chapitre 4

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Au fur et à mesure que les jours passent, l’état émotionnel de Nathalie s’améliore. Le fait de ne plus se sentir seule y joue pour beaucoup. Elle vit l’instant présent, ne pensant plus à son avenir qui lui a échappé. Lorsqu’il lui arrive de broyer à nouveau du noir, elle tente de s’évader par l’esprit. De se plonger dans une sorte d’état second, comme elle l’a apprise durant ses cours de yoga.

Elle a sympathisé avec Janice et Catherine, tandis que Carla et Sandra restent dans leurs coins. Les deux femmes parlent tout bas, en mettant la main devant leurs bouches, afin que leurs ravisseurs ne puissent pas les entendre.

Nathalie ne discute pratiquement jamais avec elles. La française ne se sent pas à l’aise avec ces deux femmes. Elle se fie à son intuition, qui lui dit de prendre ses distances. Nathalie a parfois envie de sauter au cou de Sandra, c’est plus fort qu’elle. La jeune aristocrate a le don de l’énerver avec son coté supérieur. Elle sent que Sandra cherche à être la chef du groupe. Mais Nathalie le l’acceptera jamais et elle est sûr que ces deux nouvelles camarades pensent la même chose. Carla ne prend jamais position, se contentant d’écouter Sandra et de suivre chacun de ses gestes.

Amy reste dans son coin, griffonne beaucoup sur un bloc note et ne laisse personne y jeter un œil. Amy parle à Nathalie de temps en temps, mais elle reste silencieuse la plupart du temps. La française a de la peine pour cette jeune femme frêle. Amy apparait comme une personne fragile, qui a besoin de quelqu’un pour avancer dans la vie. Mais là, elle ne peut compter que sur elle.

L’étudiante doit reconnaître qu’elles ne sont pas maltraitées par leurs geôliers. La salle est confortable et elles ont toujours de quoi se sustenter. Les agents chargés de leurs sécurité ne sont agressifs mais restent intransigeants par rapport à certaines demandes, comme lorsque Janice leur demande des cigarettes. Personne ne tente d’abuser d’elles. Malgré leur situation, Nathalie arrive à dormir sur ses deux oreilles. Mais elle se demande pour combien de temps.

En ce qui concerne les tests, ils ne sont pas douloureux mais demande parfois des efforts physiques. Les captives doivent reconnaitre que le docteur Diezel est très attentionné et qu’il tente de rendre la situation la plus agréable possible.

Au bout de quelques jours, Nathalie est convoquée dans son bureau pour un entretien individuel. Elle est escortée par un agent avant de se retrouver seule avec Diezel. Ce dernier est assis derrière son bureau, il lui sourit et d’un signe de la main la prie de s’asseoir. Il finit de signer quelques formulaires avant de tout ranger dans un tiroir et de se tourner vers elle.

- Bonjour, Nathalie, j’espère que cet entretien ne vous met pas mal à l’aise. Cela vous dérange si je vous tutoie ? demande t’il.

Nathalie secoue négativement la tête. Elle n’est pas à l’aise de se retrouver seule avec lui mais le cache bien. La française se demande pourquoi elle doit subir cet entretien, car aucune autre fille n’y a eu droit.

- Vous ne ressentez aucune douleur particulière ?

- Non, je sens juste le bébé qui donne quelques coups. Il ou elle semble vigoureux.

- Vous n’avez jamais voulu connaitre le sexe de l’enfant ?

- Non, mais je suppose que vous, vous le savez.

- Oui. Mais je ne vous dirai rien si vous ne préférez pas le savoir.

- Pour ce que cela change ! s’exclame Nathalie, sur un ton las.

- Ne me voyez pas comme un ennemi. Nous ne sommes pas les méchants de l’histoire.

- Que va-t-il se passer, une fois que la naissance aura eu lieu ? Nous sommes toutes anxieuses à ce sujet.

- En toute honnêteté, je l’ignore. Je suis juste le médecin. Je n’ai aucun contact avec les hauts dirigeants de notre organisation.

Nathalie secoue négativement la tête, déçue de ne pas obtenir de réponse. Elle porte son regard sur la pièce et reste fascinée devant un tableau. Diezel remarque l’expression du visage de sa patiente et se tourne à son tour vers le tableau en question.

