Il ne pouvait en rester qu'une

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"Aujourd'hui, Maman est morte."

C'est ce que j'ai lu dans le journal, ce matin. Quel putain de soulagement. Elle qui avait semé la panique dans la ville. Tout le monde espérait qu'elle disparaisse. Qu'elle cesse de terroriser les habitants. Son petit cycle de terreur a duré bien dix mois. Claudia Maman est morte. On l'a retrouvée dans une chambre d'hotel qu'elle louait. Morte. Une balle entre les deux yeux. La police a déterminé que c'était un suicide. Je l'ai lu aujourd'hui, dans le tramway qui devait me mener au travail. La police en est certaine : l'écriture sur sa lettre d'adieu est bien la sienne. Cette écriture est si singulière, si particulière, qu'il serait bien trop compliqué de l'imiter sans se faire prendre.

Eh, bien ! Quelle drôle de résolution à toute cette histoire, non ? Dans le tramway, j'ai vu au moins deux tags, sur un mur. C'était écrit en grosses lettres rouges, mais suffisament proche du rouge-brun pour qu'on confonde ces lettres avec du véritable sang humain. "Crâme en Enfer, Claudia".

Et ils ont raison, Claudia Maman. Tu étais une tarée. Tu as failli faire couler mon business. Ici, dans cette putain de ville, c'est moi qui règne. Comme mes parents avant moi. Comme mes grands-parents avant eux. Et je n'ai pas les moyens d'avoir une pseudo-vilaine dans mes pattes. Non. Tu mérite amplement ce qui t'est arrivé. Ecoute, si tu avais été un peu plus discrète, si tu n'avais pas essayé d'interférer dans mes plans, il ne te serait peut-être rien arrivé. Je dis "peut-être", car qui peut savoir ?

Sérieusement, Claudia. Tu savais ce que je préparais pour toi, non ? Et pourtant, tu n'as rien dit à la police. Pourquoi ? Eh bien, parce qu'ils t'auraient foutu à l'asile, voilà tout. Qui allaient-ils croire ? Une ancienne prostituée, impliquée dans des affaires de délinquances, ou bien une simple secrétaire de mairie sans problèmes apparents ? Ils ne t'auraient même pas écouté une seule seconde. Dans ce monde on refuse les gens comme toi et moi, ils t'auraient tout simplement prise pour une folle en manque d'attention. Ils t'auraient sans aucun doute balancée en prison, là où tu aurais dû être depuis longtemps. Mais ceci ne faisait pas partie de ton plan.

Oui, bon, c'est vrai que tu avais un peu de classe dans ton costume moulant en latex. Mais bon, à te voir, cela avait l'air très peu pratique. Non ? Allez, ne mens pas, Claudia. Pour ma part, j'avais opté pour quelque chose de simple à porter. Discret, qui n'attirerait jamais l'attention sur moi. Oh, je n'avais pas besoin de grand-chose, non. Une arme me suffisait. Vois-tu, Claudia, ce qui nous différenciait, toi et moi, c'est que je ne me contentais jamais de mes pouvoirs. Un petit revolver bien caché, cela peut toujours servir. Mais toi, Claudia, tu t'attendais à ce que ta "magie" fonctionne toujours.

Vas savoir pourquoi, mais tu semblais penser que tu étais immortelle. Je suppose que ce n'était pas le cas, vu l'état dans lequel tu es désormais. Ce matin, dès que je suis arrivée à la mairie, M. Silverre m'a parlé de toi. Il m'a dit qu'il était triste que tu te sois "suicidée", que c'était tragique, mais au fond de ses yeux, je pouvais voir un éclat. Il prétendait qu'il était triste pour faire bonne figure, mais je savais très bien qu'en réalité, il était content. Presque... comment dire ? Oui, voilà : il avait l'air soulagé. Plus personne ne terroriserait sa ville. Il était heureux, et cela se ressentait à des kilomètres. D'une certaine manière, il appréciait mon travail.

Je n'ai aucune intention de me rendre à la police, Claudia. Est-ce qu'ils me croiraient, moi, une simple employée de mairie sans histoire de délinquances et de crimes ? Mon casier judiciaire est vierge. Dans cette ville, je suis toujours gentille avec mes victimes. Et je ne suis jamais la dernière personne à leur parler. Je fais toujours attention. On ne me suspecte jamais.

A force de voir tes dossiers à la mairie depuis quelques années, j'ai eu bien suffisament de temps pour mémoriser ton écriture. Chaque ligne, chaque arrondi, chaque lettre, chaque singularité. Personne ne saura jamais que c'est moi qui ai écris "ta" lettre de "suicide".

Désolée, Claudia. Cette ville ne pouvait avoir qu'une "supervilaine". Et cette ville est à moi.

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