chapitre 12

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Tout ce petit monde sort de la camionnette, heureux de pouvoir respirer de l’air frais et de marcher dans l’herbe. Les conducteurs des taxis attendent à l'intérieur de leurs véhicules, prêts à démarrer. Les jeunes femmes se regardent, les yeux mouillés par l'émotion. Elles ne sont pas toujours toutes entendues, ni appréciées. Mais malgré tout, elles sont restées soudées dans l'adversité.

Elles ont traversé le même cauchemar. Cela les a marqué au plus profond de leur être, créé des liens très forts, qu'elles ne sont pas prêtes à oublier. Quoi que leur avenir leur réserve, elles se rappelleront toujours des évènements traversés. C’est leur unité qui leur a permis de tenir, sinon elles auraient craqué depuis longtemps. Les mois passés resteront gravés et les changeront à jamais.

Personne ne sait quoi dire pour rompre le silence qui s'est installé, c'est comme si aucune d'entre elles ne voulaient quitter le parking. Cela les fait souffrir d'avoir à se séparer car elles savent qu'elles ne se reverront jamais. Elles ont du mal à cacher leurs tristesses alors que retrouver leur liberté était leur souhait le plus cher. Même si elles en parlaient autour d’elles, personne ne croira ce qu’elles ont vécu. Personne à part elles ne peut comprendre ce qu’elles ont enduré. Le fait de se séparer, c’est comme si cette période de leur vie n’avait jamais existée.

Diezel qui est resté à l'écart pour laisser de l’intimité aux femmes, fait signe discrètement à Nathalie de le rejoindre. La française s’avance vers lui, tout en fronçant les sourcils en voyant que le docteur semble mal à l’aise et préoccupé. Elle se demande ce qu’il va bien pouvoir lui révéler, tout en sachant que cela ne va pas lui plaire.

- Que se passe-t-il ?

- J'ai besoin de toi.

- Pardon ! s'exclame avec surprise la jeune française.

- J'ai vu certaines choses dans ton dossier pendant les examens qui me font penser qu'il pourrait y avoir des complications. Je dois te parler de certaines choses, c’est très important. Je te dirai tout avant de te déposer à l’aéroport. Je t’ai réservé un billet pour le prochain vol en direction de Paris.

- Mais c'est que... tu n’es pas obligé de me déposer dit Nathalie, à court d’arguments.

- Tu dois savoir certaines choses. Cela peut être vital pour ton accouchement. Sinon ils remontreront jusqu'à toi. Je te demande de me faire confiance une dernière fois. Je te promets que cela ne sera l'affaire que de quelques heures.

- Je suis la seule dans ce cas-là ?

- Oui. Je sais que tu aimerais disparaitre et tirer un trait sur toute cette période. Ce ne sera pas long, je te le promets.

- Je ne sais pas, je...

Nathalie tourne la tête en direction des taxis où ses camarades l'attendent. Elle a envie de partir avec eux et d'oublier cet enfer. Surtout que depuis l'évasion, elle ne sent plus du tout à l’aise en présence du jeune docteur. Elle a très envie de mettre le plus de distance possible entre eux. Elle a une mauvaise intuition à son sujet, comme s'il avait caché sa vraie nature durant les derniers mois et que maintenant cette dernière refaisait surface. Mais en même temps, elle sait qu'elle lui est redevable car sans lui, jamais elle n'aurait pu s'enfuir. Elle lui doit énormément et ce n'est pas un simple merci qui suffira.

Elle pousse un long soupir avant de se tourner vers lui et d'hocher la tête, ayant prise sa décision.

- Tu peux compter sur moi.

- Je te remercie dit-il, en poussant un soupir de soulagement.

Nathalie retourne vers ces compagnons qui attendent devant les taxis. La jeune française leur explique la situation, ses deux amies acquiescent de la tête, comprenant. Catherine et Janice se jettent dans les bras de Nathalie et les trois femmes se serrent fort l'une contre l'autre. Elles ont toutes les yeux embués sous le coup de l'émotion.

- J'aurai aimé que tu viennes avec nous !

- Moi aussi. Vous savez où vous allez ?

- Je connais des coins où on peut crécher quelques temps et j'ai des amis qui peuvent nous aider pour l'accouchement. Ce ne sera pas luxueux, mais ça sera toujours mieux que là d’où on vient dit Janice.

- Faites bien attention à vous surtout dit Nathalie

- J'aurai aimé qu'on reste en contact et que nos enfants grandissent ensemble. On aurait prouvé à tous que cette histoire de Satan n'est que sottise dit Catherine, peinée.

Nathalie hoche affirmativement de la tête, même si elle n'est pas totalement convaincue que la progéniture qu'elle porte n'est pas liée à quelque chose de spécial. Quelque chose qui la dépasse totalement. Mais pour le moment, elle ne s'en préoccupe pas. Elle y repensera plus tard quand elle aura cinq minutes de répit.