Il s’agit d’une toile qui représente un champ de bataille sanglant avec des flammes partout. Tout laisse à penser qu’il s’agit de l’apocalypse. Sur le côté droit, se trouve un homme sur un cheval, vêtu de noir et portant un masque en forme de crane. Il est armé d’un long trident en flamme. De sublimes nymphes aux visages et aux corps irrésistibles l’entourent. Derrière l’homme, se trouve un volcan qui projette des brides de lave. De l’autre côté de la toile, des anges armés de lances ou d’épées se préparent au combat. Ils ont tous des visages déformés par la rage, aucun sourire angélique. A l’arrière plan, on peut voir un halot de lumière qui traverse la toile de haut en bas et qui représente le paradis. (Il s’agit du tableau devant lequel Shawn perd connaissance à sa première visite chez Myrick)

- Vous connaissez cette œuvre ? demande Diezel

- Oui, il s’agit du combat de l’apocalypse. L’auteur était un danois du nom d’Erk Mantes. Il s’est suicidé après avoir réalisé cette peinture.

- Vraiment, j’ignorai tout cela. Je l’ai trouvé dans une braderie. C’est sans aucun doute une copie.

- Il n’y a qu’un moyen de le savoir dit Nathalie, avant de se lever.

Diezel ne dit rien lorsque la jeune femme retire le tableau du mur, avant de le poser sur la table. Elle prend le coupe papier qui se trouve sur le bureau et se penche sur la toile. Diezel se lève à son tour, n’étant pas sûr des intentions de la jeune femme. Il n’a aucune envie qu’elle lui saccage sa peinture. Fausse ou pas fausse.

- Vous permettez ? demande t’elle

Après quelques secondes de réflexion, le docteur finit par hocher la tête. Il sait qu’il doit instaurer un climat de confiance avec cette jeune femme. Il n’a pas le choix s’il veut l’impliquer dans l’opération qu’il est secrètement en train de mettre en place.

L’homme fasciné, l’observe travailler. Nathalie est très consciencieuse, elle a totalement oublié sa condition de captive pour se concentrer sur sa tâche. Cela lui permet de s’évader et de faire le type d’exercice qu’elle faisait avant que sa vie soit totalement bouleversée. Elle doit reconnaître que cela lui fait un bien fou.

La jeune femme gratte l’extrémité du coté droit de la toile. Elle utilise le coupe-papier, ne disposant pas d’outil plus approprié. Elle procède d’une manière très soignée, travaillant avec précaution. Nathalie ne veut surtout pas abimer la peinture. Au fur et à mesure qu’elle gratte, la première couche de peinture se désagrège. Elle ne travaille que sur un petit carré de 5 cm qui forme le bout de la toile. Lorsque la première couche est totalement partie, Diezel voit quelque chose apparaître.

Le jeune docteur se penche vers l’œuvre et voit la signature de l’auteur. C’est son nom de famille avec un pentacle dessiné juste à coté. Il regarde Nathalie, ne comprenant pas. Cette dernière ébauche un sourire, heureuse de sa trouvaille.

- Cet auteur était un grand malin. Il aimait signer ses œuvres et les cacher sous une couche de peinture. Ainsi, il était difficile de savoir sauf pour les initiés si une de ses œuvres étaient authentiques ou non.

- C’est fascinant. Cela veut donc dire que c’est une vraie ?

- Exact, elle doit valoir plus de 3000 dollars sur le marché.

- Et dire que je l’ai eu pour 15 dollars dit Diezel, souriant avant de s’asseoir, n’en revenant pas de l’affaire réalisée.

Nathalie sourit aussi, mais tristement cette fois. La joie ressentie durant son travail sur cette toile c’est envolée. Elle repense à nouveau à son emprisonnement injustifié et son avenir incertain. Le docteur remarque son changement d’attitude mais fait mine de ne pas s’en rendre compte.

- Comment savez-vous tout cela ? demande-t-il

- J’ai fais une thèse dessus à l’université.

- Intéressant. Est-ce que cela vous intéresserez de voir d’autres de mes œuvres ? J’ai de nombreuses peintures.

