Séraphine

2 minutes de lecture

La pièce était à peine éclairée par le feu dans la cheminée et par les éclats de lumière qu'il faisait jouer sur les murs de pierre blanche.

Séraphine était assise dans le siège en bois, enfouie sous la couverture, elle semblait endormie. Tout était mal placé. Le temps, les gens qu’elle avait sauvés, sa vie entière secouée par ses allées et venues dans le passé. Secouée par les changements incessants de ce présent traitre.

Elle avait tout mélangé, elle avait vécu de nouveau sa vie à l’inverse… et en faisant cela, elle avait tout perdu. Elle n’était plus chez elle nulle part, à aucun moment…

Le vertige revenait, son passé avant les souvenirs aussi, lorsqu’elle était trop jeune pour savoir, pour reconnaitre cette dame étrangère qui surgissait de nulle part pour se pencher sur son berceau. Les visages de ses parents, longtemps oubliés… mais eux tous ils avaient tellement modifié le temps … étaient-ce vraiment ses parents ? Et la main gantée qui plantait le poignard dans leurs cœurs était-elle la vraie main du tueur ?

Elle avait cru connaître le visage jeune de ce tueur. Elle n’avait pas pu l’empêcher de tuer. Elle n’avait rien pu empêcher. Surtout pas ce chaos dans lequel le monde s’effondrait avec chaque voyage, avec chaque nouveau pouvoir réveillé.

Ils avaient eu tort tous les deux.

Edmira entra dans la pièce, une lampe à la main. Une ombre. Elle aurait tant voulu l’épargner, mais les changements du temps n’épargnaient personne. Leurs souvenirs s’étaient effondrés. Elle ne la connaissait presque plus.

- Madame, dit-elle avec surprise en la découvrant dans la pièce.

Derrière elle, Séraphine découvrit Jolien. Jolien, qui entrait et sortait en maître de son château. Sa peau se hérissa, mais était-ce au souvenir de ses caresses ou de ses mensonges ?

Ils avaient fait tant de mal. Tous. Le pouvoir avait été donné à tant de monde.

Elle ferma les yeux. Une nouvelle guerre avait éclaté au sud. De nouveaux mercenaires débarquaient dans la vallée pour l’armée du mage Alzemond. Le village s’était paré de sang, les habitants avaient pris le sabre pour se juger dans la place publique. Il n’y avait plus de lois si les lois du monde venaient d’être abolis.

Petit à petit elle avait perdu Berthe, puis Edmira. Et maintenant Jolien. Rien n’était plus pareil, n’avait plus de sens.

Elle ouvrit les yeux. Le bois de sa chaise était le même, le feu était toujours en train de jeter des éclats de lumière et des ombres. Edmira avait apporté sa lampe. Pendant quelques minutes tout était resté pareil.

Et devant elle il y avait ce chat jaune, sale, lui déposant un petit bijou émeraude à ses pieds.

Comment réparer un temps malade maintenant que tout a été, tant de fois, changé ? Qu’il n’y avait plus d’arrière où revenir ? Qu’on avançait, tous, en titubant, sur une petite planche en équilibre au-dessus des vagues ?

Était-il possible de réparer ce qu’elle venait d’altérer ? Eveline se retourna dans son ancien lit de sa nouvelle chambre, encore confuse. Dans quelle époque était-elle ? Dans quel monde ?

La chambre était plongée dans la pénombre. Elle se leva chancelante et vit les ombres et les lumières du grand feu dans la cheminée, projetées sur les murs. Sur son tapis, il y avait ce chat jaune qui dormait paisiblement. Un papillon de nuit virevolta un moment autour d’elle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire bluesoll ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0