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Un temps se passe.

J'attends le retour du Folo masqué.

Quand d'un coup soudainement, la porte s'ouvre.

En fracas.

Folo.

Sans masque.

Sans pizza.

Il a shooté dans la door, paniqué comme une bête aux abois.

- Aide moi! On barricade tout! Vite!

- ...Que..?...

J'ai pas le temps de dire plus. Il renverse une table et la plaque contre l'entrée. Deux autres se retrouvent collées à la vitre. Comme un fou, il y entasse pêle-mêle chaises, armoires, tables de nuit, machines à laver, tractopelles...

A la garde! A la garde!

Il est dans tous ses états, Folo.

- On m'a tiré dessus dans la rue d'à coté.

- Quoi?!

- Y a eu une détonation et la balle s'est fichée dans le pneu d'une bagnole. Ca m'a rasé de près.

- Mais c'est dingue, ça!... T'es sur?..

- Et comment que je suis sur. Tu me prends pour un mytho?

Ok. Faut pas le contrarier. Pas le moment.

- Mais...Comment c'est possible?

- J'en sais rien mais ça l'est. J'ai pu repérer l'endroit d'où est parti le coup de feu. Ca venait d'un immeuble, genre quatrième ou cinquième étage. On y fera une expédition punitive dès que possible. En attendant, on se protège un max. On sait jamais. Si ça se trouve, c'est pas un tireur isolé.

Il met le bar à sac, Folo. C'est fort Alamo. En plus bordélique. Faut qu'il se défoule. Opération survie.

- Mais calme-toi! Tu m'affoles, là!

- Que je me calme? Y a un putain de sniper qui me prend pour un canard sauvage et tu voudrais que je me calme? Pour moi c'est tout net, mec. Si ce salopard veut ma peau, il a pas intéret à trop se louper. Parce-qu'après, c'est lui qu'est mort! T'entends? Je le retrouve et je le bute! Le chasseur ici, c'est moi! Je suis ni un canard, ni un lapin! Et crois-moi, il va l'apprendre! En attendant, on se protège. On verra la suite à la nuit tombée.

J'ai la rate qui s'dilate

J'ai le foi qu'est pas droit

J'ai le ventre qui se rentre...

Tiens! V'là Nostradamus qui s'agite.

Monsieur a de la culture.

Allez! Qu'on en finisse.

Je m'empare d'un seau à champagne que je rempli de flotte et splaf! Sur la tronche au papi.

Faut le voir, l'aïeul, comment il se débat, au milieu du déluge.

C'est pas Noé, je te le dis.

Il jure, il crache, il peste, il renifle, s'épapouille, s'ébroue.

C'est le réveil du mitan. L'autre moitié qui reste dans le gaz.

Il menace. Il maugrée. Il insulte. Il veut rallumer les bùchers, le bossu. Rempiler les piloris. Exhumer le massicot. A l'échafaud les sauvages! Barbares du macadam! Egorgeurs des roupillons! Ca promet des massacres. Ca foudroie des colères de démiurge. Apocalypse now! Aux requins, les révoltés du Bounty! Le Titanic sonne toujours deux fois!

Je rempli le seau à nouveau et je remets ça.

Il dit plus rien, pour le coup.

Il reste ahuri quelques secondes. S'ébroue à nouveau. Calmé. Réveillé, surtout.

Je suis bon prince. Je l'aide à se relever et lui cale le cul sur un tabouret. Un des rares encore valide. Il chancelle. Et fait tanguer le tabouret. Manquerait plus qu'il se casse la margoulette. Je le retiens. Princier et prévoyant.

Il récupère. Plutôt vite, ça va.

Il me met la main sur l'épaule. Fraternel.

- T...Toi... T... T'es pas comme les zotres. C... C'est pour ça qu't'es là. Et Qu't'as... Ktas ce truc sur le front.

Pas nette, la voix. Il en tient encore une, ça se sent.