- Oui, beaucoup dit Nathalie, qui retrouve un semblant de sourire.

- Bien, je pourrai vous faire venir de temps en temps, en prétextant un faux motif.

Nathalie écarquille les yeux sous le coup de la surprise, ne s’attendant pas à une telle réaction. Elle ne peut s’empêcher de froncer les sourcils, cherchant le piège. Elle n’a pas l’habitude qu’on lui fasse des cadeaux dans la vie et encore moins dans un tel endroit. La française se demande ce que le jeune docteur va bien vouloir en échange.

- Pourquoi vous feriez ça ?

Diezel s’agite dans son fauteuil, cherchant une position plus confortable. Il semble mal à l’aise mais finit tout de même par s’exprimer. Il la regarde droit dans les yeux et parle d’une voix emplie de sincérité :

- J’étais contre toute cette mise en scène. Vous êtes des victimes dans cette histoire. On n’a pas le droit de traiter des êtres humains de cette façon. Je suis écœuré par votre emprisonnement mais malheureusement j’ai les mains liées. Ce que je souhaite, c’est que vous ayez confiance en moi et que vous ne me voyiez pas comme un ennemi.

La jeune femme ne sait pas du tout quoi répondre. Elle n’a aucune envie de devenir l’ami d’une personne responsable de sa captivité. Même si cet individu semble doté de bonnes intentions. Mais elle sait qu’elle ne doit pas tout voir en noir. Cet homme est la seule personne qui s’intéresse à elle et qui la considère comme un être humain. Qui sait, il pourrait peut-être lui trouver un moyen de fuir. C’est une donnée qu’elle doit prendre en compte. Nathalie se promet d’y réfléchir à tête reposée.

Le docteur s’apprête à dire quelque chose, mais il est interrompu lorsque la porte de son bureau s’ouvre en grand. Michael Cross entre dans la pièce et affiche un regard à la fois hautain et mesquin. Lorsque ses yeux croisent ceux de Nathalie, les traits de son visage se durcissent. Ce regard empli de haine fait froid dans le dos à la jeune femme, elle ne sait plus où se mettre. Elle place instinctivement ses mains devant son ventre pour le protéger, au cas où cet homme s’en prendrait à elle. Nathalie ne sait pas pourquoi cette pensée lui a traversé l'esprit. C'est la première fois qu'elle voit cet individu, mais parfois elle a l'impression que son corps réagit tout seul. Elle se demande si c'est le cas de toutes les femmes enceintes ou si c’est dû à la progéniture spéciale qui gigote dans son ventre. Nathalie, comme les autres femmes, a fini par accepter le fait que son bébé serait particulier.

Michael ne fait rien pour désamorcer la situation, continuant à la fixer d’un regard agressif. Nathalie ne peut en supporter d’avantage. Elle se lève, bredouille des excuses auprès du docteur avant de s’éclipser rapidement du bureau. Un gardien à l’extérieur l’escorte jusqu'à la salle de détention.

Michael ricane et s’assoit sans aucune gêne sur le bureau du docteur. Ce dernier se retient d’afficher son exaspération, n’appréciant pas les manières du jeune homme. Il se contente d’afficher un sourire hypocrite comme on lui a toujours appris à faire.

- Que me vaut l’honneur de ta visite ? demande Diezel

- C’est à cause de mon paternel. Il veut que tu fasses une analyse de sang pour voir si je ne me drogue plus.

- Il a des raisons de penser autrement ?

Michael prend le temps de répondre, comme s’il souhaitait instaurer un climat de suspense. Diezel reste silencieux, laissant croire à ce petit arriviste que c’est lui qui mène la danse. Michael finit par afficher un sourire moqueur avant de dire :

- Aucune. Il aimerait bien m’éjecter d’ici mais je ne lui ferai pas à ce plaisir. Je lui prouverai que je suis son digne fils, même si c’est à ses dépens.

Le docteur s’abstient de tout commentaire, restant à sa place hiérarchique. Il se lève et ouvre une armoire à gauche du bureau. Diezel utilise une clef qu’il garde en permanence sur lui et récupère une seringue. L’ensemble des médicaments et instruments qu’il utilise quotidiennement se trouve à l’infirmerie. Mais il se garde quelques produits dans cette armoire dont il est le seul à posséder la clef.

