chapitre 15 : I LOVE PARIS

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Aéroport international O’hare de Chicago. Il est dans les environs de 15 heures, le soleil a atteint son zénith depuis quelques heures, irradiant de ces rayons toute la ville. De nombreuses personnes transitent tous les jours dans cet aéroport qui propose de nombreuses destinations, aussi bien à l'intérieur du pays, qu'à l'étranger. Depuis le 11 septembre 2001, les mesures de sécurité sont très strictes, des officiers de police et des militaires circulent partout à travers l'édifice.

Au mois d'avril, de nombreux étudiants en profitent pour rentrer chez eux ou partir se relaxer pendant leurs deux semaines de repos. Les campus ne sont pas pour autant déserts. Certains jeunes n’ont pas le budget nécessaire pour voyager et d’autres préfèrent réviser leur cours en vue des prochains examens qui s’annoncent décisifs.

Shawn ne fait pas parti de cette dernière catégorie, malgré l’obtention de résultats médiocre. Le jeune français a d’autres préoccupations. Il est sur le point de prendre un avion à destination de Paris et rien, ni personne ne pourra l’arrêter dans son élan. Après les révélations apprises, il a décidé de ne pas perdre de temps et de foncer, même s’il se torture le cerveau à chaque seconde. Il sait qu’il doit y aller, quitte à se brûler les ailes, ne voulant pas vivre avec des regrets. Le jeune homme veut croire qu’un happy end est à portée de main, même pour lui.

Il a encore du mal à croire qu’il s’apprête à réaliser son plus vieux rêve. Il a toujours espérer pouvoir rencontrer un jour sa mère. Quand il était petit, il s'endormait souvent en priant pour qu'à son réveil, sa mère soit à ses côtés. Le réveil était toujours teinté de déception, il avait le sentiment d'être seul au monde. Un sentiment qui l'a fait souffrir pendant très longtemps. Jusqu'à ce qu'il finisse par devenir désabusé et à ne plus croire que sa mère tienne à lui.

Le fait d'avoir pu mettre un visage sur le nom de sa mère a changé son existence, mais l'a également compliqué. Jusqu’à présent, il a passé son temps à imaginer une personne sans visage. Pouvoir distinguer les traits de son visage et tant d'autres caractéristiques l'a retourné. Une page a été tournée et quoi qu'il se passe en France, il ne lui sera plus possible de retourner en arrière.

Il aurait aimé ne pas être seul dans cette épreuve. Pouvoir s'appuyer sur quelqu'un, sentir un soutien car il ne sait pas ce qui découlera de cette aventure. Sera-t-il assez fort psychologiquement pour tenir le coup ? Est-ce que sa mère ne le rejettera pas avec dégoût ? Il a beau tourner et retourner toutes ses questions dans sa tête, il se sent toujours autant perdu. Mais il ne savait pas vers qui se tourner. Il ne voulait surtout pas ennuyer Sarah avec ses problèmes. Sans compter qu’un billet pour Paris coûte très cher, surtout en cette période de l'année. Il a fini par oublier cette idée, se disant qu'il a toujours été seul dans sa vie alors il est normal qu'il le soit également durant cette épreuve.

Le français sort brutalement de ses pensées. Lorsque la voiture dans laquelle il se trouve s'arrête avec grand fracas devant l'accès "dépose minute" de l'aéroport, lui coupant net la respiration. Le jeune homme se réjouit d'avoir mis sa ceinture de sécurité, sinon son visage se serait incrusté dans le pare-brise. En même temps, connaissant le conducteur, il avait prévu le coup.

Ce dernier n'est autre que Jamie, ce dernier sourit, fier de sa manœuvre, se prenant pour un vrai cascadeur. Le passager à l’arrière n’a pas eu autant de chance. Il grimace en se redressant, le crane endolori dû à un choc contre le toit, avant de foudroyer d’un regard noir le conducteur.

- Tu sais que tu es un vrai danger public toi ! Je n’arrive pas à croire qu’ils t’ont donné ton permis grogne Griffin.

- Oh mais, ils ne l’ont pas fait ! Je ne l’ai jamais passé dit Jamie, tout sourire.

Griffin devient tout pâle, se rendant compte qu’il aurait pu mourir. Il a soudain très envie de descendre de cette voiture et de mettre le plus de distance possible entre lui et ce conducteur insensé.

