Chapitre 5

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L’après-midi, Inaya se contenta de régler les dernières démarches administratives pour son nouveau travail. Comme la bibliothèque manquait cruellement de personnel, l’accueil l’informa de sa possibilité de commencer dès le lendemain.

« Vous pourrez lire les modalités de formation sur le site de l’université, fit la secrétaire.

-D’accord merci. » répondit Inaya, sceptique.

Malgré son enchantement initial, la jeune fille appréhendait tout de même de ne pas être à la hauteur. En effet, mis à part quelques vacations de babysitting ou de cours particuliers, elle n’avait jamais réellement travaillé à temps plein.

Elle décida alors d’appeler Arya, espérant que cette dernière trouve les mots pour la rassurer.

« Allô ? dit Inaya.

-Hey beauté, tu vas bien ? demanda son amie.

-Super et toi ?

-Ouais ça va, je me noie sous les cours mais c’est qu’un détail !

-Oh, si je te dérange je te rappelle après hein !

-Non non, t’inquiète ! J’allais prendre ma pause justement, tu tombes à pique.

-D’accord tant mieux. En fait je voulais te parler d’un truc…

-Dis-moi tout ! »

Inaya commença par évoquer les problèmes financiers que sa famille traversait en ce moment, ainsi que la culpabilité qu’elle ressentait vis-à-vis de cette situation.

« Inaya, je suis désolée… fit Arya, attristée.

-T’as pas à t’excuser, t’y es pour rien… La vie est faite d’épreuves, c’est comme ça…

-Oui, c’est clair. Mais du coup, tu as prévu de faire quelque chose ?

-Justement, j’y viens. En fait, j’ai décidé de me dégoter un job étudiant ! »

Arya s’arrêta un instant, avant de reprendre :

« Mais non, t’es sérieuse ?! s’écria-t-elle, surprise.

-Ouais, j’ai pas vraiment le choix…

-Mais t’arriveras à concilier travail et études ? Non parce que je sais à quel point c’est dur… »

En effet, Arya avait également traversé des périodes de crise financière lorsqu’elle était plus jeune, l’obligeant à travailler à temps plein pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille nombreuse. Cependant, elle n’avait pas réussi à s’organiser suffisamment pour maintenir des notes correctes, la contraignant à redoubler pour prendre une année sabbatique.

« J’y ai pensé, reprit Inaya, c’est pour ça que j’ai décidé de postuler à la BU… »

Son amie s’arrêta net à nouveau, avant de reprendre :

« Mais non, sérieux ?! s’exclama-t-elle encore.

-Arrête avec tes réactions disproportionnées ! rétorqua Inaya, tout en pouffant de rire.

-Haha, désolée… Mais n’empêche, c’est une idée de génie !

-T’as vu ça ! Je trouve aussi que j’ai été super intelligente sur ce coup.

-Bah grave, tu vas avoir un accès spécial pour voir tous les garçons du campus ! »

Inaya se mit à soupirer, désespérée par son amie.

« C’était pas vraiment pour cette raison… ajouta-t-elle.

-Je sais, je rigole ! Mais n’empêche, tu vas sûrement y croiser du monde.

-Ouais, sûrement.

-D’ailleurs en parlant de bibliothèque, peut-être que tu vas y trouver Aaron ! »

Inaya se tut.

« Bon, je raccroche. Je t’ai pas appelée pour parler de garçons à ce que je sache !

-Haha, d’accord… Attends Inaya !

-Ouais ?

-Je suis vraiment fière de toi en tout cas, je suis sûre que tu vas gérer. »

La jeune fille s’émut face aux paroles d’Arya :

« Merci Arya… »

C’était tout ce dont elle avait besoin en cet instant, une simple phrase d’encouragement.

Inaya finit par raccrocher. Elle décida ensuite de rentrer chez elle pour s’informer sur les différents rôles qu’elle allait devoir gérer, avant de clôturer cette journée mouvementée.

Le lendemain matin, Inaya se rendit au campus comme à son habitude. Elle se dirigea alors vers son lieu de travail.

Au loin, une longue queue pour accéder à la porte d’entrée était apercevable.

