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De retour chez moi.

Folo vide son sac. Et y avait pas que des couteaux, dedans.

Non non.

Y avait aussi le réconfort.

Un sky de première bourre.

J'ai l'impression qu'on va pas s'emmerder longtemps.

Sacré Folo.

On trinque.

La nuit est partie pour durer.

Une nuit de gourmet.

A force de trinquer, on finit par trinquer pas mal.

Ca tangue sévère auprès de mon arbre.

Folo est complètement allumé.

La lumière vacille dans son regard divagant.

Magie maltée.

Ambiance.

Les ombres dansent sur les murs.

Nous on s'en fout.

On se marre.

Et j'aime ça.

Mais ça cogite, aussi.

On surchauffe.

On veut comprendre.

Une question à la con me vient.

- Dis voir, Folo. Entre hier soir et maintenant, tu as croisé quelqu'un? Par chez toi, par exemple...

- Non...Maintenant que tu le dis....

- Pas un chat, n'est-ce pas?

Aie! Le mot de trop.

Il me regarde de travers.

Vite. Une diversion.

- Faudrait faire au moins le tour du quartier, demain.

- Oui. Demain. Quand on aura cuvé.

La parole du sage.

Il est comme ça, Folo.

Décidément, je l'ai de plus en plus à la bonne.

Plus la bouteille se vide, plus le félin me taraude le circuit neurolingien.

Une obsession.

Une fouisseuse qui creuse des galeries monstrueuses dans ma pauvre cervelle.

Danger d'éboulis.

Le chat.

Ce greffier à la con. Il sort pas de ma tête.

Il devait bien appartenir à quelqu'un, non? Si je me souviens bien, il portait un collier. Un collier vert avec une clochette. Il me semble bien l'avoir entendu arriver , juste avant de le voir.

c'est nébuleux. C'est ténébreux. C'est ... Faut que je dorme. Je m'écroule.

Sur la table.

Trou noir.

Combien de temps j'ai dormi, j'en sais fichtre rien.

Fracassé je suis.

J'ai un casque de plomb sur la tête. Voilà ce qui m'importe pour le moment.

Et puis un autre petit détail.

Folo n'est plus là.

Ca au moins, je peux me l'expliquer.

Du moins, tenter.

Il se serait réveillé avant moi et aurait préféré rentrer.

Tout bêtement.

Je me dis que ce serait une bonne idée de l'appeler.

On sait jamais.

Les lendemains de cuite sont parfois porteurs de bonnes idées.

Dont acte.

Ca sonne.

Ca sonne.

Ca sonne...

Bon.

Ca répond pas.

Je fais quoi? Je laisse un message?

Non.

Je rappellerai.

Mais ça, j'aime pas.

Ni cette abscence, ni ce silence.

On était censé faire le tour du quartier ensemble.

Le maudit lacheur.

Tant pis. Je le ferai sans lui.

Café.

Et un autre.

Serré.

Faut ce qui faut.

Mes synapses reprennent vie.

Peu à peu.

Une douche.

Un coup d'oeil rapide dans la glace.

Miroir ô beau miroir.

Je mate.

Mon beau reflet dans mon beau miroir.

L'égo sans tain au sourire de satin.

Et là, effaré je suis.

Sur orbite. Cratérisé. Massacré. Tatoué.

Là, sur le front.

Tatoué!

Un triangle avec un point au milieu.

Qu'est-ce ça fout là?

Pile entre les deux yeux.

Je touche.

Du bout des doigts.

Avec d'infinies précautions.

Des fois que ça serait douloureux.

Ok. Ca fait pas mal.

Mais je tactilise un relief.

Un peu comme celle d'une blessure.

Ok.

Pas d'affolement.

On panique pas.

On réfléchit.

De deux choses l'une.

Ou c'est moi qui me suis fait ça. Dans un état second.

Ou c'est pas moi.

Si c'est moi, aucun souvenir.

Et comment j'aurai fait? Avec quoi? Aucune trace de sang nul-part. Je ne sens rien, en plus. Strictement rien.

Et alors qui, si c'est pas moi?

Folo?

Et comment?

Il était au moins aussi pinté que moi.

Et puis je l'aurai senti, quand-même!

J'étais pas rétamé à ce point là.

J'aurai été drogué?

Paranoïa, sort de mon corps!

Et si c'était un stigmate?

Ha! Une explication qui me plait.

Je stigmatise.

Ca me parait cohérent.

Je serais un sirien en mode carnation.

Et à force de faire le con sur terre, j'aurai oublié qui j'étais.

D'où je viens.

Et ce stigmate serait un signe de mon subconscient.

Le brave garçon.

Il aurait fait un noeud à mon mouchoir.

Pour mémoire.

A moins que ce soit mon singe.

Non. Là, je m'égare.

Ou alors, c'est Folo.

Je le rappelle.

Ca répond toujours pas.

Qu'est-ce qu'il fabrique?

En attendant, va me falloir du fond de teint pour camoufler. Mes chers contemporains ne sont pas encore prêts à contempler mon beau stigmate.

Trop bas du front.

Après la douche, c'est tout requinqué que je zone dans le quartier.

Je traverse la rue d'un pas gaillard.

Il y a un rond-point juste en face, en prenant de biais.

Pas un quidam.

C'est l'heure de la messe ou quoi?

Quelle curieuse impression.

Je panique pas.

Tout va bien.

J'aurai bientôt des réponses à toutes mes questions.

Là.

Respire.

Tout va bien.

J'arrive sur un parking.

Tu vas pas le croire.

Il est plein.

Plein, je te dis.

Des dizaines de bagnoles.

Toutes parfaitement garées.

Et toujours personne.

Un calme d'apocalypse règne sur l'alsphalte dépeuplé.

Je me concentre sur mon souffle.

Pour pas céder à l'affolement.

Le ventre.

Gonfler.

Bloquer.

Souffler.

Doucement.

Ca me calme.

un peu.

Je pourrais méditer mais là, je préfère cogiter.

A petits pas.

A petits pas oppressés.

Je préfère préciser.

J'ai mal aux tempes.

Et aussi au crâne.

Ca bourdonne.

Me faire un coup pareil un lendemain de cuite, c'est pas sympa.

Non.

Pas sympa du tout.

Les ricanements du cosmique redoublent.

Ils prennent des proportions sinusoïdales.

J'ai le front brùlant.

Et le triangle n'y est pour rien.

Enfin, je suppose.

Je stresse.

Trop.

Je respire profondément.

L'air frais s'engouffre dans mes alvéoles.

Le soleil incline ses doux rayons d'automne timoré.

J'ai l'air d'un con, dans ces rues désertes.

Parce-que j'ai beau arpenter, je croise vraiment personne.

Personne.

Personne.

Personne.

Je résonne en raisonnant.

D'un coup, mon oreille se dresse.

La droite.

Suivit de près par la gauche.

Et j'entends des cloches.

Pas dans ma tête.

En vrai.

Au loin.

On dirait celles d'un mariage.

Ou d'un baptème.

Trop guillerettes pour être celles d'un enterrement.

Quoi qu'il en soit, c'est bel et bien une église qui se fait sonner les cloches.

Y a pas à se tromper.

Partout ailleurs, c'est un silence de plomb.

Obsédant.

Qui rend la sonnaille saugrenue.

Comme un appel.

J'y vais ou j'y vais pas?

Tu ferais quoi, toi?

T'irais?

Moi pareil.

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