- Il n’a pas tort, ta conduite craint, mec ! Va peut être falloir que tu commences à prendre de vrais cours de conduite. La Playstation, ça ne t’apprend pas tout ricane Shawn.

- Ouais, moi aussi je vous aime les gars dit Jamie, insensible aux sarcasmes de ses camarades.

Shawn observe les portes automatiques à l'entrée de l'aéroport. Il prend une bonne inspiration pour se donner du courage, sachant que c’est maintenant ou jamais l’instant de vérité. Une fois qu’il sera entré dans l’édifice, la première phase de son plan entrera en action et ce ne sera plus possible de faire machine arrière. Le jeune français n'a pas changé d'avis, toujours motivé à l’idée de retrouver sa mère. Mais être courageux ne signifie pas que l’on soit sans peur pour autant.

Grâce au nom transmis par sa demi-sœur, il a pu faire des recherches et a appris que sa mère vivait dans le 8éme arrondissement de Paris. Elle travaille comme fleuriste dans un autre quartier de la ville. Il ne sait pas si elle est mariée ou si elle a des enfants, il n’a pas voulu pousser plus loin ses investigations, préférant découvrir la situation sur place. Il ne compte pas l'importuner, ni lui faire des menaces. Il veut simplement prendre contact avec elle et la regarder droit dans les yeux quand il lui annoncera qu’elle est face à son fils. Il a très souvent répété cette scène dans sa tête, mais la vivre en vrai, c’est tout autre chose. Il va lui falloir beaucoup de volonté, s'il veut mener son plan à terme. Shawn ne peut s’empêcher de se demander s’il a les épaules assez solides pour une telle mission. Mais comme il le dit souvent, il n’existe qu’une seule façon de le découvrir !

Jamie observe Shawn en silence et cela lui fait de la peine de voir son ami souffrir autant même si Shawn reste silencieux. Il suffit d’observer son visage ou ses mimiques pour avoir une idée du combat intérieur qui se livre en lui.

- Tu sais, je peux toujours faire demi-tour. Il n’y a aucune honte à ne pas aller jusqu’au bout dit le conducteur, très sérieux.

Shawn souffle avant de se tourner lentement vers Jamie et d’ébaucher un sourire sans beaucoup de gaieté.

- Je sais, mais je dois le faire. Cela peut me permettre d’avancer dans la vie, de pouvoir tourner une page. Je ne veux plus vivre dans l’illusion. Il est temps pour moi d’affronter la réalité.

Jamie et Griffin hochent la tête, comprenant ce que ressent leur camarade et partagent son avis.

- Je ne saurais jamais ce que tu traverses. Mais je voulais que tu saches que c’est vraiment courageux ce que tu t’apprêtes à faire.

- C'est vrai. Je voulais être là pour t'apporter mon soutien dit Griffin, en tapotant l'épaule de son ami.

- Vous êtes de vrais potes, les gars. Merci pour tout dit Shawn, qui se sent un peu moins seul.

Shawn ferme les yeux, respire un bon coup, avant de se tourner vers ses deux compagnons et de leur serrer la main.

- Bon, les gars. Il est temps que j'y aille. Sinon on va tous se mettre à pleurer comme des madeleines. Ça gâcherait un peu ce moment viril ! plaisante Shawn.

Il se tourne vers la portière et au moment où il pose sa main sur la poignée, une pensée lui traverse l’esprit. Il se tourne à nouveau vers Jamie et le regarde droit dans les yeux. Ce dernier sentant le regard perçant et inquisiteur de son ami, commence à se sentir mal à l'aise.

- Quoi? Qu’est-ce que j’ai encore fait ?

- Tu n'as rien dit à Sarah, n’est-ce pas !

- Tu m'as fait promettre de ne rien lui dire. Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer.

- Tu sors ça d'où? De l'école primaire ! ricane Griffin.

- La ferme! s'exclame Jamie, sans se tourner vers l'arrière du véhicule.

- Sérieux, tu ne lui as rien dit insiste Shawn.

- Eh c'est moi quand même ! s'exclame Jamie, sur un ton outré.

Shawn finit par acquiescer, ne voulant pas offusquer d’avantage son camarade. Même s’il n’est pas complètement rassuré.

