6 - Rappel

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Ding !

Rappel.

Lessive.

Porte. Le clic bruyant résonne. Le tambour tourne pour le plaisir des mains. Les chaussettes s’embrouillent, chacune seule, une fois. Encore une fois. Un tas non identifié les rejoint. Tenir compagnie.

Les habits ont l’air de la même couleur ? La volonté a donné, un peu, pas assez pour faire l’effort de vérifier. Porte, produit, bouton.

La machine se met en route en grognant. Et je n’ai rien d’autre de plus à faire que la regarder. Observer l’angle auquel l’eau tape la vitre, au début. Coller on nez contre celle-ci pour voir de près les chaussettes s’envoler. Un tour, deux, encore un peu. Puis s’arrête. Gravité. Chaussettes tombez, dans le trou invisible que personne ne voit. Retrouvez votre liberté.

Encore quelques tours, lents patients. Et d’un coup s’élance. La ronde s’emballe, tout l’univers, comme animé d’un rugissement. Comme un tremblement de terre.

Je comptais les tours, il y a une seconde encore. Maintenant, impossible. On le voit aller lentement, d’abord. Er soudainement plus rien. La vitesse atteint toutes les limitations. Les bords du tambour se brouillent, s’effacent.

Est-ce que la terre tourne aussi comme ça ? Sans même que l’on s’en rende compte. Ce serait terrifiant de se savoir autant retourné. Et en même temps, quoi de mieux qu’un petit tour de manège pour garder la forme ? ça donne surtout pitié pour les chaussettes.

Ding !

Rappel.

Repassage. De la machine d’avant, dont les habits ont bien eu le temps de sécher. Obligé de laisser la machine tourner dans le vide. Sans compagnie.

Le fer comme nouvel ami, les mains s’élancent, à aplatir les pulls sur la planche. Je ne saurais choisir entre la torture ou l’embellissement. Peut-être que ce n’est qu’un mélange des deux ensembles ? La vapeur s’échappe, et l’imagination le transforme en un petit volcan. Peut-être qu’ils seraient bien, parsemés de rides, les vêtements. Mais le commun des mortels trouverait ça bizarre.

On n’a pas trouvé de solution durable au vieillissement humain. Par contre, on l’a fait pour ce que l’on porte. A défaut de nous, ce sera ce que l’on porte que l’on fera paraître toujours plus jeune.

Ding !

Rappel.

Plier les chaussettes.

Elles ont tourné, inlassablement, ballottées dans le rythme régulier du nettoyage.

Séparées. Se croisant, peut-être, une seconde. Une seule seconde.

Elles se retrouvent, enfin. Chacune avec sa semblable, dans des retrouvailles qui semblent soudainement durables.

Mais c’est bien une impression.

N’est pas bénéfique, après tout, que…

Ding !

Rappel.

Aspirateur.

La poussière en mouton. Comme des petits nuages.

Elle s’envole puis s’efface. Soudain…

Ding !

Rappel.

Changer les draps.

Ding !

Rappel.

Ding !

Ding !

Rappels.

Tout s’enchaîne, dans tous les sens. Je ne sais plus. Qu’est-ce que je dois faire ?

Pourquoi je ne peux pas prendre le temps de voir le monde différemment ?

Les tremblements de terre, la vieillesse, la

On me fera croire que ça n’a pas d’importance. Je ne les croirai pas.

Le monde a de l’importance. Et chaque aspect qui le compose.

Même le temps et les obligations contre moi. Personne ne me fera changer cette partie de moi. Je penserai, tant que je le peux, tout ce que je peux. Autant futile que ça puisse paraître.

C’est important.

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