chapitre 13

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Reserve forestière au sud de l’Illinois. Il s’agit d’une région fréquentée durant les périodes estivales. Les températures en juillet et aout atteignent parfois des degrés élevés et le climat peut vite devenir étouffant. Le public en profite pour se rafraîchir en faisant des balades dans cette forêt. Les touristes ou les habitués peuvent louer des bungalows et respirer l’air frais dans un cadre paisible et isolé. La rivière est proche, on peut entendre le bruit du courant si on prête l’oreille. Des arbres centenaires et des sentiers de randonnée complètent ce paysage paradisiaque.

Diezel a choisi cet endroit car il sait que personne ne le retrouvera. Personne n’y vient durant l’automne. Ce n'est pas pour rien qu'il a choisi ce lieu stratégique, près des montagnes, loin de tout.

Il s'est débarrassé de la camionnette en y mettant le feu et se déplace maintenant en humvee, acheté sous un faux nom. Le bungalow où il a élu domicile est composé de 3 pièces. Une chambre où repose Nathalie, une autre qui lui sert de bureau et la dernière est un grand salon.

Diezel est actuellement dans le salon, plongé dans une conversation téléphonique avec un de ses contacts. C'est une personne qui doit lui fournir tout le matériel médical nécessaire pour procéder à l'accouchement. Il a également pris contact avec deux infirmiers afin qu'ils l’assistent durant l'opération. Il compte bien se débarrasser d'eux une fois que tout sera terminé. Diezel ne prendra aucun risque. Il n'a pris contact qu'avec des personnes inconnues, qui n'ont pas de dossier, ni de casier judiciaire, afin que l'agence du C.A.S ne puisse remonter jusqu'à eux. Diezel est fier de lui, personne ne peut le battre sur son propre terrain, il gagne à tous les coups

Pendant que le docteur est en pleine conversation, Nathalie qui est restée inconsciente depuis l’agression à la seringue, commence à reprendre connaissance. Il lui faut quelques instants pour qu’elle trouve ne serait-ce que la force d’ouvrir les yeux. C’est comme si ses paupières pesaient une tonne. Cela lui demande un incroyable effort de volonté. Tout son être ne demanderait rien de mieux que de replonger dans un profond sommeil. Elle sent des picotements dans ses yeux et des larmes finissent par couler le long de ses joues, sans qu’elle ne puisse les arrêter.

Elle tourne lentement la tête sur le côté et découvre l'environnement autour d’elle. La jeune française est allongée sur un lit. Elle souffle de soulagement en se rendant compte qu’elle n'est pas ligotée. La pièce où elle se trouve est assez petite, le mobilier est rustique. Une armoire, une table de chevet et un lit sont tout ce qui compose le décor de la pièce.

Nathalie prend le temps de retrouver ses esprits, inspirant et expirant de larges bouffées d’air. Elle sent qu'elle est encore vaseuse. La drogue injectée continue à faire son effet à travers tout son système. Mais, au moins elle arrive à bouger ses doigts de pieds et ses mains. La jeune femme souhaite être sûr de pouvoir contrôler son corps, avant de faire quoi que ce soit.

La française se demande où est ce qu’elle se trouve. Elle grimace, ressentant une vilaine migraine au niveau du crâne. La jeune femme porte instinctivement les mains à son ventre, de peur de voir que son bébé ne serait plus là. Elle est soulagée de découvrir que c’est toujours le cas. Elle a eu son lot de drame dans sa vie. Personne ne lui volera son enfant.

Elle le sent bouger dans son ventre, lui donnant quelques petits coups. Comme pour la pousser à réagir et à les sortir de cette situation. La française se demande combien de temps elle est restée inconsciente et surtout pourquoi Diezel la retient prisonnière. Pourquoi elle et pas une autre ? Qu’a-t-elle de si exceptionnel ? Nathalie ne compte pas rester les bras croisés à attendre d’obtenir des réponses à ses questions.

La jeune femme compte silencieusement jusqu’à cinq avant de se forcer à se lever. Elle doit s’y reprendre à plusieurs fois, se mordant les lèvres pour ne pas pousser un cri qui pourrait la trahir. Tant bien que mal, elle réussit à se redresser et à s’asseoir au coin du lit, le front en sueur. Le moindre effort se transforme en véritable calvaire. Nathalie a l’impression que cela remonte à une éternité la dernière fois qu’elle pouvait se déplacer, gambader en se sentant légère comme une plume. Elle s’accorde quelques secondes pour souffler et se remettre de ses émotions. Sa respiration se fait laborieuse, mais elle n’a pas le temps de s’en soucier, pas alors qu’elle est toujours en danger.