- Ok ! désolé. Je ne veux juste pas qu’elle s’inquiète. Elle m'aurait empêché de partir ou j’aurai eu droit à une leçon de morale. Je m’excuserai à mon retour ! Bon, merci encore les gars, je dois me sauver.

- Bon vol disent ses deux amis d’une même voix.

Shawn sort du véhicule, récupère à l’arrière son sac de voyage et après un dernier signe de la main, s'engouffre à l'intérieur de l'aéroport. Avant de disparaitre, noyé dans le flot des voyageurs.

Jamie le regarde s'en aller et une fois que son ami est loin, s’empresse de sortir son téléphone portable et d’envoyer un texto. Il repose son téléphone et tourne la clef de contact de son véhicule.

- Il va me tuer quand il va l'apprendre soupire Jamie, en faisant la moue, imaginant déjà la scène.

- De quoi tu parles..... Non, tu n'as pas fait ça ! s’exclame Griffin, comprenant tout de suite.

- Eh ! Est-ce que j'avais le choix ! s'exclame Jamie, sur un ton défensif avant de démarrer.

Griffin s'abstient de tout commentaire, sauf au moment où Jamie prend un virage un peu trop serré à son goût en sortant de l’accès « dépose minute ».

- Tu sais, je crois que je vais prendre un taxi pour rentrer !

N'ayant pas de réponse de la part du conducteur, Griffin s'assure que sa ceinture de sécurité est correctement mise. Le jeune homme fait le signe de la croix sur son torse, priant pour arriver en un seul morceau au campus. Il est seul face à un véritable danger public et l’assurance que Jamie affiche sur son visage, ne le rassure pas du tout.

Dès le moment où il a posé le pied sur l’asphalte de l’aéroport, Shawn déconnecte son cerveau. Ne voulant pas trop réfléchir de peur de changer d’avis à la dernière minute. L’étudiant suit les autres voyageurs vers les bornes d'enregistrement. Il jette un coup d'œil au tableau d'affichage et se sent soulagé lorsqu’il se rend compte que son avion n'est pas retardé.

Ne voulant pas perdre de temps, il se charge des formalités administratives et passe sans soucis le poste de douane. Le jeune voyageur s'engage dans l'escalator qui mène aux salles d'embarquement. Tout en se tenant à la rambarde, il se tourne afin de regarder le hall de l'aéroport, comme pour saluer une dernière fois la ville de Chicago, avant son envol. Il y a vécu des aventures incroyables et il est sûr que c’est loin d’être fini. C’est étrange, mais il se sent plus chez lui ici qu’en France, alors qu’il y a vécu pratiquement toute son existence.

C’est à ce moment, qu’il remarque deux personnes devant la barrière de sécurité qui l’observent en souriant. Ces derniers ne lui sont pas inconnus, loin de là. Il s'agit d’Hayden et de Max. Ces derniers sont venus pour lui souhaiter un bon voyage tout en restant à distance. Le jeune noir sourit à son tour, très touché par cette attention. Il reste penaud quelques secondes avant de se reprendre et de leur faire un signe de la tête. Il ne s'y attendait pas.

Il va finir par croire qu’il compte pour les gens, alors que cela n’a jamais été le cas par le passé. Il retient les larmes qui lui montent aux yeux. Ce n’est pas le moment de se montrer si émotif, même si les gens ont l’habitude de voir de telles attitudes dans un aéroport. Depuis quelques temps, les trois jeunes sont de plus en plus proches. Le fait d'avoir vu ensemble le passé de leurs mères les a encore plus soudés. Ils sont bien décidés à se battre jusqu'au bout contre tous leurs ennemis, aussi bien Devon et Ethan, que l'agence du C.A.S.

Les trois demis frères n'ont pas besoin de parler car tout se lit dans leur regard. Max et Hayden sont là pour lui faire comprendre qu’ils le soutiennent dans sa quête. Qu’ils sont de tout cœur avec lui et qu’ils l’accompagnent par la pensée dans son périple. Ils n'ont pas le même sang qui coule dans leurs veines pour rien. Les jeunes continuent à se soutenir du regard en souriant jusqu'à ce que Shawn disparaisse de leur champ de vision, emporté par l'escalator.