Diezel se rapproche du groupe des femmes et leur fait comprendre qu'il est temps qu'elles prennent le large. Les trois amies se regardent une dernière fois, comme pour graver ce moment à jamais dans leurs mémoires. Janice et Catherine montent dans le premier taxi.

- Ils vont vous conduire où vous le souhaitez ! dit le docteur à leur attention.

Sandra est très en colère et crie à l'encontre d'Amy. Elle se retient de lui griffer le visage mais la jeune instable lui fait peur.

- Il est hors de question que je monte avec elle dans ce taxi. C'est une folle !

- Ce n'est pas vrai, c'est toi la menteuse dit Amy, d'une petite voix d'enfant.

- Vous n’avez pas le choix sauf si vous préférez rester dans ce bled paumé. Mais vous ne trouverez pas ici les soins dont vous allez avoir besoin dit Diezel.

Sandra grimace, les sourcils froncés, détestant qu’on n’aille pas dans son sens. Avant de pousser un long soupir et d'affaisser les épaules, s’avouant vaincue.

- Très bien, mais à la première occasion, je m'arrache !

- Vous êtes libre, plus personne ne vous dictera votre conduite dit Diezel.

La jeune femme jette un regard méchant en direction d’Amy avant de s'asseoir dans le taxi. Quand la jeune instable s'assoit à son tour, Sandra se colle à la portière afin de mettre le plus de distance possible entre elle et sa voisine d'infortune.

Nathalie n'a pas eu le temps de dire en revoir aux deux femmes, mais ce n’est pas vraiment une perte, n’ayant jamais été très proches. Surtout avec Sandra, cette dernière ne lui manquera pas du tout. Mais elle doit reconnaitre qu’elle est contente de mettre également de la distance avec Amy. Le dernier geste de cette dernière la marquera à jamais. Elle n’est pas prête d’oublier le sourire que cette psychopathe affiché lorsque le corps de Sandra a explosé… c’était juste horrible.

La jeune française regarde les deux taxis sortir du parking et disparaître dans l'obscurité de la nuit. Elle n'arriverait pas à expliquer le sentiment qu'elle ressent au fond d'elle, mais elle se sent toute bizarre, abandonnée. Elle sort de ses rêveries lorsque Diezel lui pose une main réconfortante sur l'épaule.

- Ne vous en faite pas, elles vont s'en sortir. Il est temps d'y aller !

La jeune française acquiesce de la tête avant de suivre le docteur et de remonter dans la camionnette. Une fois qu'ils sont tous les deux installés à l'avant, un silence pesant s'installe. Nathalie aime de moins en moins l'idée d'être seul avec lui. Elle ressent ce sentiment au plus profond de ses tripes. Le docteur se penche vers le bouton qui contrôle le radiateur et appuie dessus.

- Il fait de plus en plus froid. Un peu de chaleur ne nous ferait pas de mal.

- Oui, c'est sûr ! S’exclame Nathalie, en grelottant.

Diezel cherche quelque chose sous son siége, ne le trouvant pas, il regarde à droite et à gauche sans plus de succès.

- Je peux vous aider?

- Je recherche le dossier où j'avais inscrit les choses à vous dire. Je l'avais mis à l'avant de la camionnette avant de venir vous chercher. Vous pouvez regarder sous votre siège ?

Nathalie s’exécute de bonne volonté. Elle se baisse aussi bas que son état le lui permet et tâtonne sous son siège, sans résultat.

- Non désolé, aucune trace dit elle avant de relever la tête.

Au moment où elle se redresse, elle sent une douleur aigue au niveau du cou et une vague de chaleur qui lui traverse tout le corps. Elle tourne la tête, pour découvrir le docteur penché vers elle, une seringue à la main.

Nathalie écarquille les yeux et ouvre grand la bouche pour pousser un cri mais aucun son n'en sort. Elle lui jette un regard accusateur, mais le docteur reste de marbre, observant ses réactions. Elle ne comprend pas pourquoi il agit ainsi avec elle, ça n’a aucun sens à ses yeux.

- Je suis désolé mais je n'avais pas le choix. Tu aurais refusé ma proposition et j'ai réellement besoin de ton aide.

Nathalie lutte pour rester consciente. Ses bras n'arrêtent pas de trembler et des gouttes de sueur dégoulinent de son front. Elle a de plus en plus de mal à respirer et tous ses membres sont engourdis. Elle tente d’ouvrir la portière, mais c’est comme si la poignée se trouvait à des kilomètres d’elle.

Elle sait pertinemment que le combat est perdu d'avance. Un voile apparait devant ses yeux et obscurcit sa vue. L'instant d'après, elle s'affaisse inconsciente dans son siége.

