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Avec empressement, je lui narre ma rencontre dans l'église. Ca le scie, Folo.

Il veut voir le bonhomme.

De retour au bistro, donc.

J'espère que le vioque ne m'a pas fait faux bond à son tour.

Et non.

Il est là.

Et bien là, même.

Tellement plein qu'il a les dents du fond qui baignent. Vachement plus torché que nous autres la veille.

Battus à plate biture nous sommes.

Ca pardonne pas, le rhum.

C'est viril, comme boisson.

Virulent.

Ca t'emporte la cervelle comme un diable en pleine tempête. Ca t'arrache tout.

T'as plus de conscience.

T'as plus rien.

C'est le vitriol du for intérieur.

Il est intransportable, le bossu. Il tient plus debout.

Une vraie loque.

Pas le choix. Va falloir attendre que Monsieur nous revienne de sa transhumance.

Remarque, on a de quoi s'occuper.

Folo rince sa goinfrerie a coups de bibine.

Quant à moi, je me contente d'un autre café. Ca accompagne mieux les croissants que j'ai ramené. Question de goùt.

Ha ma pôv'dame! Je suis bien d'accord avec toi. Y a beaucoup trop d'alcool dans cette histoire. Ca fait pas sérieux. Et puis la morale, elle s'en prend une claque. Je vais avoir des emmerdes avec les A.A, si ça continue. Les bonnes valeurs se perdent, qu'est-ce tu veux. Mais que fait la milice? On fait pas pleurer le Bon Dieu lala impunément. Y aura des retours.

De bàton.

Tiens!

A propos de retour.

Quasimodo en lache un beau sur le parquet carrelé.

Acide, le retour.

Tu marches dessus, t'as plus de semelle.

C'est pas du retour de civilisé, ça.

Un beau spécimen, le bosselé.

L'humain, dans toute sa splendeur. Pire qu'une bête.

Ca lui causera sa perte.

L'humain, s'il veut avoir une petite chance de survie, va falloir lui réinculquer le respect de lui-même.

Et du prochain, aussi.

Et du suivant.

S'il en reste.

On va se raccrocher au goupillon, comme au bon vieux temps. "Dieu est amour". Tiens! Prends mon godillot dans la gueule! "Ayez pitié Seigneur". Tiens! Un bon coup de croix dans le foie.

Encore un "je ne suis qu'un pauvre pêcheur" et on finit noyé dans le bénitier.

Pardon mon Père. Je referai plus.

Ha ça! Faut pas traverser en dehors des clous, avec lui. Contester, douter, insulter, carricaturer, blasphémer... Qu'après, on regrette.

On se cogne les remords dans la repentance.

Les lamentations de la résipiscence.

Et voilà!

Il se pisse dessus, maintenant, l'aliéné du karma sous toi.

Il me fait penser au tonton.

Le mien.

il se croyait miraculé, le tonton.

Maintenant il est mort.

Moi je continue mais je comble que dalle.

Je creuse avec du vent.

Ca demande du courage, de continuer avec rien.

De plonger dans un vide ricaneur.

Je voudrais bien t'y voir, moi.

Et c'est pas l'abbé de mes deux qui va me donner mon oxygène.

Pas la peine de compter sur lui.

L'oxygène, il se le prend pour sa pomme.

Il gonfle. Il piétine dans le jadis.

Le naguère, c'est pour l'agnelle.

Dans le temps encore, on pouvait encore lui faire un beau pied-de-nez, au temps.

Lui montrer notre cul, même.

On pouvait.

On osait.

L'abbé, ça le mettait pivoine.

Il braillait ses malédictions et nous, on se marrait bien.

Maintenant, tu parles!

La seule chose que tu peux faire, si tu veux pas d'emmerdes, c'est montrer ton cul aux vaches.

Elles disent jamais rien, les vaches.

Elles sont cool, les vaches. Vachement cools, même.

C'est elles qui mériteraient d'etre cosmiques. Le bel escadron céleste qu'on aurait.

Au bousin vengeresque.

Le temps a passé, qu'est-ce tu veux.

Il continue sa course.

Impitoyable.

L'apprentissage du prêt-à-mourir.

Tu trembles, carcasse! Ca s'apprend tout petit, ça.

Ca percute dans ton berceau.

Le hochet du moribond.

Mais tu te cramponnes malgré tout.

Un "Areuh" et te voilà connecté.

Aux vivants.

Revenant d'un monde que tu ne veux plus connaitre.

La lacheté démissionnaire.

Amnésie collective.

Forcément.

T'inquiète pas, t'es pas tout seul.

A te souvenir de rien.

Et ça veut marcher, en plus.

Ca tient à peine debout mais ça veut marcher.

Ca force sur ses petites jambes.

Ca titube. Ca vacille. Ca s'agrippe. Ca progresse. Ca grandit. Ca veut faire son trou.

Pour s'y terrer.

Attendre que l'étau se resserre.

Et comme de bien entendu, ça procrée.

L'ame se pointe et puis elle oublie.

Huit milliards d'amnésiques sur cette putain de planète.

Huit.

Et le vide ne se remplit pas pour autant.

Non non.

Le vide se dévide sur nos vies vides d'envie.

D'envie de grandir.

Mais on soigne l'apparence.

On triche.

L'innocence est tronquée. Bafouée. Piétinée.

Les karmas s'alourdissent.

Incarnations aprés incarnations.

Comme des cons nirvanesques.

Mon cul, le Nirvana!

Marre du lacher-prise casse-gueule!

No limit dans la connerie, le charmant bambin.

Et on lui volerait le Bon Dieu sans confession, en plus!

Et puis quoi encore?!

T'inquiète, mon gars.

La fin de partie est valable pour tout le monde.

Et tout le monde ne s'appelle pas Lazare.

Tout le monde ne vient pas de Béthanie.

Ce serait trop facile.

Les sacrificateurs nouveaux sont arrivés!

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