10. Stand by...

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Laurène n'avait accordé que peu d'attention à sa fille. Il en avait toujours été ainsi. Tombée enceinte par accident, elle n'avait jamais vraiment aspiré à être mère, ni accepté d'être enfermée dans ce rôle.

La dépression et la tentative de suicide de Valentine quatre ans plus tôt l'avaient ébranlée bien sûr, elle s'en était voulue de ne rien avoir su déceler, de ne rien avoir vu venir. Si Quentin n'avait pas été là, s'il n'avait pas appelé les secours ce jour-là, sa fille ne serait plus. Pour se faire pardonner sa négligence de mère, Laurène s'était résolue à céder à tous ses caprices, à fermer les yeux sur toutes ses folies nocturnes, à jouer à la maman cool, open, pour ne pas la perdre. Les résultats scolaires en chute libre, les excès en tout genre, les quelques mecs qu'elle entrapercevait parfois furtivement au sortir de sa chambre... Tout cela n'avait guère d'importance tant qu'elle ne se laisserait plus mourir, tant qu'elle était en vie. Mais en réalité, elle ne connaissait Valentine qu'en surface : ses études et sa musique. Et elle ne cherchait pas à en savoir plus tant qu'elle paraissait aller bien...

***

Valentine gara sa Polo non loin du « studio » - surnom que Quentin et elle donnaient au petit hangar désaffecté dans lequel ils répétaient. Elle était défoncée. Elle venait de se rendre chez Ludo pour se payer un rail de cocaïne et comme ses finances étaient à sec ce mois-ci, elle s'était donnée à lui en échange.

Ludo était plutôt beau gosse, ça ne la dérangeait pas plus que ça de jouer les putains avec lui à l'occasion. Après tout, une bite était une bite, et il savait plutôt bien se servir de la sienne. Peu lui importait qu'il la méprise ou qu'il la baise sans aucun égard, le sexe et la coke étaient sa dope. Elle avait besoin des deux pour survivre.

Quentin l'attendait. Il devinerait de suite, elle ne pourrait rien lui cacher, pas à lui. De deux ans son cadet, ils avaient grandi ensemble. Il était son ange gardien, c'était lui qui l'avait sauvée de sa première TS. Il en avait même fait avorter d'autres... Il était comme un frère, un peu incestueux parfois. Mais elle ne voulait en aucun cas se servir de lui, l'utiliser pour combler ses manques, le faire souffrir. C'était peut-être le seul gars qu'elle respectait. Et il serait furax de la voir dans cet état. Elle se résigna donc à annuler leur rendez-vous musical par texto. A contrecoeur...

***

Laurène consulta sa messagerie téléphonique pour écouter celui que lui avait laissé Jean-Louis :

« Ma chérie, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu t’enfuis comme une voleuse de chez Nelly et Arnaud, accompagnée d’un bellâtre vendeur de bagnoles, tu passes la fin de ta nuit chez Julie et Florian… Bon sang, c’est quoi le problème ? Si tu as des soucis, pourquoi tu ne m’en parles pas ? ».

La jolie quadra blonde cannelle répondit par un SMS laconique dans lequel elle évoquait une lassitude, une volonté de faire le point sur sa vie. Puis elle se rendit dans la salle de bain attenante à la suite parentale, se mira dans l’immense glace éclairée pour jauger de son allure, s’adonna à un petit raccord maquillage et coiffure - elle avait laissé ses cheveux détachés en les brushant pour leur imprimer un effet moins strict que le chignon qu’elle avait arboré la nuit dernière, cette nuit où elle avait rencontré Miguel – puis décida d’enfiler une veste trois-quarts en daim fauve. Satisfaite, elle retourna dans la chambre, choisit quelques tenues, paires de chaussures et autres accessoires dans le dressing et les glissa dans un bagage souple griffé, où ils rejoignirent un nécessaire de toilette déjà bien garni. Un échange de sac à main plus tard, elle se retrouva à bord de son vieux coupé 406, en route pour la concession automobile.

***

Quentin piétinait. Il savait que Valentine lui racontait des cracks. Quelques minutes plus tôt, Ludo s'était vanté auprès de lui de leurs ébats. Et le sexe sous-entendait la coke, il n'était pas dupe. Il enrageait. De ne pas avoir assez d'influence sur elle pour la faire décrocher. De ne pas être son genre pour la faire succomber. Il l'aimait, oui. La première fois qu'il s'en était rendu compte, c'était lorsqu'il l'avait découverte nue et inconsciente dans sa salle de bain. Elle venait de s'ouvrir les veines. Il avait tenté de la ranimer, avait appelé les secours, paniqué et en larmes. Ils étaient venus très vite, ils l'avaient sauvée, grâce à lui.

Quatre années s'étaient écoulées depuis, elle n'était plus la voluptueuse jeune fille complexée par ces rondeurs qui l'avaient tant charmé et nourri ses fantasmes d'adolescent, mais il en était toujours aussi amoureux. Bien qu'il ait franchi le pas avec d'autres meufs, il flirtait parfois avec la nouvelle Valentine, devenue bimbo, quand elle le voulait bien, espérant secrètement pouvoir un jour lui faire l'amour. Seulement, leur relation ambigüe ne décollait pas. Il était donc jaloux de tous ces types à qui elle s'offrait et craignait de la perdre d'une façon ou d'une autre ; il avait peur qu'elle se noie dans sa propre existence et qu'il ne puisse à nouveau être là, à temps, pour lui tendre la main et s'ériger en sauveur, en héros dont elle pourrait peut-être enfin s'amouracher.

Il s'attarda un moment sur sa photo, caressa son visage. Des larmes coulaient de ses yeux sans qu'il s'en rende compte. Il la désirait tellement...

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