16h24, rencontres innatendues

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Devant le portail du jardin, Stephane attend le taxi. Dehors il fait gris, il ne pleut même pas, mais il n'y a pas un brin de ciel bleu.

"Temps de chiotte" murmura Stephane.

Dans sa tête lui venait milles pensées, et si Alice emmenait les enfants loin de lui ? Sa situation n'est pas stable, il a effectivement été déficiant dans son rôle de père parfois, mince, si ils ne pouvaient plus jamais les revoir ? Oui mais on peut se racheter pourtant, il pourrait être un bon père, et puis, d'accord, le salaire n'est pas fixe, mais il est bon ! Enfin... s'il se décidait à réécrire.

C'est ça qu'il devrait faire, réécrire ! Il sortirait un best steller, ferai une montagne de photos sur instagram avec ses enfants pour montrer au monde qu'il est riche, célèbre et le plus super de tous les papas. Et Alice le regretterait, s'en souvrait de l'avoir quitté, aurait envie de tout recommencer, ils iraient dîner un soir où les enfants serait chez ses parents, elle lui demanderait "Mais que nous est-il arrivé ?" et il lui dirait qu'il a été idiot, passant à côté de son bien le plus précieux, le plus beau, sa famille, sa femme. Il lui dirait qu'il n'a jamais cessé de l'aimer, que chaque seconde de sa vie lui était dédiée, qu'elle et les enfants sont tout pour lui et qu'il réécrirait, mais dans des horaires raisonnables, si elle lui laisse au moins prendre des notes quand l'inspiration s'imposait.

Alors elle lui tomberait dans les bras, lui dirait à quel point il lui a manqué, qu'elle l'aime aussi. Ils rentreraient ensemble dans leur maison, lui la portant comme à leur première nuit de noce, ils fêteraient ça sous la couette toute la nuit et récupèreraient les enfants le lendemain, heureux et encore emoustillé de leur nouvel amour renaissant.

Merde. Il pleut.

Evidemment, Stephane n'est pas venu avec un parapluie. Être prévoyant, ce n'est pas son truc, c'est le truc d'Alice, de toute façon, c'est toujours le truc des femmes, elles pensent à tout, tout le temps. Elles s'en plaignent d'ailleurs, mais au fond, elles sont tellement heureuses de se rendre indispensables comme ça.

Bon, si Marie entendait cette réflexion, elle l'engueulerait.

Un coup d'oeil sur la montre. Il est 16h23, c'est qu'il pleut vraiment méchament en plus. La route a cette odeur de première pluie depuis des jours, cette odeur de bitume chauffé par la gomme, tiens c'est poétique cette idée, faudrait qu'il se la note.

Il cherche son petit calepin toujours dans la poche intérieure de sa veste, se moquant éperduement de la pluie battante qui tombait, probablement encore un peu sous les effets troubles de l'alcool. Trouvé, et le stylo, mais où est ce foutu stylo bille ? Il le retrouve dans la poche avant gauche, ouvre avec son seul pouce le bouchon qui part d'éjecter sur la route.

"Ah merde"

Dans le brouhaha de la pluie diluvienne qui est en train de détruire le calepin que Stephane tient dans sa main, le taxi approche, persuadé que l'adresse indiquée est au 116 et pas au 16, parce qu'il avait mal compris au téléphone.

Il a bien vu l'homme sur le bas côté de la route, un calepin à la main sous une pluie battante, mais il est bien sur le bas côté, donc il maintient son allure. Jusqu'à ce que l'homme se jette sous ses roues.

Stephane, obnubilé par son bouchon, se précipite sur la route, devant le taxi qui devait le récupérer.

Dans un mouvement de panique, le taxi braqua en pilant, perdit le contrôle du véhicule et percuta par le côté ce pauvre type, qui était pourtant bien sur le bas-côté deux secondes plus tôt.

Le chauffeur du taxi sortit de son véhicule en panique, Stephane était allongé sur la route, projeté plus loin par l'impact, le bruit de l'accident avait alerté les voisins, Jean le premier qui sortit en courant.

"Appelez une ambulance !" Hurla le chauffeur de taxi

Jean avait son téléphone à la main, mais il lui fallut deux secondes d'éternité pour réaliser que son ami était là, allongé sur la route, un parfait inconnu au dessus de lui et qu'il était urgent d'appeler les secours.

Durant l'appel, Daniel, le chauffeur de taxi, réalisait les soins de premiers secours, Stephane ne respirait pas. Il décida d'attaquer un massage cardiaque.

Un, deux, trois, quatre, staying alive, staying alive, un, deux, trois...

Stephane se réveilla, projeté en dehors de son corps, regardant le chauffeur faire des pompes sur sa cage thoracique, son ami tournant sur lui même comme un caroussel, téléphone à l'oreille.

"C'est quoi ce bordel ?

-Ah bah joli la politesse !"

Se retournant d'un coup, il vit une forme encapuchonnée tenant une grande faux

"Oh merde ! La mort !"

La forme éclata de rire

"Ah c'est génial ! Cet accoutrement ça marche toujours pour vous les occidentaux ! Alors ? ça te plait ? Non parce que sinon je peux être un dieu sanskri, un squelette, un ange, ce que tu veux ! Le tout c'est que tu saches que c'est moi, tu vois..."

Non, Stephane ne voyait pas et restait bouche bée.

"Bon alors..., continua-t-elle, tu es, tu es... Stephane Lefevre, née le 12 Avril 1974, marié, ah non pardon, jamais marié et séparé, deux enfants, Aïe, pas cool, ils sont jeunes en plus, ça va pas être facile facile pour eux... Ah non ça va ! Père exécrable, imbu de lui-même, mari mysogyne, écrivain à suc... WHAT ?! Attends, mais tu es LE Stephane Lefevre, genre l'auteur de la trilogie des rois, du passage en enfer, tout ça ?"

S'il y a bien une chose que Stephane n'aurait jamais imaginé c'est que, non seulement la mort lui parle de ses bouquins, mais qu'en plus elle le fasse dans un langage particulièrement familier, voire limite vulgaire

"Eh bah répond ! Ordonna la mort

-Euh oui, oui...Oui c'est bien moi oui

-Oh bah merde !"

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