Elle prie pour ne pas s’écrouler de tout son poids sur le parquet, craignant que ses jambes ne la soutiennent plus. Mais sa bonne étoile ne l’a pas abandonnée. La française réussit à se tenir debout, ne laissant pas ses nerfs, ni la drogue prendre le dessus sur elle. Nathalie en a assez que des personnes tentent de la contrôler, de la manipuler. Cela a été son lot quotidien pendant toute sa captivité, mais plus maintenant. Elle ne laissera plus personne prendre l’ascendant sur elle.

Malgré toute sa bonne volonté, la jeune femme a quelques difficultés à y voir clair. Tout semble se brouiller autour d’elle. Elle tente de passer outre son vertige, ce n’est pas le moment de s’avouer vaincue. Elle doit penser à sa propre sécurité et à celle de son bébé, c’est tout ce qui compte à l’heure actuelle. Elle ferme les yeux quelques instants, faisant le vide en elle.

Lorsqu’elle rouvre les yeux, sa vision et son rythme cardiaque se stabilisent. Elle ne sait pas encore comment elle va faire pour s’enfuir. Elle ne fait pas le poids contre Diezel, pas dans son état actuel, mais elle compte bien vendre chèrement sa peau. Le médecin va amèrement regretter de s’en être pris à elle, d’avoir joué la carte de la sympathie alors que tout ce qu’il voulait, c’était la contrôler.

Elle ouvre délicatement la porte de sa chambre en espérant de toutes ses forces qu’elle n’est pas verrouillée. Elle sourit en se rendant compte que ce n’est pas le cas. Elle se penche et jette un coup d’œil, découvrant le grand salon. Diezel s’y trouve toujours, près d’une table, le téléphone à la main. Il lui tourne le dos, ne s’imaginant pas une seule seconde que son sédatif puisse ne plus faire d’effet.

Nathalie se demande comment elle va bien pouvoir sortir de cet endroit. Elle ne sait pas ce qu’elle fera ensuite, mais la première de ses priorités, c’est de mettre de la distance entre elle et ce malade. Elle sort discrètement de la chambre et entre dans le bureau de Diezel. Elle avance sur la pointe des pieds, tout en retenant sa respiration, aussi vite et aussi silencieusement que son état le lui permet. Elle donnerait tout pour avoir la capacité d’être invisible.

La nouvelle pièce fait environ 15m². Plusieurs cartons jonchent le sol avec à l’intérieur de nombreux dossiers entassés. Au fond de la pièce, une table trône sous une fenêtre avec deux ordinateurs posés dessus, dont les écrans sont allumés. La jeune femme se dirige vers ces derniers et porte la main à sa bouche, tellement l’effroi la prend aux tripes. Sur les écrans, elle voit des schémas d’un corps féminin à qui on aurait retiré l’embryon.

A côté, se trouve un bloc note qui comprend les notes du docteur. Nathalie laisse la curiosité prendre le dessus, elle tourne les pages, à la fois effrayée et écœurée par tout ce qu’elle lit. Il s’agit du journal intime du docteur. Elle comprend que ce dernier avait tout planifié depuis le début.

« Parmi les captives, la personne la plus malléable est la jeune française. Je n’aurai aucun mal à la manipuler et ainsi obtenir ce que je souhaite. »

« Après les tests effectués, j’ai pu remarquer que l’embryon de la jeune française présente certaines caractéristiques qui semblent le destiné à être le maillon fort du groupe. Je dois en apprendre plus… »

« Tout se déroule comme prévu, les préparatifs sont terminés, j’aimerai voir la tête de Cross quand il comprendra que je suis l’auteur de l’évasion des jeunes femmes. Il ne mènera pas son plan à terme, tous les mérites me reviendront. »

Nathalie rejette le bloc note sur la table comme s’il l’avait brûlé. Elle ressent une souffrance immense lui presser le cœur, se rendant compte à quel point elle a manqué de discernement. Depuis le début, elle a été manipulée, on a joué avec elle et cela la jeune française ne le supporte pas.

Elle découvre une boite posée à même le sol, elle l’ouvre et y trouve une des seringues dont le docteur aime tant se servir.