Au moment où il s’apprête à s’engager vers sa porte d’embarquement, Shawn ne remarque qu’à la dernière seconde, une jeune fille qui s’approche dangereusement de lui. Elle le percute sur le côté et prise dans son élan, renverse une partie de sa limonade sur le pull du jeune étudiant. Ce dernier grimace en reculant lorsqu’il sent la morsure de la boisson froide sur sa peau. Il s'empresse d'enlever son pull, ne voulant pas se mouiller d’avantage. Heureusement qu’il dispose d'un t-shirt en dessous. C’est au moment où il relève la tête qu’il reconnait la jeune fille, il lui serait impossible d’oublier son visage.

Il s'agit d'une des filles qu'il a sauvées lorsqu’un groupe de satanique a tenté de procéder à un sacrifice. Shawn écarquille les yeux pendant quelques secondes, ne s’attendant pas à cette surprise. Il se reprend rapidement et agit comme s'il l'a voyait pour la première fois de sa vie. Chicago est pourtant une grande ville mais comme on dit, le monde est petit ! Soudain il voit avec stupeur l'agent Peterson se diriger d’un pas rapide vers lui. Shawn ne peut s'empêcher de pâlir. Cela lui demande un effort colossal pour empêcher les tremblements nerveux qui agite son corps et pour ne pas avoir l'air paniqué.

Il est le premier étonné en se rendant compte qu’il réussit à ébaucher un sourire lorsque l'agent s'arrête à sa hauteur. La pression est à son paroxysme pour le français, son cœur bat la chamade dans sa poitrine. Tout ce qu'il veut, c'est retourner en France et qu’on le laisse tranquille, mais apparemment cela semble trop demander. Le destin semble vouloir lui mettre des bâtons dans les roues, jusqu’au bout.

Le jeune voyageur remarque que l'agent n'avance pas vers lui d'une démarche menaçante et si ce dernier est venu pour l'arrêter, il le cache bien. Shawn reste calme mais tous ses muscles sont tendus, prêt à réagir et à prendre la fuite en cas de danger. Peterson n'a jamais vu son visage mais Shawn a du mal à croire que cette rencontre soit le fruit du hasard.

Peterson se tourne vers sa fille et lui dit sur un ton empli de reproche.

- Je t'ai déjà dis de ne pas courir comme une folle ! Tu vois le résultat.

- Je suis désolé, je pensais avoir vu maman arriver.

- Elle ne va pas tarder, mais bon on peut l'attendre sans tout détruire sur notre passage. Ah je te jure! (puis se tournant vers Shawn) Je suis vraiment confus. Je ne sais vraiment pas comment m'excuser.

Shawn a la gorge sèche mais il réussit à s’exprimer sans que sa voix tremble

- Euh ! Mais non, ce n'est pas grave. Ce sont des choses qui arrivent.

- Cela me gêne vraiment. Je ne peux pas vous laisser comme ça dit Peterson, réfléchissant à différentes possibilités.

- Je vous assure que ça va aller dit Shawn, voulant mettre fin à cette conversation le plus rapidement possible.

- Excusez-moi, vous habitez à Chicago?

- Euh...... oui dit Shawn, s’en voulant une seconde plus tard de ne pas avoir menti.

- Donnez-moi votre adresse.

- Euh... c’est-à-dire que balbutie Shawn, qui commence à se rendre compte que la situation ne tourne pas en son avantage.

Shawn n'a aucune envie d’en dire plus à son sujet. Car au cas où Peterson découvre son identité, il saurait où le retrouver. Ce qui n’est pas du tout envisageable.

- Je veux vous rembourser les frais pour le pressing, c'est le moins que je puisse faire mais là je n'ai pas de monnaie, ni de chéquier sur moi.

- Mais c’est trois fois rien.

- J'insiste! Sinon, je sais ce qu'on peut faire dit Peterson (en sortant de sa poche une carte de visite) Voici mon numéro de téléphone. Dés que vous revenez, vous me passez un coup de fil et je vous rembourserai les frais. Ok !

- Euh ! franchement… Vous n'avez pas besoin de faire ça.

- C’est la moindre des choses.

- Ok finit par céder Shawn, comprenant qu’il n’arriverait pas à s’en débarrasser autrement.

- Très bien. Je compte sur vous.

Le jeune acquiesce de la tête et fait mine de vouloir s’en aller.

- Paris est une très belle ville, vous en avez de la chance dit Peterson, en voyant le ticket de la compagnie aérienne qui dépasse du sac à dos du jeune homme.

- Je sais répond Shawn, en souriant poliment avant de prendre congé.

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