Une décision précipitée

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Immédiatement après leur journée de cours, Floriane et Marie se précipitèrent au bois. Elles ne savaient pas si ce qu’elles avaient vécu la veille tenait de la réalité ou de l’hallucination. Pour en avoir le cœur net, il fallait donc qu’elles se rendent sur place et qu’elles voient distinctement, tant que le soleil brillait encore, l’arbre qui leur avait -semblait-il- « parlé ».

En arrivant à proximité du néflier, les chiens se précipitèrent pour dérober ces fabuleux fruits, doux comme le miel. Elles, plus en retrait, analysèrent scrupuleusement les lieux. Rien n’avait bougé, pas même d’un pouce. Elles se regardèrent et explosèrent de rire : comment avaient-elles pu croire, même une fraction de seconde, qu’un arbre avait pu se déplacer et parler ? C’était sur réaliste ! L’esprit plutôt scientifique qu’elle possédaient les poussa néanmoins à vouloir éclaircir la situation.

- « Pour sûr les nèfles étaient infectées par des champignons hallucinogènes…et vu la quantité qu’on en a mangé hier, il n’y a rien d’étonnant à ce que les premiers effets se soient manifestés rapidement ! avança Marie avec enthousiasme.

Floriane se saisit d’un fruit et le regarda avec attention.

- Non je ne pense pas…je ne connais aucun champignon hallucinogène qui pourrait pousser sur des fruits. Tu me diras il y a bien certains polypores qui provoquent des effets neurotropes légers et que l’on aurait pu confondre avec une nèfle mais quand même…on s’en serait rendu compte…

- Oh tu sais moi je prenais deux ou trois nèfles par bouchées alors je ne suis pas sûre de pouvoir affirmé que j’aurais décelé une anomalie de gout si un petit polypore c’était glissé malencontreusement avec les baies ! s’esclaffa Marie.

- Plus rien ne m’étonne avec toi…lança Floriane d’un air désespéré ; Après, voir un arbre qui rampe comme une amibe et, qui plus est, parle, ce n’est pas ce que j’appelle une hallucination légère !

- Je te l’accorde…

- Tu te rappelles de l’article que l’on avait lu sur les chevreuils en état d’ébriété ?

- Bien sûr ! Comment oublier une information aussi stupéfiante ?

- Hé bien peut être que les nèfles, gorgées de sucre, ont fermenté dans nos estomacs simulant alors les effets de l’alcool…

- Quand tu bois tu vois des arbres qui parle toi ? railla Marie

- Bon ce n’est pas ça non plus donc…soupira Floriane »

A court d’idée, les deux femmes s’assirent sur un tronc d’arbre, non loin du mystérieux misple. Machinalement, Floriane s’empara d’une branchette et se mis à trifouiller les feuilles mortes à la recherche d’une explication. Marie la regarda un moment puis se mit à engloutir nerveusement des nèfles. Un léger souffle frais se fit sentir. Il devait être tard. Peu de temps après cette première vague de froid qui les fit s’emmitoufler dans leurs carapaces de tissus, une seconde survint. Plus violente, elle fit vaciller l’arbre et l’une des extrémités de ses branches s’agrippa à la chevelure de Marie. « Le protecteur, cherchez le protecteur… ». Ces mots, portés par la bourrasque, semblait venir des profondeurs du bois.

- « Cette fois c’est sur ça vient des nèfles…articula Marie les yeux grands ouverts

- Non, moi…moi aussi j’ai entendu…bafouilla Floriane de façon à peine audible »

Les deux amis regardaient dans la même direction, haletantes, attendant qu’un autre message survienne. Ce n’est que lorsqu’elles posèrent les yeux sur le sol qu’elles se rendirent compte que plus rien ne viendrait de là-bas : le message était là, sous leurs yeux, construit par une multitude d’insectes, toutes espèces confondues. Elles ne s’étaient pas rendu compte que la rafale avait balayé les feuilles et laissé le sol nu. Là un étrange balaie avait pris places. Les insectes s’étaient positionnés de façon précise et attendaient patiemment qu’elles daignent enfin les regarder.

- « C’est un visage ! » chuchota Marie ébahis.

Cette œuvre éphémère présentait le portrait d’un homme âgé au visage relativement allongé. Il avait les cheveux courts et disposés de façon à ce qu’ils partent vers l’arrière, une moustache taillée impeccablement, et une fossette sur le menton. Son regard, profond, doux et rassurant, lui donnait l’air d’un sage. Floriane et Marie s’efforcèrent d’enregistrer du mieux qu’elles le pouvaient tous les détails de l’image qui leur était présentée. Après leur avoir laissé suffisamment de temps, les insectes se dispersèrent.

- « Tous cela serait donc bien réel ? s’interrogea Floriane à voix haute ; j’ai du mal à le croire mais vu ce qui vient de se passer, je ne peux plus en douter. »

D’un commun accord, elles décidèrent de rentrer chez elles pour récupérer de quoi passer quelques jours en forêt. Elles voulaient, sans perdre plus de temps, se mettre à la recherche du protecteur qui semblait être d’une importance capitale pour le bois.

Une fois chez elles, elles se mirent à entasser frénétiquement leurs affaires dans un sac de randonné. Au vu de ce qui les attendais, il fallait se préparer à devoir se déplacer furtivement. Elles prirent donc le minimum pour elles, et pour leurs animaux. Dans leur précipitation, elles avaient oublié deux détails majeurs : leurs parents et les cours. S’avançant chacune vers leurs géniteurs, elles intellectualisaient la discussion qui allait se tenir. Certes, ces derniers étaient très ouverts…mais de là à croire à leur histoire, elles avaient de grands doutes ! Mentir était une obligation. Elles inventèrent alors un besoin de se ressourcer qui ne pouvait pas attendre le weekend. Pour les rassurer, elles avancèrent que les chiens les protègeraient de toute agression - bien qu’ils ne soient pas agressifs, ils étaient un bon moyen de dissuasion – et que leurs matériels d’alpinisme les immuniseraient contre le froid glacial de l’hiver. Pour l’école, une angine ou une gastro fulgurante seraient une excuse suffisante. Leurs parents, après avoir exposé leurs mécontentements, donnèrent finalement leurs accords et leurs suggérèrent de partir le lendemain matin de bonne heure.

Floriane avait, durant une insomnie nocturne, reproduit le visage de l’homme que leur avait présenté les insectes. Elle avait peur de ne plus se souvenir de cet indice précieux le lendemain. Elle montra son esquisse à Marie qui apporta d’autre détail pour compléter la reproduction. Pour elles, il ne faisait aucun doute que l’homme, dont le visage leur avait été dévoilé, était le protecteur. De nouveau sous le néflier, qui semblait devenir peu à peu leur QG, elles se mirent à élaborer une stratégie de recherche. Après une longue discussion, elles décidèrent de se concentrer sur les zones les plus profondes et les plus reculées du bois : le reste, ce qui était à la vue de tous, elles le connaissaient mieux que quiconque et elles étaient certaines que rien n’avait pu leur échapper.

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