chapitre 2

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En entendant la fin de sa phrase, Nathalie ne peut s'empêcher de trembler et de devenir toute pâle. Elle voit bien que cet individu ne ressent aucune pitié envers elles et leurs états. Aucune aide de sa part ne sera possible, ce qui la plonge dans une profonde tourmente. Elle se referme sur elle même, ne prenant pas la parole pour avoir des réponses à ses questions ou pour supplier de la laisser partir. Nathalie a l'impression que sa vie est finie, que les beaux jours sont derrière elle et qu'elle ne reverra plus la lumière du jour.

Toutes les femmes n'ont pas le même comportement qu'elle. Sa voisine bougonne dans son coin des propos incompréhensibles et des larmes coulent le long de ses joues. Une autre, brune, cheveux courts se lève et commence à s'énerver. Des gardes se précipitent et l'obligent à se rassoir sous la menace de lui administrer une injection. La jeune femme se calme mais continue à pousser des injures en silence à l'encontre du personnel. Une autre femme, une blonde aux cheveux longs reste très calme. Elle donne l’impression de venir d’un milieu aristocratique. Elle soupire avant de dire :

- Vous ne pouvez pas faire ça. Nous avons des droits. Le gouvernement ne permettrait pas qu’on nous traite ainsi.

- Je travaille pour le gouvernement. Ils savent tout de votre captivité.

- Ce n'est pas possible, c'est inhumain ce que vous nous faites. Ma famille n’est pas n’importe qui, elle connait des gens hauts placés dit elle, d’une voix moins assurée.

- Je nage dans des sphères beaucoup plus hautes. Alors allez faire votre numéro ailleurs !

- Nous n'avons rien fait de mal dit une autre jeune femme rousse, très remonté.

Nathalie remarque que la dernière captive, une femme aux longs cheveux châtains semble ailleurs. Elle parait droguée, marmonnant des propos incompréhensibles, les yeux dans le vague.

- Vous êtes là pour une raison. Nous ne vous avons pas choisi au hasard. Vous avez succombé à son charme ! Je ne vous jette pas la pierre, il a dû être très séduisant. Vous proposez tout ce que vous avez toujours rêvé et vous n’avez pas pu résister. Vous êtes des faibles. Vous l'avez laissé prendre possession de votre corps, de votre chair et de votre esprit. Vous êtes des femmes impures. Vous avez toutes été en contact avec notre pire ennemi à tous. Il a disparu de votre vie après avoir laissé sa semence en vous. Maintenant, vous êtes toutes enceintes de sa progéniture.

- Je ne vois pas en quoi le fait que j’ai couché avec quelqu'un vous regarde dit la jeune rebelle aux cheveux courts, en se levant.

- Silence, jeune insolente. Je n'ai pas terminé ! s'exclame t'il sur un ton colérique.

Voyant le visage furieux qu'il lui jette, la jeune femme ne moufte pas. Elle se rassoit en silence et finit par baisser les yeux. Elle n’est pas stupide, elle sait qu’il existe des combats perdus d’avance.

Peter cross pousse un long soupir et tente de se calmer. Lorsqu’il reprend la parole, sa voix est plus calme, comme s’il s’adressait à des enfants :

- Nous n’avons pas pu l’empêcher de vous atteindre, c’est donc aussi de notre faute. Nous prendrons nos responsabilités en prenant soin de vous à partir d’aujourd’hui. Nous allons vous soumettre à des tests et ensemble nous pourrons peut être mettre en échec son plan.

- Mais de qui parlez-vous bon sang ? crie la jeune aristocrate.

- De Satan bien sûr dit Peter Cross, en secouant la tête, comme si la réponse était évidente.

Aucune des femmes n’osent parler, ni traiter le directeur de fou. Elles restent bouché bée, ne sachant pas quoi répondre. Au fond d’elle, elles ont toujours su que leurs grossesses avaient quelque chose d’anormal. Par contre, elles n’auraient jamais pensé un seul instant à un tel scenario. Toute cette histoire leur semble complètement aberrante, mais elles préfèrent garder le silence.

Le directeur se tourne vers ses adjoints : l’homme du nom de Constantine et le docteur Diezel. Il les désigne du doigt afin de faire les présentations.