« J’avais oublié que le matin, c’était la guerre pour les places… songea-t-elle. C’est parti pour user de mon premier avantage en tant que bibliothécaire : pouvoir dépasser tout le monde ! »

Elle s’avança et tenta de se frayer un chemin dans la foule, avant de se faire agripper violemment le bras :

« Tu crois faire quoi là ?! » s’exclama un garçon qu’elle n’avait jamais vu.

La jeune fille se retourna vivement :

« Déjà, enlève ta sale patte de mon bras.

-Pardon ? Sinon quoi ? » ricana-t-il, accompagné de ses camarades.

Inaya sortit alors de son sac à main la carte attestant de sa fonction à la BU pour la lui montrer :

« Sinon, je te vire illico presto. Avec tes potes s’il le faut, affirma-t-elle d’un ton autoritaire.

-Hein ? Tu travailles ici ? questionna-t-il, soudainement intimidé.

-Exact. Donc maintenant je me répéterai pas, dégage ta main de mon bras avant que je te fasse regretter ton geste. »

Le garçon s’exécuta sans broncher, pris de panique. Certains élèves de la queue n’hésitèrent pas à se moquer de ce renversement de situation plutôt ironique.

« Deuxième avantage : virer qui je veux quand je veux, c’est fait ! » pensa Inaya, toute joyeuse.

Au même moment, Aaron, qui descendait d’une salle de travail située à l’étage, entrevit la scène. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, avant de songer :

« Cette fille, c’est vraiment quelque chose… »

De son côté, Inaya finit par entrer dans la bibliothèque.

Elle se dirigea alors vers son bureau. Ce dernier était plutôt spacieux, étendu sur plusieurs mètres. Il y avait un ordinateur relié à une imprimante, ainsi qu’une chaise sur laquelle on pouvait pivoter.

La jeune fille s’empressa de s’y installer :

« Ouah, je pouvais pas rêver de mieux ! » pensa-t-elle, tout en tournicotant sur sa chaise.

Après s’être confortablement installée, elle alluma les différents appareils et se mit au travail.

Globalement, son job pouvait se diviser en trois parties. Elle devait en premier lieu accueillir les étudiants qui n’avaient pas leur carte d’accès ou qui avaient des questions afin de les rediriger vers des services adaptés à leurs besoins. Elle devait ensuite récupérer les livres empruntés et les ranger correctement. Enfin, sa dernière tâche, et pas des moindres, consistait à veiller au calme de la bibliothèque. En effet, de nombreux étudiants ne respectaient pas les règles de bienséance en parlant trop fort ou en apportant de la nourriture, par exemple. Le reste du temps, elle avait quartier libre pour s’adonner à ses activités personnelles.

La matinée se déroula sans encombre. Inaya était toujours à la bibliothèque, ne souhaitant pas quitter l’endroit des yeux au cas où il se passerait quelque chose.

« J’aurais dû ramener un sandwich… songea-t-elle. D’ailleurs, en y repensant, Aaron n’est pas venu ce matin. Pourtant, il avait dit qu’il passait de temps en temps… »

Inaya n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’elle se tapota le visage :

« Bordel mais qu’est-ce qui me prend ? Qu’est-ce que j’en ai à faire qu’il passe ou pas ? »

Elle soupira, avant de sortir un bouquin pour passer le temps.

Le début de l’après-midi arriva rapidement. La jeune fille continua d’effectuer son travail avec soin.

Au bout d’une demi-heure, trois étudiantes entrèrent dans la salle. Elles se dirigèrent vers le bureau.

« Je viens emprunter un livre, s’exclama l’une d’entre elles.

-Alors déjà bonjour », songea Inaya, sans relever la remarque.

Son interlocutrice était brune aux cheveux bouclés. Elle était vêtue d’une veste en cuir et d’une jupe du même tissu, et elle tenait dans ses bras une peluche de Pumba le phacochère.

« A en juger son apparence, c’est même pas une étudiante… »

Elle finit par lui répondre :

« Oui, vous avez une carte à me présenter ?

-Une carte ? Comment ça ? répondit la brune, hébétée.

-Bingo, c’est sûrement une lycéenne, pensa Inaya en soupirant. Il faut une carte étudiante pour emprunter ici. »

Une autre représentante du trio prit alors part à la conversation. Elle était blonde et portait un bob qui laissait à peine entrevoir ses yeux couleur noisette. Elle semblait d’ailleurs plus âgée que sa camarade.

« Elle a oublié sa carte, dit-elle.

