La naissance d'un Vampire

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Syrielle la conduisit à travers le château sans jamais hésiter sur le chemin à prendre, comme si elle connaissait l'endroit. Elles montèrent jusqu'à atteindre le sommet de la tour. Le vent était frais et faisait danser les cheveux de Sanaria. Elle huma l'air. Il y avait des odeurs qu'elle ne reconnaissait pas. Si certaines étaient agréables, d'autres l'étaient beaucoup moins. Mais elle avait du mal à les différencier, à les reconnaître et elles formaient un tout qui pouvait être repoussant par moment. Elle supposa que c'était lié à sa nouvelle condition.

Maeva et Lyna étaient là, ainsi que trois autres fées. Elle les détailla rapidement avant que son regard ne soit attiré par la forme noire qui gisait à leur pied. L'inconnue portait des vêtements sombres et déchirés. Ses cheveux étaient emmêlés et elle haletait quelque peu. Il y avait également une tache à ses pieds, quelque chose de poisseux... Du sang. Sanaria fronça les sourcils.

- De quoi s'agit-il ?

Syrielle s'avança vers la prisonnière de sa démarche gracieuse.

- Nous avons réussi à attraper la responsable de l'attaque de ce soir, qui s'enfuyait à notre arrivée. Une vampire, qui pensait échapper à la justice de notre sororité, échapper aux conséquences de ses actes. Mais nous l'avons capturée. Cette créature est un lien avec ta vie de mortelle. Un lien qu'il te faut couper, afin de nous rejoindre, de prendre pleinement conscience de ce que tu es.

- Le fameux rituel ?

Syrielle opina, un sourire sombre sur les lèvres. Ses doigts attrapèrent la chevelure crasse de la prisonnière qu'elle tira, la forçant à relever la tête, puis à se mettre debout en geignant. Le coeur de Sanaria fit un bond dans sa poitrine. Désirée... Son amante était méconnaissable. Elle leva une main vers elle. Les vêtements de la jeune femme étaient en piteux état et laissaient entrevoir sa peau recouverte d'ecchymoses, parfois ensanglantés. L'un de ses doigts était retourné. Son visage était légèrement tuméfié. Mais ce furent ses yeux qui attirèrent le regard de la princesse. Si son iris était toujours bleu, le reste de l'oeil était d'un rouge léger et terne. Les canines de Désirée étaient anormalement développées elles aussi. Sanaria n'arrivait pas à détourner son regard d'elle, prise d'une panique qui allait en s'amplifiant. Elle ne pouvait pas croire que son amante était responsable...

- Sanaria... (Lâcha Désirée d'une voix sifflante.)

C'était un cauchemar !

- Qu'avez-vous fait ? (Souffla la princesse avec horreur.)

Syrielle plissa les yeux, observant sa nouvelle recrue d'un oeil inquisiteur.

- C'est un monstre, Sanaria, nous l'avons traité comme tel. Que vous ayez été proches autrefois ne compte plus. Elle est une menace pour les mortels. Pour toi. Elle a tué ton père.

Sanaria ne voulait pas le croire. C'était impossible ! Jamais Désirée n'aurait fait pareille chose... Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine.

Boum boum. Boum boum. Boum boum.

Elle revit le corps sans vie et décharné de son père, regarda les crocs de Désirée, plus grands que ceux d'un humain ordinaire, mais pas assez développés pour s'enfoncer dans un cou. Pas encore... Sa colère lui revint, plus forte qu'auparavant, mélangée à un autre sentiment, qu'elle ne parvint pas immédiatement à cerner : L'amour. Son amour pour Désirée lui revenait peu à peu et elle se rendit compte qu'une sorte de voile étrange brouillait ses pensées. Elle poussa un cri qui brisa le sortilège. Tout lui apparut alors clairement. Elle voyait plus que les personnes réunies sur ce toit, elle percevait également leur aura. Celle des fées étaient bleues et glaciales. Mais Désirée possédait une aura d'humaine, orange et chaleureuse, mêlée à celle, plus sombre et rougeoyante, du vampire.

- Vous mentez ! (Hurla-t-elle.) Ce n'est pas un vampire ! Elle n'a pas scellé son pacte !

- Tu me déçois, Sanaria. Pacte scellé ou non, c'est un vampire. Un monstre assoiffé de sang !

- C'est vous qui êtes les monstres ! Relâchez-là, ou je ne réponds plus de rien.

- Tu penses pouvoir nous menacer ? (S'enquit Syrielle d'une voix sifflante, sans une once de douceur.)

Elle tira un peu plus sur les cheveux de Désirée et celle-ci gémit de plus belle. Une larme roula sur sa joue et elle plongea son regard dans celui de Sanaria, une main tendue vers elle. La princesse hoqueta, les doigts tendus vers son amante, happée par son regard.

- Je t'aime... (Murmura Désirée, d'une voix quasi inaudible.)

Sanaria ouvrit la bouche, submergée par l'émotion mais aucun son n'en sortit. Elle restait figée, les yeux dans ceux de son amante, communiquant plus par ce simple regard que par tous les mots du monde.

Syrielle renifla de mépris et enserra le crâne de Désirée de ses doigts. Celle-ci se tendit, gémit, brisant le contact visuel, le visage déformé par une douleur croissante.

- Dernière chance, Sanaria.

L'intéressée avait avancé d'un pas, le visage livide.

- Je vais vous tuer ! (Cria la princesse, ses yeux jetant des éclairs de rage.) Je vais toutes vous tuer !

- Infamie ! (Cracha Syrielle.)

Et elle souleva Désirée avant de la jeter par dessus les remparts.

- Noon ! (Hurla Sanaria.)

