autre, et encore une autre avant d'enfin trouver la bonne. Dans un petit bip sonore, la double porte s''entrouvrit sur un espace noir. Dieter remarqua que, ces derniers temps, il avançait souvent dans des zones sombres et inquiétantes. Il lui fallait prendre garde de ne pas se prendre les pieds dans quoi que ce soit, ou il pourrait bien ne jamais s'en relever. C'est quand on en manque que la lumière nous montre à quel point on est démuni sans elle, se dit encore le jeune brun en avançant.

A l'intérieur, comme il l'avait imaginé, personne. Le hall principal ressemblait à s'y méprendre avec celui d'EXODUS : il y avait bien un grand bureau ovale, de hautes colonnes qui maintenaient le premier étage, des canapés pour s'asseoir et lire tranquillement, ainsi que de larges rangées de livres dans les étagères de bois parcourant les murs. Sans lumière autre que celle de la lune, à travers la baie vitrée du plafond, l'atmosphère du lieu était tout à fait singulière. On eût dit quelque lieu hanté, du même type que ceux dont avait entendu parler Dieter dans son enfance. Les histoires de fantôme racontées par sa femme de chambre, Philippina, lui revenaient peu à peu en mémoire. Il n'osait avancer, captivé par la majesté silencieuse qu'offrait l'endroit. Si les chaînes d'acier d'un esprit errant s'étaient faites entendre, Dieter n'eût pas été surpris. Tant de mémoires dormaient ici, entre ces pages millénaires, que leurs auteurs vivaient réellement dans la relieure, dans la couverture. Ici, rien n'était mort, bien que tout fût silencieux : les mots ne parlaient pas, voilà tout.

Dieter déambulait toujours, mais fut vite ramené à la réalité par le temps qui le pressait. Sa montre à gousset lui indiquait déjà que trente-cinq minutes étaient passées. Il sauta agilement par dessus le bureau d'accueil, et sortit tout les registres qu'il pût trouver. Il feuilleta des pages de dossiers, jetant au sol les précédents ; bientôt, un véritable capharnaüm de papiers jonchait le sol de marbre blanc. Lorsqu'enfin il poussa un "Haha !" de contentement, le bureau bien rangé qu'il avait trouvé n'était guère mieux ordonné que celui d'un enfant du primaire.

Il sortit de ce dossier là un plan. A y regarder de plus près, il s'agissait d'un plan de la bibliothèque, mais les archives n'y figuraient pas.

Durant les minutes qui suivirent, Dieter fouilla activement le secrétariat, un peu plus loin, et y trouva encore un plan. Mais celui-ci était complet.

L'accès aux archives ne représentait en rien un problème, les gardes étant plus occupés à tricher aux jeux de cartes qu'ils avaient sortis plutôt qu'à la sécurité des lieux. Sur son chemin, Dieter en croisa d'ailleurs à peine une dizaine. Certains flânaient dans les couloirs pendant que d'autres discutaient joyeusement du week-end tout proche. Enfin, quelques uns, à l'image du jeune garde de l'exterieur, tentaient de faire leur travail correctement.

Il suivit donc le plan, esquivant les regards et les coups de lampe-torche ponctuels. Quelques mètres plus loin, le voilà arrivé au lieu indiqué par la carte. C'était au sous-sol, j'aurais dû m'en douter.

Il ouvrit doucement la porte qui se tenait devant lui, dans un grincement léger. Désormais, plus que quelques mètres, et les informations qu'il cherchait depuis des années seraient à lui. Il trépignait d'impatience à l'idée qu'il allait enfin lever le voile sur tout les mystères relatés à sa famille, et surtout à lui-même. il n'aurait plus besoin de rester à EXODUS à jouer les bons petits soldats. Il ne cotoirait plus ni cette grande gueule de Tadéo, ni l'armée, ni les membres du groupe, ni Eolia.

Tout en descendant les escaliers, il eut tout de même un pincement au coeur. Après tout, ceux là n'étaient pas aussi horribles qu'il l'avait pensé. Ils avaient tous été sympas avec lui. ils avaient passé quelques bons moments, les premiers pour Dieter depuis des lustres. Les blagues débiles de Marty lui manqueraient peut-être. Séléna aussi, comme Alicia sûrement. A bien y réflechir, le seul dont il appréciait d'être enfin débarassé, c'est Will. Ils ne s'aimaient pas, tout simplement. Des fois, certaines personnes ne sont tout simplement pas faites pour s'entendre. 

Il pensa aussi à Eolia, mais son attention était trop distraite et il finit par louper la dernière marche de ce long escalier.

 -Merde...ça fait vraiment un mal de chien !

Il se releva difficilement, une main sur son genoux douloureux, et sortit sa lampe de poche. la lumière produite éclaira un peu les lieux. Dieter se trouvait dans une espèce de pièce rectangulaire, sans rien pour cacher le béton des murs. Un seul et unique pilier, massif, peuplait le centre de la salle, et remontait tout en haut. Le plafond, où débutaient les escaliers, devait être à au moins une quinzaine de mètres. Le sol, lui, tremblait très légèrement.

Quand le jeune garçon se retourna, il fit face à une imposante porte de métal, blindée, triple épaisseur, et basiquement inviolable. Sur le côté, une seule et unique fente, pour une carte d'accès. Probablement unique, elle aussi, et que Dieter n'avait pas sur lui.

 -Eh bien dîtes moi...je savais qu'ils avaient des choses à cacher, mais là, ça dépasse mes espérances.

Son visage était fermé, ses yeux plissés, et il se mordait la lèvre pour se calmer. Dieter ne savait pas vraiment comment réagir : il était affreusement irrité d'être venu ici pour rien et de repartir les mains vides; Mais dans le même temps, cette salle dissimulée, cet escalier interminable, cette porte massive et tout les secrets qu'elle recelait...le prince ne pouvait qu'être excité. Il reviendrait, il le savait, avec la carte d'accès, et il ouvrirait cette porte. Cela lui prendrait une autre centaine d'années s'il le fallait, mais il passerait ce blindage coûte que coûte. Les mains posées contre le métal froid, les yeux grands ouverts et un sourire effrayant aux lèvres, Dieter Lazarus pensa au peu de chemin qu'il lui restait à parcourir avant d'obtenir, enfin, les réponses à ses questions.

Un grincement résonna dans l'immense pièce. Le rictus du brun disparut presque instantanément. Levant la tête vers la porte qui menait ici, il aperçut une lumière et entendit des bruits de pas. Dans sa précipitation, il avait bêtement oublié de fermer la porte derrière lui.

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