Elle s’en saisit, se disant qu’elle en aura besoin si elle veut s’échapper. Il s’agit de l’unique arme dont elle dispose. Elle ressent une vague de colère la parcourir. Nathalie n’a qu’une envie c’est de le faire payer, de le détruire. Elle ne trouvera la paix seulement quand cela sera fait, pas avant.

Elle cache la seringue dans la manche de son bras droit et au moment où elle se relève, elle entend du bruit. La jeune femme fait volte-face et voit le docteur entrer à l’intérieur de la pièce. S’il est étonné de la voir, il le cache bien. Diezel se met devant la porte, pour l’empêcher de s’échapper. Même si elle le voulait, elle ne pourrait rien faire. Son état ne lui permet de jouer aux héros.

Le docteur affiche un sourire supérieur sur les lèvres et secoue négativement la tête, comme s’il grondait un enfant.

- Vous savez ce que l’on dit, la curiosité est un vilain défaut !

- Allez-vous faire foutre, sale pourri ! Vous m’avez utilisé depuis le début.

Diezel ne tente pas de la raisonner, ni de la persuader du contraire, se contentant d’hausser les épaules.

- C’est vrai et vous savez quoi…Je n’éprouve aucune culpabilité !

- Je vous hais ! gronde Nathalie, bouillonnant de rage en crachant ses derniers mots.

- Calmez-vous, ce ne serait pas le moment de perdre les eaux.

- Gardez mon fils pour vous seul, c’était votre plan depuis le début. Mais pourquoi ?

- Calmez- vous d’abord !

- Je veux la vérité ! hurle Nathalie.

Diezel la fixe longuement dans les yeux avant de pousser un soupir, en comprenant qu’elle ne se calmera pas. Pas tant qu’il ne lui aura pas donné d’explications.

- Votre fils aura des capacités incroyables et je veux être la personne qui le façonnera. Vous ne vous en rendez peut être pas compte, mais votre enfant aura les pouvoirs d’un dieu. Et je veux ce pouvoir !

Nathalie est traversé par un frisson de peur en voyant le regard du docteur. Elle a l’impression que des flammes maléfiques vont surgir de ses yeux.

- Vous êtes complètement fou ! Vous voulez manipuler mon bébé comme vous l’avez fait avec moi.

- Exact. Et je dois avouer que jusqu'à maintenant, je ne m’en suis pas trop mal sorti niveau manipulation. Vous ne trouvez pas ? demande-t-il en souriant, d’un air mesquin.

Nathalie éclate en sanglot, se sentant à bout. Elle a perdu tout espoir, se rendant compte qu’elle est entre les mains d’un homme sans scrupule qui la tuera une fois qu’il aura obtenu ce qu’il souhaite. Elle se demande qui est finalement le pire entre lui et ceux qu’elle a fui.

Diezel jubile intérieurement. Il sait qu’il a gagné la partie, il voit dans les yeux de la jeune femme qu’elle a perdu toute volonté. Il ne s’agit plus que d’une marionnette à contrôler de plus et il est doué pour ça. Il s’avance vers elle et lui prend délicatement le bras, la ramenant vers sa chambre. Nathalie se laisse faire, n’opposant aucune résistance.

- Et les autres filles, vous les retenez aussi captives ?

- Non, j’ai tenu ma promesse. Je les ai laissé partir. Je ne suis pas un monstre sans cœur, vous savez !

Nathalie prend une bonne bouffée d’air, avant de faire volte-face et de glisser la seringue hors de sa manche. Ensuite, sans perdre un seul instant, elle la plante dans le cou du docteur. Elle prend énormément de plaisir à l’enfoncer jusqu’à la garde et de voir la surprise s’afficher sur le visage de Diezel, lorsqu’il comprend ce qu’il lui arrive.

Il écarquille les yeux de stupeur et ouvre la bouche mais la drogue fait déjà son effet, aucun son n’en sort. Ses jambes ne le soutiennent plus et il s’écroule sur le sol. Il tente d’agripper la jambe de la jeune femme, mais celle-ci s’écarte avant de lui assener un coup de pied en pleine face. Le docteur grimace en crachant du sang et par la même occasion perd quelques dents dû à la violence de l’attaque.

- Alors qui manipules qui maintenant, enfoiré ! s’exclame Nathalie hors d’elle, crachant les mots au docteur à terre.

Elle lui assène quelques coups bien sentis dans les côtes. La jeune femme est pourtant loin d’être une personne violente. Nathalie a toujours pensé qu’une conversation valait mieux qu’une confrontation. Mais là, elle a besoin de libérer sa colère, enfouie au fond d’elle. La femme enceinte est face à un homme qui n’a pas cessé de la manipuler, de jouer avec ses sentiments et ses émotions. Il est temps qu’il en paye le prix.

