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Justement.

Faut que je te cause de l'ascenceur.

En panne.

Dix étages.

L'abus de l'escalier.

Il est glauque. Il pue.

Un escalier droit comme un colonel d'arrière garde.

Sinistre comme un échafaud.

Interminable dans sa rigidité.

Frigide comme la main de ta soeur.

Dix étages.

Faut se les taper.

Pour me donner du courage, je m'évoque "l'épisode Karo."

C'était une fille que j'avais rencontré dans un bar. Un petit bistro sympa qui fait l'angle avec la rue...Oui. Tu t'en fous.

Elle avait le petit coté rondouillet affriolant, karo.

On aurait dit une crêpe suzette.

On s'est plu.

Elle m'a emmenè chez elle.

Et devine quoi.

L'ascenceur.

En panne!

Elle habitait au huitième, karo.

Je me suis chopé des suées. je vais pas te le cacher.

J'ai du maudire chacun de ces étages sur au moins Vingt-cing générations.

J'avais des flagollances, sur la fin.

Des épuisements de lassitude.

Un essoufflement de désespoir.

Mais c'était rien, comparé à Karo.

Elle les payait cher, ses rondeurs.

J'ai du la soutenir dès le cinquième étage.

"Je vais déménager. Je vais déménager." Qu'elle disait.

Elle en pleurait, la bichette.

Elle commençait à me gonfler.

En plus, elle puait la sueur.

De la sueur de grosse.

Elle ressemblait plus à rien. Son rimmel dégoulinait sur ses grosses bajoues flasques. Ses yeux conjuguaient un passé décomposé.

Métamorphose de la bête à plaisir.

Ca m'a gonflé, de la voir si grosse.

Je suis salaud mais c'est comme ça.

Je l'ai lachée au septième étage.

Agonisante.

J'aurai du l'achever.

Je lui ai quand même fricoté le bousin, avant de les mettre.

Récompense du guerrier.

Faut pas déconner, merde!

Je m'étais pas tapé sept étages pour rien, quand même!

Je veux bien etre une tête de noeud, mais une tête de con, ça non!

Un fiasco, tu me diras.

Pas pour moi.

J'ai pris ça comme une leçon.

J'ai appris que Je connaissais mes limites et que les dites limites se limitaient au septième étage sans ascenceur.

Je suis salaud, je sais. Je viens de te le dire.

N'empêche que quand j'y repense, ça me fait marrer.

Quand je monte mon escalier aux navrances flagrances. Ca me fait marrer.

On fait ce qu'on peut.

A chaque étage atteint, je me remémore la tronche qu'elle avait au même étage dans son escalier à elle.

Le premier, nickel. Un petit soupir passé vite fait et hop!

Deuxiéme. Le soupir est beaucoup plus prononcé, déjà. Mais elle garde le rythme.

Troisième. Elle s'arrête une dizaine de secondes. juste le temps de souffler, annone t-elle. C'est vite passé. Ca repart.

Quatrième. Elle en peut plus. Elle se tient à la rampe comme un naufragé s'aggripe au bois flottant. Les genoux dans les mains. Elle souffle fort et ne parle quasi plus. C'est là, qu'elle a commencé à me gonfler.

Cinquième. Je me la trimballe au corps-à-corps. Elle tient plus sur ses quilles, la dinde. Elle me souffle dans le cou et me bave dessus. Elle pèse lourd. Un vrai sac.

Cinquième. Elle me met du rimmel partout, cette conne! Elle se cramponne tellement fort à ma belle chemise pure soie mûrier naturel, qu'on risque de se vautrer tous les deux. Elle essaie de me parler mais elle peut pas. Elle postillonne sévère. J'ai un début de nausée. "Ne m'abandonne pas. Ne m'abandonne pas." Qu'elle arrive quand même à articuler. Avec la sueur, les postillons et l'odeur.

Sixième. Elle est affalée sur les marches. Elle peut plus se mettre debout. Une vraie loque. J'hésite entre la pitié et le dégoùt. Je la traine par les pieds.

Septième. Je la làche un moment pour souffler. Normal. Je suis pas un boeuf. Et cette conne qui en profite pour se gameller. Je la laisse camper. Marre!

Arrivé moi-même au septième étage de mon propre immeuble, je suis pris d'un fou rire.

Irrésistible.

Ca marche à tous les coups, le souvenir Karo.

Huitième.

Mon huitième à moi. D'étage.

Le problème se pose.

Plus de karo. Plus de franche rigolade. Faut ruser. Braver. Dompter. Imaginer une Karo...Trainée par les cheveux... non...Ca marche pas. Alors je pense à ma gueule à moi. Ma gueule de salaud. Il sue, le salaud. Il sue. Et il a mal aux guibolles.

Neuvième. J'ai nettement ralenti. La rampe me retient.

De justesse.

Chaque marche est une épreuve. Je me marre plus.

Plus du tout.

J'ai plus le souffle à ça.

Dixième. J'attends un moment avant de mettre la clé dans la serrure.