-Bah c’est pas mon problème chérie… songea Inaya. Je suis désolée mais sans carte je ne peux pas accéder à votre requête.

-Pardon ?! Non mais c’est une blague ?! » s’écria-t-elle alors.

Inaya regarda ses interlocutrices d’un air ébahi.

« Alors déjà, vous êtes dans une bibliothèque, donc vous allez vite baisser d’un ton, reprit-elle.

-C’est toi qui vas vite redescendre en fait, ajouta la brune. T’as notre âge et tu te prends déjà pour une chef ?! »

L’échange tumultueux attira l’attention des étudiants de la bibliothèque et des murmures se firent entendre.

Inaya tenta tant bien que mal de rester calme, mais elle perdit rapidement patience :

« Vous êtes en train de déranger tout le monde là, donc si vous êtes pas contentes maintenant sortez !

-On va pas sortir sans le livre ! » ajouta la troisième lycéenne du trio.

Cette dernière avait des tresses plaquées qui descendaient jusqu'au bas de son dos. Elle possédait également des lunettes rondes cachant ses cernes violacées, qu'elle ne pouvait s'empêcher de remettre en place continuellement.

La tension montait de plus en plus, sans que personne n’intervienne. Dès le premier jour, Inaya se retrouvait confrontée à une situation qu’elle se sentait incapable de gérer.

« Eh mince… songea-t-elle. Je me sens dépassée là… »

Petit à petit, un sentiment de désespoir l’envahissait. Elle qui avait eu beaucoup d’appréhension en acceptant ce poste commençait à confirmer ses doutes.

Au moment où l’échange était sur point d’exploser, une voix masculine se fit entendre :

« Vous êtes sourdes ou quoi ? »

En entendant cette voix familière, Inaya se retourna instinctivement.

« Aaron ?! »

Aaron s’avança d’un pas calme, sans hausser le ton.

« Il… il est trop beau, murmura l’une des filles.

-C’est clair, j’ai jamais vu un garçon aussi charmant, on doit établir un plan », chuchota une autre.

Il passa sa main dans ses cheveux avant de rajouter d’un ton ferme :

« Elle vous a dit de présenter une carte ou de dégager. C’est quoi qui est dur à comprendre ?

-Ah non mais y a eu un quiproquo hein, reprit la brune. Elle nous a jamais parlé de carte…

-PARDON ?! hurla Inaya, bouge-bée.

-Non mais c’est pas grave haha, on repassera du coup ! » termina la blonde au bob.

Le trio s’en alla précipitamment. Leurs messes-basses étaient tellement indiscrètes qu’on pouvait encore les entendre dans le couloir :

« Non mais t’as vu comment il nous a engueulées ?

-Oui… j’ai trop aimé son ton autoritaire… »

Aaron manqua de trébucher en entendant leur conversation :

« Elles ont un grain…

-Je crois que je vais leur interdire l’accès à la BU et les rediriger en psy… » ajouta Inaya, décontenancée.

A cette remarque, Aaron gloussa :

« Sinon, est-ce que ça va ?

-Ouais je crois, merci… »

Inaya eut à peine le temps de finir de remercier son interlocuteur qu’elle tomba.

« Hey ! fit Aaron en l’agrippant fermement. Tu vas pas bien du tout !

-C’est rien, reprit-elle. J’ai rien mangé de la journée, ma tension a dû baisser… Et cette altercation a sûrement pas aidé…

-Comment ça t’as rien mangé ? Tu veux battre des nouveaux records ou quoi ? »

Inaya ricana :

« J’ai oublié mon sandwich.

-T’es au courant que y a une cafétéria quand même ?

-Oui, je sais, mais je voulais pas quitter mon poste. »

Aaron scruta attentivement son interlocutrice, surpris par son degré d’implication.

« Bon, viens avec moi, ajouta-t-il en lui prenant la main.

-Quoi ? Qu’est-ce que tu fais ?! (Le rouge lui monta aux joues.)

-Tu vas pas tenir encore plusieurs heures comme ça.

-Hein ? Je vais pas laisser la BU sans surveillance quand même ! Et puis au pire c’est pas tes oignons !

-Arrête de parler et viens avec moi j’te dis ! »

Le brun ne la laissa pas rétorquer quoique ce soit et l’entraîna avec elle dans sa fuite.

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