Diezel pousse un soupir, il aurait préféré tout lui révéler mais il ne pouvait prendre le risque de se la mettre à dos. Il regarde dans les environs afin de s'assurer que personne n’est en train de les observer. Il redresse la tête de la jeune femme, lui prend sa tension avant de lui mettre sa ceinture de sécurité. Il sort les clefs de sa veste et démarre la voiture.

Les autres femmes ne l'intéressaient pas. Nathalie est la seule qui est digne d'intérêt. Et maintenant, elle lui appartient, corps et âme. Il salive d'avance à l'idée de ce tout ce qu'il est sur le point de découvrir.

Entrepôt du CAS. Constantine est en discussion avec une équipe dans les sous sols. Le bras droit supervise l’enlèvement du cadavre de la défunte Carla. Malgré tout son professionnalisme, Constantine a du mal à regarder la scène. Il fait tout pour ne pas montrer sur son visage ou dans son attitude, l’état dans lequel il se trouve. Il ne doit jamais montrer un instant de faiblesse, en tout cas jamais devant ses hommes. Il a envie de vomir, mais il retient la bile qui est au fond de lui. Les personnes en charge de récupérer les différentes parties du corps ont du mal à cacher leurs dégouts. Des morceaux de chairs et de sang suintent des blessures, ils se croiraient dans un film d’horreur de série B.

- Il faut se dépêcher d’amener le « sujet » à la morgue dit Constantine.

- Vous pensez qu’ils vont pouvoir en tirer quelque chose ? demande l’un des gardes.

- On ne vous paye pas pour penser. Faites ce que vous avez à faire ! grogne le bras droit.

Le garde déglutie avec peine, il aurait dû rester à sa place. Mais il entend Constantine lui répondre tout de même, après s’être repris.

- Croyez-moi même si tout son corps est en miette, nos spécialistes arriveront toujours à en tirer quelque chose.

Le garde acquiesce de la tête avant de se remettre au travail. Ne voulant pas polémiquer plus sur le sujet.

Constantine entend une personne courir dans leur direction, il se tourne vers la provenance du bruit et voit un agent qui s’élance vers lui avant de s’arrêter à sa hauteur, essoufflé.

- Vous me cherchiez ?

- Un hélicoptère vient dans notre direction. Il sera là sous peu et il semblerait qu’à son bord se trouve une délégation du comité.

- Cette information a été confirmée ?

L’homme se contente d’hocher la tête d’un air grave. Il sait que la présence de la délégation n’apporte rien de bon.

- Le directeur a t’il été prévenu ? demande Constantine, pas très désireux d’apporter une telle nouvelle à son supérieur.

- Non monsieur ! Impossible de le joindre.

- Merde ! (puis se tournant vers les autres agents) finissez rapidement ici puis retournez à votre poste dit il, avant de s’élancer à travers les couloirs.

Constantine fulmine intérieurement, cette soirée est vraiment la pire de sa vie. C’était évident que le conseil allait montrer le bout de son nez. Il se demande pourquoi il était si étonné quand le garde l’a prévenu. C’est pourtant son job de tout anticiper et de tout prévoir. Et depuis hier soir, on ne peut pas dire qu’il remplit les objectifs de sa mission, c’est plutôt tout le contraire. Tout cela à cause d’un seul homme. Il n’arrive pas à croire qu’un individu seul ait pu détruire tous leurs efforts.

Il efface les pensées noires de sa tête lorsqu’il arrive devant le bureau de son supérieur. Il frappe deux coups à la porte et se rend compte qu’elle n’est pas fermée. Il entre à l’intérieur après avoir appelé le directeur, mais n’obtient aucune réponse.

Le bureau est vide, la moquette au sol est trempée, on y trouve des bouts de verre et des poissons morts. Le bras droit avance vers le bureau du directeur et voit une petite enveloppe où est inscrit : « A l’attention du comité ». Constantine sait qu’il ne devrait pas mais il ne peut s’empêcher de l’ouvrir, sa curiosité est trop forte. A l’intérieur se trouve une petite carte avec uniquement un dessin au milieu, il s’agit d’un smiley avec un grand sourire. Il n’y a rien d’autre. Aucun mot, aucune explication.

Constantine travaille avec le directeur depuis assez longtemps pour comprendre le message. Peter Cross a décidé de tout abandonner, de laisser les vautours se débrouiller entre eux. C’est inutile de partir à sa recherche, il a déjà quitté l’entrepôt. Ce message c’est comme s’il leur avait fait un bras d’honneur. Il compte poursuivre sa mission mais seul. Constantine aurait aimé que son supérieur le mette dans la confidence. Il l’aurait suivi, sa fidélité sans faille lui étant acquise.

- Et bien, ça promet ! s’exclame Constantine, dépité.

Il imagine sans mal la tête des membres du comité. Ces derniers ne vont pas obtenir les réponses qu’ils souhaitent et ils risquent de ne pas très bien le prendre.

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