Une bonne minute. Facile. Après, c'est le couloir de la mort blanche. Lumière. Chez moi. Bienvenue dans le vide!

Une vodka?

une vodka.

Rien qu'une.

Pour me remettre.

A la cool.

A poil.

Chez moi

Home souite home.

Cinq vodkas?

quoi..déjà?

Elles sont passées où?

Arrete tes conneries et sers moi un verre.

Comment ça, le dernier? Si je veux, d'abord!

Six vodkas.

Je m'essaie aux coktails.

Pour changer.

J'innove.

J'aime l'innovation.

C'est moderne.

Ca me fait bander.

Vert fluo.

C'est la couleur du coktail qui m'a flingué.

Il était vert fluo.

Je sais pas comment j'ai fait, pour lui donner cette couleur là.

J'aurai pas du le boire.

J'étais déjà bien bu.

Mais j'ai bu.

Bravement.

Et j'ai rien vu venir.

Une fatalité.

Le coup du guépard.

la surpuissance de sa mâchoire.

Au dessus du crâne.

Comme avec l'alligator.

C'est comme ça qu'il s'attaque à l'alligator, le guépard.

Il le mord au-dessus du crâne. Tu savais pas?

Maintenant, tu le sais.

Y a un des plus grands prédateurs d'Amazonie qui plante ses crocs dans mon crâne.

Et ça fait mal.

Saloperie de cocktail.

J'aurais vraiment du me méfier.

Enfin. maintenant j'habite vraiment les lieux.

J'ai laché le singe.

Et puis y a eu l'harpie.

Je l'appelle comme ça, parce-que je sais pas comment l'appeler autrement.

C'est une ombre volatile.

Qui ressemble à une harpie.

Elle avait beau agir en nocturne. A des heures où même moi je m'éteins.

Ca m'a pas empêché de la repérer.

J'ai l'oeil sensitif.

On me la fait pas.

Si y a de l'invisible, qu'il aille se faire voir ailleurs.

Surtout si c'est hostile.

Une harpie.

C'est mauvais ça. Teigneux et compagnie.

Ca fait du ramdam nocturne.

Ca survole les rêves.

Et c'est méchant.

J'ai du m'en occuper.

En l'observant, j'ai remarqué qu'elle faisait comme les pies.

Elle essayait de choper tout ce qui brillait.

Je ne cherche pas à sous-entendre que je brille spécialement. Mais je sentais bien qu'elle m'en voulait.

A moi.

Imagine.

Une bestiole qu'existe même pas qui te fait le ballet des supplices.

Le manège des maléfices.

Imagine la tronche du carroussel.

J'ai observé.

Ses va-et-vient.

Evalué la vitesse.

Projeté le geste fatal.

Le poing à la ligne.

Dans sa face!

Je l'ai projeté mille fois au cours de mon entrainement mental.

Dans le plus grand secret.

Tapis dans un coin du colimaçon.

Surtout pas louper mon coup. J'aurai pas droit à une deuxième chance. Je le ressentais fort.

Au bout d'un moment, je me suis sentit prêt.

J'étais sous haute-tension.

L'ampéremètre était dans le rouge.

Et elle s'est pointée.

Elle a tournoyé tranquille dans la chambre. S'est posé sur le lit.

Elle me défiait, la saloperie.

J'étais prêt.

"Viens voir pépère, connasse. Approche."

Elle a capté.

De suite.

Son regard est devenu plus acéré. Me perçait juque dans mon dedans.

Mon singe lui faisait des bras d'honneur.

Mon monkey n'a peur de rien.

Mais elle s'est pas dégonflée.

Elle s'est déployée d'un coup.

Juste un coup d'ailes.

Et elle était sur moi.

Beaucoup plus vite que je ne l'avais calculé.

Damnation!

Et un coup de griffes! Un!

J'en ai reçu trois, le temps que je réévalue les données.

J'avais le front en sang.

Mes yeux baignaient dans un flot tiède qui m'aveuglait.

Mais je la voyais quand même.

Là!

Elle vient de faire volte-face.

Elle arrive.

Un boulet. fulgurance éthérée.

Paf! dans ta face, saloperie!

Le gnon qu'elle s'est mangé!

J'allais pas me laisser emmerder par cette peste d'ombre.

Elle a gouté à mon poing astral.

Ma botte secrète.

L'élégance de l'uppercut.

Dans sa face!

Elle était à demi sonnée.

Vachement surprise.

Ebahie.

Elle s'y attendait pas, à celle là.

Très vite, elle se récupère. Et agresse une fois de plus ma petite personne. Faut rester modeste.

Une fois de trop.

Pour elle, ce fut fatal.

Le deuxième coup asséné était terrible.

Si puissament porté qu'elle fut catapulté contre le mur.

Qui l'a absorbé.

Ils sont comme ça, les murs.

Même blancs.

ils aiment pas les harpies.

Je ne l'ai plus jamais revue.

Stupeur et tremblements.

J'étais fier de moi, sur ce coup là.

Mais modeste, toujours.

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