Chapitre 17

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Lundi, cinq heures quarante-cinq, Paris. Dans l’appartement de la famille d’Abraracourt, toutes les lumières s’allumèrent simultanément.

Emilie se tourna dans son lit, arrachée à son merveilleux rêve. Son week-end avait été éreintant, principalement à cause de sa grand-mère, qui avait encore une fois essayé de la traîner à une soirée spéciale afin de la présenter à tous les bons partis parisiens. Et de ses parents qui avaient exprimé leur désaccord de manière très… sonore. L’inconvénient d’avoir un père ténor.

La jeune fille n’eut même pas le temps de se lever que sa mère débarquait en trombe dans sa chambre. La femme commença à parler rapidement mais le cerveau d’Emilie était encore tout embrumé et elle n'y comprit rien. Le temps que son esprit se réveille, sa mère était déjà assise sur son lit en train de lui masser les pieds.

« Euh Maman, que fais-tu ? questionna timidement la jeune danseuse.

-Mais je te prépare pour ton heure de gloire ma chérie ! Tu as bien vu que les répétitions commençaient aujourd’hui, n’est-ce pas ? Tu dois être rayonnante ! s'exclama-t-elle. Oh ma chérie, je suis certaine que tu as brillamment réussi les auditions ! »

Emilie soupira et esquissa un petit sourire las.

« Maman, c’est évident que je vais obtenir un rôle. Ma prestation était incroyable, affirma-t-elle avec suffisance. »

En réalité, Emi n’en menait pas large. La belle blonde avait une boule au ventre et un mal de crâne épouvantable. Elle se leva et, en entrant dans la cuisine, tomba sur un véritable buffet. Son père était sorti chercher des croissants et des pains au chocolat pour sa petite chérie, l’amour de sa vie, la personne la plus importante de la création. Il avait en outre préparé une salade de fruit, des pancakes, des crêpes et des muffins.

Emi sentit son estomac se soulever devant toute cette nourriture. Elle qui ne mangeait déjà pas beaucoup le matin en temps normal, cette abondance en ce jour la rendait quelque peu nauséeuse…

La lycéenne fit tout de même l’effort de manger un peu de salade de fruit. Emi sourit à son père, avant de partir se préparer. Elle ne voulait pas que sa mère la voie manger car elle savait pertinemment que cette dernière la forcerait à prendre un repas plus copieux.

En rentrant dans sa chambre, la jeune danseuse constata sur son réveil qu’il n’était que six heures du matin, ce qui signifiait qu’il lui restait encore une heure et demi à tenir avant de pouvoir partir en cours, et décida donc d'aller s’étirer et danser un peu. Elle espérait qu’en proposant à sa mère de la rejoindre pour quelques pas, elle réussirait à lui faire ignorer l'épisode du petit-déjeuner…

« Maman, ça te dit qu’on danse ensemble avant que je parte ? On a encore beaucoup de temps. »

Sa mère releva la tête d’un coup, et lui adressa un sourire incroyable.

« Oh ma chérie, rien ne me ferait plus plaisir ! J’ai eu peur que tu ne me le proposes jamais. Allons-y ! »

Les deux femmes allèrent dans la salle de répétition de leur demeure et y dansèrent jusqu’à ce qu’Emilie doive partir pour l’école.

La jeune fille s’habilla et partit en direction de son lycée. Elle qui, d’habitude, aimait filer tout droit prit cette fois le temps d’admirer la capitale qui s’éveillait, les lumières qui s’éteignaient et tous les parents qui tiraient leurs enfants sur le chemin de l’école.

Emi manqua soudain de percuter un petit chien, perdue dans la contemplation de sa belle ville, qu’elle négligeait trop souvent. Elle s’excusa platement auprès de la propriétaire de la petite saucisse à l’air stupide, une septuagénaire constipée et botoxée.

Continuant son chemin, la jeune danseuse fit dès lors plus attention à ne marcher sur aucun de ces rats de compagnie que les commerciaux compétents parvenaient à faire passer pour des chiens.

Lorsque la lycéenne arriva enfin devant la grille en fer forgé de l’école, elle inspira un grand coup, ferma les yeux, et entra dans la cour du bâtiment. Emi n’eut même pas le temps de s’approcher du panneau d’affichage, près de l’entrée, que ses amies lui sautèrent dessus. Enfin, que Charlotte lui sauta dessus, M.A., son air éternellement blasé sur le visage, dans son sillage.

« Coucou ma belle ! Alors ton week-end ? D’ailleurs,c’est aujourd’hui qu’on a les résultats des auditions, comment tu le sens ? »

Emi fixa l'énergumène aux cheveux roses, déjà fatiguée de son hyperactivité.

« C’était agréable, mes parents n’ont pas été trop agaçants. Ils m’ont juste réveillée à cinq heures ce matin pour que je me prépare. Et sinon, ma foi, tout va bien puisqu'il est évident que j’ai décroché un rôle dans le spectacle. N'oublions pas que je suis certainement parmi les meilleurs danseurs de cette école ! »

Ses amies la regardèrent avec un sourire. Aucun doute pour elles non plus ; Emi faisait partie des grands espoirs de la danse. Charlotte passa un bras autour des épaules de cette dernière et les pressa gentiment.

« Bien, maintenant que c’est dit, allons voir les résultats. J’ai hâte ! »

Emi se crispa mais essaya de le cacher à ses amies, ne voulant pas montrer son manque de confiance en elle.

Quand les jeunes filles arrivèrent enfin devant le panneau d’affichage, après un chemin qui sembla aux yeux d’Emi durer des heures, elles se faufilèrent afin de voir les noms inscrits sur la liste.

Emilie la parcourut rapidement du regard et sentit une boule de stress monter le long de sa gorge. La jeune danseuse ne voyait son nom nulle part. Une fois ce constat fait, la belle blonde sentit son monde s’écrouler. Tout ce en quoi croyait Emi s'effritait autour d’elle. Elle tourna son regard vers M.A., qui lui adressa un sourire plein de bienveillance, et qui pointa son index sur le haut de la liste.

Premier rôle féminin : Emilie d’Abraracourt.

La jeune fille se figea, n’en croyant pas ses yeux, qu'elle fit naviguer entre ses amies et le panneau. Ce n'est que lorsqu'Emi vit Charlotte hurler de joie que la réalité lui apparut dans toute sa splendeur. Elle allait la rejoindre dans sa danse de la joie, lorsqu’un détail attira son attention.

Premier rôle masculin : Adrien Silberdorn.

Le cerveau d'Emi beugua. Stupéfaction. Voilà qu'elle allait devoir danser avec ce… ce… ce mirliflor ! Et passer du temps avec lui lors des répétitions ! Sans l’aide ni la protection de ses amies ! A cet instant, la jeune danseuse était partagée entre la joie d’avoir réussi l’exploit de décrocher le premier rôle du spectacle de Noël ‒ alors qu’elle n’était qu’en première année ‒, et le dégoût de se rendre compte que la larve insupportable qui servait de fils au chorégraphe le plus doué de sa génération allait toucher son corps, l’enlacer, la porter…

« Oh mon dieu la chance ! J’aimerais tellement être à ta place, tu as le plus beau des cavaliers, lui susurra Charlotte avec un sourire coquin. »

Emi n’eut même pas la force de lui répondre.

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