Diezel teste la seringue avant de demander à son visiteur de lever sa manche droite. Le docteur trouve rapidement une veine en tâtonnant le bras et enfonce délicatement la seringue. Michael ne bronche pas et ne fronce même pas un sourcil comme s’il ne ressentait strictement rien. Diezel sait qu’il joue un rôle afin qu’aux yeux des autres, on le considère comme un dur à cuire. Mais le docteur n’est pas dupe, il a le don de cerner les personnalités des autres. Lorsqu’il retire sa seringue, Michael se tourne vers lui avec un large sourire complice.

- Alors Doc ! Tu te l’aies faite ? demande Michael sur le ton de la confidence, en désignant le siège où se trouvait quelques instants plus tôt Nathalie.

- Arrête tes bêtises Michael ! Je respecte le règlement et je ne suis pas en manque pour avoir des relations sexuelles avec des femmes enceintes. Cela ne fait pas partie de mes fantasmes.

- Si tu veux un conseil, ne la laisses pas t’approcher de trop prés. Ce sont des succubes. Ne les écoutes pas sinon elles finiront par avoir ta peau.

- Merci pour ses conseils avisés. Je ne savais pas que tu partageais les mêmes croyances que ton père.

- Ce n’est pas le cas, je suis doué pour jouer l’acteur. Enfin pas autant que cet abruti de Constantine dit Michael, avec dédain.

- A ce que je vois, ce n’est toujours pas l’amour fou entre vous. Quand allez-vous enfin crever l’abcès ? Vous êtes des adultes maintenant.

- Il n’a pas besoin de mon amour. Il m’a déjà volé mon père crache Michael

- C’est ridicule, il faut savoir passer à autre chose.

- Mon père est trop aveugle pour voir le vrai jeu de cet enfoiré, mais pas moi. J’arriverai à le démasquer au grand jour. Ce sera le plus beau jour de ma vie ! s’exclame Michael, un sourire aux lèvres, imaginant déjà la scène.

- Ne crois-tu pas qu’il serait plus bénéfique de montrer une nouvelle image à ton père et ainsi, il t’aimera pour ce que tu es vraiment. S’acharner sur Constantine ne te mènera nulle part.

Michael fait mine de réfléchir avant d’hausser les épaules et de dire :

- Je préfère ma solution, elle est plus fun et plus torturée.

- Comme on dit souvent, la vengeance est facile, mais pardonner est beaucoup plus difficile.

- Bon, c’est bon. On a fini ? je n’ai pas le temps pour une discussion philosophique dit Michael, sur un ton las, ne voulant pas épiloguer sur le sujet.

Diezel se contente d’hocher affirmativement de la tête, heureux de pouvoir se débarrasser de ce parasite. Michael pousse un long soupir avant de se lever. Il tend la main pour que le docteur lui remette la seringue mais ce dernier secoue négativement la tête.

- Je la remettrai moi-même à ton père. Je dois d’ailleurs m’entretenir avec lui sur un autre sujet.

- Je vois que la confiance règne soupire Michael, faisant la moue, avant de se diriger vers la porte.

Au moment où il s’apprête à sortir, il se retourne vers le docteur et lui dit :

- Je pense que tu t’es trompé dans ton orientation professionnelle.

- Qu’est ce qui te fait penser cela ? demande Diezel, légèrement intrigué.

- Tu aurais dû être psychologue. Tu aurais été parfait pour ce rôle. Je te vois bien embrouiller ou manipuler tes clients.

- Merci. Même si je ne sais pas trop si je dois prendre ça comme un compliment.

- A toi de voir dit Michael, avant de sortir du bureau, tout en sifflotant gaiement.

Après son départ, Diezel ne peut s’empêcher de secouer la tête. Le fils de son directeur est un vrai phénomène. Il sait qu’il doit se méfier de Michael, que derrière son apparence d’alcoolique se cache un véritable danger. Le docteur n’est pas du genre à prendre des risques inutiles. Pour mettre en place son plan, tout doit être calculé. Chaque paramètre vérifié à plusieurs reprises. Il n’aura droit qu’à une seule tentative et s’il veut s’en sortir en vie, il ne devra pas la manquer.

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