Nathalie se dirige dans le salon et revient quelques instants plus tard munie d’une batte de base-ball et d’un briquet. Le docteur est déjà inconscient. Nathalie fait la moue, déçue, elle aurait aimé qu’il voie ce qu’elle s’apprête à faire, mais tant pis, elle s’en passera.

Elle se sert de la batte et frappe les écrans d’ordinateur, les faisant voler en morceau. Elle fait la même chose avec les disques durs, les pulvérisant jusqu'à ce qu’elle soit sûre qu’ils soient inutilisables. Diezel a peut être des copies quelque part mais la jeune femme n’a pas le temps de jouer à la chasse au trésor.

Elle avance vers les cartons où se trouvent les nombreux dossiers médicaux .Elle y ajoute le bloc note du docteur avant d’y mettre le feu. Elle reste un long moment à regarder les flammes tout détruire. Elle est heureuse de pouvoir mettre fin au recherches de Diezel. Il ne pourra jamais les reprendre, pas sans ses notes, ni sans ses « spécimens ». Il est fini et Nathalie est heureuse d’y avoir œuvré. Finalement, il existe peut être une justice sur terre.

La française regarde une dernière fois le docteur inconscient. Elle aurait aimé voir sa réaction lorsqu’il se réveillera mais elle sait qu’elle ne doit pas s’attarder.

Elle récupère les clefs de la voiture dans le salon, son portefeuille et quitte le cabanon, pour ne jamais y revenir. Elle est épuisée et est surtout affamée mais ce qu’elle veut par-dessus tout, c’est rentré chez elle. Pour la première fois de sa vie, la France lui manque terriblement.

Motel perdu dans une petite ville de l’Illinois. L’établissement est à l’écart de la ville, près de l’autoroute. Les clients qui y séjournent sont souvent des touristes qui veulent se reposer après une longue journée de route. Mais étant donné la période de l’année, l’endroit est pratiquement désert. Le seul client qui occupe les lieux n’est autre que le directeur Cross. Il s’est arrêté dans ce trou perdu pour faire le point sur sa mission et pour décider du lieu où il doit se rendre.

Le directeur déchu est bien décidé à retrouver Diezel et à lui faire payer chèrement sa trahison. Il ne s’arrêtera pas tant qu’il ne lui aura pas mis le grappin dessus. Cela remonte à longtemps, la dernière fois qu’il a agi comme un agent de terrain. Il a toujours su s’y prendre pour retrouver ses cibles et le cas Diezel ne sera pas diffèrent.

Il revient de la loge du gérant avec une carte de la région et quelques provisions. Il se dirige vers sa chambre, qui porte le numéro 666. Dans d’autres circonstances, l’ironie du numéro aurait pu le faire sourire, mais il a perdu son sens de l’humour depuis longtemps. Il rentre dans sa chambre et pose les affaires sur la table. C’est seulement à ce moment qu’il remarque que la pièce est plongée dans l’obscurité. Il ne se rappelle pourtant pas avoir fermé les volets avant de partir.

Cross sort son arme, prêt à débusquer l’intrus qui a osé faire irruption dans sa chambre. Il entend une voix provenant du canapé au fond de la pièce. Il plisse les yeux pour voir la personne mais cette dernière est plongée dans le noir et il lui est impossible de voir son visage. La voix est dure, grave, caverneuse comme si elle provenait d’outre-tombe.

- Enfin, nous nous rencontrons !

- Vous êtes qui, vous ? demande Cross, menaçant la personne de son revolver.

Mais cette dernière ne semble pas le moindre impressionné par l’arme à feu, n’y prêtant aucune attention.

- La personne que tu recherches tant à détruire.

- Non, ce n’est pas possible ! s’exclame Cross tremblant, les yeux écarquillés.

- J’ai tenu à te rendre une visite en personne. A cause de toi, un de mes enfants est mort et cela c’est inacceptable !

Cross veut appuyer sur la détente mais la peur le paralyse tellement qu’il en est incapable, reste immobile et tremblant. Il prie en silence pour que le seigneur ait pitié de lui et de son âme. Tandis que la personne se lève de son fauteuil et se dirige lentement vers lui, d’un pas menaçant.

Moins d’une minute plus tard, un unique coup de feu est tiré depuis l’intérieur de la pièce.

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