Chapitre 11

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Le lendemain, j’arrivai près d’une ville. Comme la première que j’avais rencontré, celle-ci n’avait rien de particulier. Elle n’avait pas été touchée par le tsunami. N’ayant pas le loisir d’attendre le crépuscule pour entrer dans la ville, j’y entrai directement.

Je ne cherchai même pas à être discret. Dans les rues, il y avait des gens au regard vide, qui semblaient ne pas me remarquer. J’eus la malchance de voir plusieurs personnes en attaquer d’autres simplement par folie.

Les magasins étaient vides, les restaurants fermés, et je compris que dans tout le pays on manquait de nourriture. Ce n’était pas dans cette ville que je trouverai de la nourriture. Je traversai entièrement la ville, scrutant chaque magasin.

Les personnes ayant encore de la nourriture se cachaient dans leurs appartements, tandis que les Affamés trainaient dans les rues. Il me semblait avoir lu plusieurs articles de journaux sur ce sujet.

Lorsqu’il y a une pénurie de nourriture, les gens sortent sans aucune raison, pour rencontrer du monde. Dans l’un des articles, on disait même que si la pénurie se prolongeait, il y avait des cas de cannibalisme.

C’est pour ça que j’avais peur du couple dans la cabane. L’humanité pouvait se livrer à de telles extrémités... Soudain, un homme m’interpella :

  • Et toi, le petit jeune ! Oui, avec le sac à dos !

Le silence se fit dans toute la rue. Je n’osai pas bouger d’un cil, tant la menace était palpable. Tous les yeux se posèrent sur moi. Je savais que je n’aurais pas le temps de fuir comme dans la ville précédente. L’homme poursuivit :

  • Montre le contenu de ton sac !
  • Et si je n’en ai pas envie ?
  • Alors je te tuerai ! répondit l’homme en grinçant.
  • Ah oui ? Et avec quoi ? répliquai-je.
  • Je te laisserai choisir ta mort, dit l’homme. Je suis sympa.
  • En tout cas, il n’en est pas question, refusai-je.
  • Alors c’est qu’il a de la nourriture ! s’écria l’homme. Pas vrai, petit ? Sinon, tu accepterais de nous le montrer !

Je sentais que la situation m’échappait. Je réfléchis à un moyen de s’en échapper, il n’y en avait pas beaucoup sans utiliser les cartes à grande échelle. Je levai les mains en l’air, et d’un ton calme et assuré, je dis :

  • Laissez-moi partir, et je ne vous ferais aucun mal.
  • Tu es mal placé pour dire ça !

Je me souviens que j’avais dit exactement la même chose il y avait trois jours à la maison de mes grands-parents. Sauf qu’il avait tort. Alors que en cet instant, j’avais raison. Je sortis d’un coup le revolver et criai :

  • Laissez-moi partir ou je vous tue !

Il y eut un bref mouvement de panique dans la foule amassée autour de moi. Tous reculèrent d’un pas, pris de surprise. Puis l’homme se reprit et dit :

  • Même si tu tues dix ou douze d’entre nous, il en restera toujours autant pour te tuer !
  • Ce n’est pas ma seule arme, affirmai-je. J’en ai d’autres.
  • Alors montre-les nous, et peut-être qu’on te croira.

Je compris que j’allai me rendre ridicule si je sortais les cartes à ce moment, pourtant je n’avais pas le choix. Je glissai la main dans ma sacoche et en sortis le paquet de cartes, que je brandis à la vue de tous.

La plupart des personnes présentes froncèrent les sourcils, comme si c’était trop débile. L’homme demanda, sarcastique :

  • Quoi ? Tu veux que l’on fasse une partie de cartes, et le vainqueur aura le droit de faire ce qu’il veut ?
  • Ça serait une bonne idée, pensai-je. Sauf qu’il me manque deux cartes.
  • Bon, finis de rigoler. Soit tu nous montres que tu as d’autres armes bien plus puissantes qu’un paquet de cartes, soit on te tue. Compris ?

Je rangeai le paquet de cartes et le revolver, ne gardant que le trois de Trèfle. L’homme continuait :

  • Tu n’as que cinq secondes pour te défier. Cinq ! Quatre ! Trois ! Deux ! Un !
  • Zéro, murmurai-je ne balayant l’air de ma carte.

Aussitôt, toutes les personnes présentes, de l’homme le plus proche de moi à la femme qui me regardait de la fenêtre de son immeuble, toutes les personnes présentes se plièrent en deux, vomissant tripes et boyaux.

Je réagis directement en courant à travers la foule sautant par dessus les corps, tout en rangeant le trois de Trèfle. Je vis les enfants ou les vieilles personnes s’effondrer à terre, le souffle court, tandis que les jeunes se relevaient tant bien que mal.