- Mais oui. Mais oui. Maintenant, on va s'avaler un bon café. Bien fort. Avec peut-être un petit croissant. Pour éponger. Qu'est-ce qu'on en dit?

- Tu vas m'faire crever, avec ton café! Du rhum! Je veux du rhum!

- C'est une tarte qu'il va recevoir, s'il continue. Terminé, le rhum! Je veux revoir le bonhomme que j'ai rencontré à l'église. Il était moins con.

- Jeune-homme, faudrait voir à ne pas me manquer de respect. Va pour le café. Mais pas trop fort. Et va pour le croissant. Mais au beurre.

Bon sang! Métamorphose!

La rapidité à laquelle son regard s'éclaircit, que son teint se délivide, que sa voix se nettoie... Impressionnant! Si j'étais pas là et qu'on me dirait que cet homme s'est enquillé une bouteille de rhum dans son entièreté, il y a à peine quelques heures, j'y croirai pas. Je suis là et j'y crois pas non plus. C'est te dire. Et pourtant, c'est un fait. Chapeau l'artiste.

- Jeune-homme. Vous m'accordez un verre de rhum et peut-être concéderai-je à boire votre eau sale.

Ha! la fausse note du Stradivarius. Aurai-je parlé trop vite?

Je fais celui qui n'entend pas et lui pète la tasse sous le nez. Il est têtu. Moi aussi.

Il regarde autour de lui.

- Il vous serait agréable de m'expliquer aussi, pourquoi j'ai l'impression que ce bar est assiégé.

Il avale son café d'une traite. Avec une petite moue écoeurée. Il y met de la bonne volonté, le pépère. Du coup, nous aussi. On lui explique. Ainsi que le projet d'expédition de Folo.

- Et on va d'ailleurs pas tarder , affirme t-il. la nuit s'installe et commence ses premiers pas de danse.

- Joliment dit, mon cher. S'exclame le déformé. Ha! Je sens en vous un homme d'action. Croyez bien que j'apprécie. Assez de palabres. Action! Il va de soi que je vous accompagne, n'est-ce pas.

- C'est comme vous voulez. Mais je préviens: le tueur s'en sortira pas vivant. Et il est à moi!

- Bah!..on est peu de choses, vous savez. Dites... Je prendrai bien un petit verre de rhum, moi.

Devant l'éloquence de notre silence, il n'insiste pas. Et se contente de machonner un croissant.

A tout prendre, j'en viens à espérer que le tireur se soit tiré. Ca risque de pas me plaire, ce spectacle de tuerie. Ca n'a rien d'original. On connait ça depuis au moins Abel et le frangin. On peut pas dire que ça évolue bien vite, quand même. On croule sous une technologie à propos de laquelle le gros de la troupe entrave que dalle. On se paie des prothèses super chiadées. Des boutons partout. Des potentiomètres. Des écrans. Ultra plats. En 3D . On visite l'espace. On sonde les fonds marins. On s'ennivre de grands idéaux. On s'universalise. Et malgré tout ça, l'archaïque reste à nos portes. Avec sa grosse massue. avec sa grosse pomme. On s'étripe. A coups d'atomes dans la poire. Pour l'honneur. La liberté. Le prestige. on s'invente des frontières. On élève des murs. On cultive la peur. Toujours la peur. Et la sécurité. La sacro-sainte sécurité. Globale. Agressive. Malsaine. Pathétique. Dérapante. Mortelle. Homo homini lupus. Et la messe est dite.

Bref.

On se met en route.

Et comme c'est pas loin, on arrive déjà.

Folo nous montre l'étage de l'immeuble en question.

La porte est fermée. Sécuritas du digicode.

On s'en fout. J'ai mon ouvre-porte avec moi. Sésame ouvre-toi! Je trifouille. Ca résiste. J'insiste. Ca s'ouvre. Venez à moi, mes agneaux. Et pas de rouspétance. Toute résistance sera vaine.

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