Son coeur s'emballa et une violente douleur lui traversa la poitrine. La princesse poussa un hurlement qui ébranla la sororité, fendit les pierres de la tour. Elle bondit sur Syrielle et la percuta violement avant de plonger dans le vide à son tour.

- Désirée !

L'air fouettait le visage de la princesse qui tendit la main vers son amante. La jeune femme n'était qu'à quelques mètres devant elle. Des mètres impossible à franchir.

- Désirée ! (Hurla-t-elle à nouveau, au bord des larmes, la voix brisée.)

Celle-ci avait une main tendue également, la regardant d'un oeil, proche de l'évanouissement. Des sifflement retentirent sur la droite de Sanaria, mais elle ne quitta pas son amante des yeux. Elle seule comptait... Elle voyait le sol se rapprocher un peu plus à chaque instant, et sa peur allait grandissante, de même que la douleur dans sa poitrine, dans son coeur. Elle commençait à haleter. Elle ne pouvait pas la rattraper, l'atteindre et imaginait déjà le corps de son amante se fracasser. Elle gémit, les yeux embués de larmes, les doigts tendus à l'extrême pour essayer de la toucher. Son corps se mit à luire puis s'enveloppa d'une aura bleutée et elle accéléra brusquement. Ses doigts se refermèrent sur le bras de Désirée. Le sol n'était plus qu'à quelques mètres.

- Qu'est-ce que... (Marmonna celle-ci.)

Sanaria ne répondit pas et attira son amante contre elle, la serrant contre son corps avant de se retourner. Elle ferma les yeux. Et ce fut le choc. De multiples craquement se firent entendre et les deux corps roulèrent sur les rochers. La douleur était plus forte que tout ce qu'elle avait connu auparavant. Sa bouche était ouverte sur un cri muet. Du sang giclait par ses lèvres, s'insinuait dans ses poumons, coulait de ses multiples plaies. Mais elle pouvait guérir, elle le savait. Elle essaya de se redresser, sans succès. Sa colonne vertébrale était brisée. De cela aussi, elle pouvait s'en remettre. Déjà, son corps tentait de se réparer. Mais la douleur dans son coeur ne cessait de grandir. Et elle ne disparaîtrait pas, ne s'atténuerait pas, bien au contraire. Sanaria le savait, et plus important encore, elle en comprenait la raison. Ses doigts caressèrent la joue de son amante qui gémit, le corps secoué d'un spasme. Elle avait un bras et une jambe brisés, et saignait abondamment. Sanaria avait réussi à encaisser le plus gros du choc. Mais si Désirée n'était pas morte de la chute en elle-même, ses blessures la tueraient. La fée prit une inspiration douloureuse et usa de son pouvoir pour attirer son amante à elle.

- Pourquoi... (Marmonna celle-ci. Elle déglutit et fit un effort pour articuler.) Tu n'aurais pas dû sauter... Tu aurais dû vivre...

La voix de Désirée n'était guère plus qu'un murmure, un sifflement rauque et douloureux. Sanaria caressa le visage de son amante avec douceur, lui offrant un sourire d'amour sincère.

- Une fée ne peut survivre à un coeur brisé...

Désirée plongea son regard dans le sien, silencieuse, brisée.

- Mais toi, tu peux survivre, Désirée. Scelle le pacte.

- Je ne comprends rien...

Sanaria l'attira à elle, déposa un baiser sur ses lèvres.

- Ma réponse est oui. (Souffla-t-elle avec émotion.) Oui, oui, cent fois oui...

Elle contempla le visage de la jeune femme, gravant ses traits dans sa mémoire. Puis, elle amena la bouche de Désirée contre son cou. Son sang coula sur la langue de son amante qui poussa un gémissement.

- Scelle-le. (Murmura Sanaria.)

Désirée ne bougea pas, prise de tremblements. D'une impulsion, Sanaria l'obligea à coller sa bouche contre sa peau ensanglantée. Il y eut un instant de flottement, une hésitation. Puis les crocs se développèrent, transperçant la chair pour s'y loger et happer le liquide écarlate. Sanaria sourit, malgré la douleur. Elle laissa ses doigts parcourir la chevelure de son amante, huma son parfum et s'imprégna de son odeur. Sa vie s'écoulait à travers elles, désertant ses veines, ses organes, pour la laisser exsangue, scellant le pacte qui transformait sa compagne. Qui changeait à jamais son existence, en lui sauvant la vie. Sanaria poussa un gémissement quand la morsure s'amplifia et Désirée s'arrêta aussitôt, hésitante. Elle essaya de reculer, prise de panique. Mais la princesse ne la laissa pas faire, la maintenant contre sa gorge à l'aide de son pouvoir.

- Ne t'arrête pas. (Lui intima-t-elle.)

La volonté de Désirée était forte. La soif, plus encore. Elle succomba à la frénésie. Son corps tremblait, au rythme de celui de sa compagne, les spasmes gagnant en force d'un côté pour en perdre de l'autre. Ses membres, désormais réparés, s'enroulèrent autour du corps de son amante, la serrant avec une force colossale et la soulevant pour s'offrir plus aisément son cou. Des craquements sinistres retentirent cependant que Sanaria se recroquevillait entre ses bras, ses os se brisant les uns après les autres. Désirée buvait, grognait, happait. Et Sanaria continuait de sourire, de se laisser faire.

- Ma vie, pour la tienne... (Murmura la princesse dans un gémissement avant de rendre son dernier souffle.)

Désirée se redressa alors que l'étincelle de vie désertait le regard de son amante, en poussant un hurlement long, puissant, bestial, qui résonna un long moment. Avant de se changer en un cri d'horreur. Et de désespoir."

 

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