Un jeune homme tenta justement de m’attraper le bras. Un écart sur le côté suffit à le faire tomber en avant. J’arrivai presque à la fin de la rue et à la sortie de la ville lorsque plusieurs personnes formèrent un mur devant moi.

Je compris que le rayon d’action du trois de Trèfle s’était arrêté à cet instant, à trois mètres de la fin de la ville. Ne m’arrêtant pas, je sortis le revolver et tirai devant moi. Une femme s’écroula, une balle dans le ventre.

Les autres personnes, terrifiées, s’écartèrent, et je pus sortir de la ville. Je courus longtemps après que les dernières maisons aient disparus. Lorsque, à bout de souffle, je m’arrêtai et me retournai, je ne voyais plus rien de la ville.

J’avais passé deux heures dans la ville, et c’était bientôt l’heure de midi. Il fallait que je trouve un refuge. Soudain derrière moi retentit un cri, et je me retournai de nouveau.

  • Il est là ! cria la voix d’un homme.

Et, surgissant de la colline, trois vélos foncèrent sur moi. Les trois hommes portaient des masses. Le premier tenta de m’assommer alors que je me jetai à terre.

J’évitai de justesse les vélos, une de leurs roues passant à un centimètre de ma main. Je me relevai vivement et sortis le dix de Carreau. Alors que les vélos amorçaient un long demi-tour, je calculai leur mouvement.

Pile au bon moment, je fis un geste dans les airs, et un rayon de lumière aveugla l’un des vélos qui fonça dans les deux autres. S’en suivit un concert de cris de douleur et rage. J’hésitai un moment à fuir, puis j’entendis :

  • Il est là ! En bas de la colline !

Et en haut de cette colline apparut une foule enragée qui fonçait vers moi. Sans plus attendre, je fonçai sur les trois vélos qui se relevaient. J’assommai le plus proche et lui pris son vélo. Puis je pédalai de toutes mes forces.

Cent mètres plus loin, je risquai un coup d’œil en arrière. Les deux autres vélos s’étaient lancés à ma poursuite. La foule s’était arrêté, quoique quelques personnes tentèrent de me rattraper en courant.

Mais j’accélérai l’allure, et il ne resta bientôt plus que les deux vélos qui me poursuivaient. Je sentais la chaleur monter, due à ma course folle mais aussi à cause de l’heure de midi qui approchait.

Je vis au loin un bosquet de palmiers qui se rapprochait de plus en plus. Finalement, alors que la chaleur devenait vraiment écrasante, je m’écroulai sous les palmiers.

Je me relevai aussi vite que je pus et me prépare à affronter les vélos. Je découvris qu’il n’y en avait plus qu’un, mais je vis la silhouette du deuxième un peu plus loin. Il avait dû s’enfoncer une roue dans le sable.

Je sortis de nouveau le revolver de mon sac et le tins bien droit, prêt à tirer en pleine tête sur l’homme. Celui-ci, comprenant ce que j’allai faire, arrêta son vélo et mît les mains en l’air. Il dit :

  • Je ne te veux aucun mal, d’accord ? Je veux juste un tout petit peu de nourriture. Rien de plus, ok ?

J’hésitai un instant, puis, ayant soudain pitié, je criai :

  • Ok ! Mais ne bouge pas, d’accord ? Sinon, je tire !

L’homme acquiesça, et je ne le quittai pas des yeux tandis que j’enlevai mon sac de mes épaules. Alors que j’allai sortir un sandwich, le deuxième homme apparut dans le dos du premier et lui donna un grand coup de batte dans la tête.

Le premier homme s’effondra, mort. Le deuxième dit :

  • Passe la nourriture !
  • Hors de question ! refusai-je.
  • Que tu la donnes à lui ou à moi, qu’est-ce que ça change ?
  • Tu viens de le tuer sous mes yeux !
  • Et alors ? répliqua l’homme en éclatant de rire. Combien de personnes as-tu tué il y a un quart d’heure ? Une dizaine ? Une vingtaine ? Peut même plus !
  • Ça en fera un de plus si tu avances d’encore un pas ! annonçai-je, en tendant le revolver.
  • Tant pis pour toi, gamin ! dit l’homme.

Il lança d’un coup la batte vers moi. Il fit ça tellement rapidement que j’eus à peine le temps de m’écarter. A peine m’étais-je relevé que l’homme fondait sur moi. Je fermai les yeux et tirai.

Je rouvris les yeux une seconde plus tard, pour voir l’homme, à dix centimètres de moi, une main tendue en avant. Il resta dans cette position une minute qui me parut interminable, puis il s’écroula, une balle dans la gorge.

Je m’effondrai par terre, le souffle court, respirant l’air à grandes bouffées. Je fermai les yeux, et laissai le monde du sommeil m’envahir.

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