- Voici mes deux bras droit. Vous ferez tout ce qu'ils vous demandent sans poser la moindre question. Lorsqu'il vous donne un ordre, c'est comme si c'était moi qui le faisais. Je me suis bien fait comprendre (Peter jette un regard sévère sur toutes les femmes). L'homme à ma droite, vous le connaissez toutes, il était chargé de vous retrouver. Il s’agit de Monsieur Constantine. Il s’occupe de votre sécurité et si je peux vous donner un conseil, ne vous fiez pas à son jeune âge, il est sans pitié. A sa droite, notre docteur en chef Mr Cameron Diezel. Il s'assurera que vous restiez en bonne santé jusqu'à l'accouchement. Il s'occupera également des tests et analyses psychologiques. Vous êtes entre de bonnes mains, nous ne vous ferons aucun mal, du moment que vous respectez les règles. Dans le cas contraire, nous emploierons les méthodes nécessaires (insistant bien sur le dernier mot).

- Vous ne pouvez pas faire ça. On va nous rechercher et puis mon accouchement n’est pas prévu avant 3 mois dit la femme rousse, d’une voix tremblante.

- Ne vous en faites pas. Nous avons tout le matériel nécessaire pour rendre votre séjour le plus confortable possible répond Peter, d’un sourire moqueur avant de quitter la salle.

Il est suivi par ses deux collaborateurs, tandis que les gardes ordonnent aux femmes de se lever et de les suivre. On les installe toutes ensemble dans une grande pièce. La salle est constituée de plusieurs lits, d’un toilette, d’une salle de bains et d’un petit salon où se trouve une télévision, deux canapés et un réfrigérateur. On les enferme à l’intérieur, les laissant faire connaissance.

Au départ, chacune reste dans son coin, immobile ou pleurant en silence. Elles essayent de digérer les informations. Elles ont l’impression d’être en plein cauchemar mais le problème c’est qu’il risque de durer très longtemps et elles n’ont aucun moyen de lutter. Elles se rendent compte qu’elles sont à la merci de ces mystérieux individus. Elles comprennent ce que ressentent certaines femmes, qui sont enlevés pour être ensuite vendues comme esclave ou pire. Au bout de quelques heures, elles sortent de leur léthargie et s’observent en chien de faïence.

Vu de l’extérieur, l’entrepôt semble tout à fait ordinaire et personne ne pourrait imaginer ce qui s’y trame réellement. Il est composé de deux étages visibles et la superficie n’est pas très élevée. L’agence s’y est installé il y’a plus d’un an, avant elle occupait des bureaux à Phœnix. Le directeur a tout fait pour pouvoir s’installer à Chicago et avoir des moyens supplémentaires afin de mener à bien sa mission. Peter Cross a toujours senti que tout se déroulerait dans « la ville des vents ».

Selon certains shamans, la ville de Chicago émet des ondes indéchiffrables et dangereuses. Peter sait que ses supérieurs ne croient pas en ses théories, mais jusqu'à présent on le laisse tranquille. Il connaît des personnes hautes placées dans le gouvernement et ses résultats dans d’autres enquêtes lui ont permis d’acquérir une certaine notoriété. Le directeur veut prouver à tout ce petit monde qu’il avait raison depuis le début. L’entrepôt lui assure une couverture parfaite. Aux yeux de tous, il s’agit d’une industrie de textile peu rentable. Le fait que le bâtiment se situe dans un coin isolé leur permet de ne pas être dérangé.

Mais il s’agit bien entendu que de la partie visible de l’iceberg. Au fond de l’entrepôt se trouve un passage qui ne peut être ouvert que par deux clefs qui mène à un ascenseur. Ce dernier permet de descendre dans trois niveaux qui sont le cœur de l’agence. Le premier sous-sol est le lieu de stockage de toutes les archives gérées par cette division. Certains dossiers ont plus de 50 ans et il s’agit souvent d’affaires non résolues. Il faut des autorisations et des cartes spéciales pour y avoir accès. Des caméras surveillent 24h sur 24 chaque millimètre de ce niveau

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Le deuxième sous-sol est occupé par les quartiers des résidents et les bureaux de quelques membres.

Le dernier sous-sol est l’étage où se trouvent les prisonnières, l’infirmerie et les appareils de haute technologie nécessaire, pour les tests qui vont avoir lieu.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrent au deuxième sous-sol et l’agent Constantine en sort. Il marche à travers un long couloir et salue les collègues qu’il rencontre sur le chemin. Tout le monde se connait dans la division. Au fond du couloir se trouve un bureau, la lumière du couloir n’arrive pas jusqu'à las bas, si bien que la porte du bureau est souvent plongée dans l’obscurité. Beaucoup d’agents l’appellent en secret la porte des enfers car la personne qui occupe ce bureau est un vrai démon. Mais Constantine n’est pas du genre à écouter les rumeurs ou autres délires de ses hommes. Il se contente de faire son travail de la meilleure des façons possibles. Si ce n’était pas le cas, il ne serait pas devenu l’adjoint du directeur.

Il s’arrête devant la porte et frappe trois coups. Il entend une voix de l’autre coté qui l’autorise à entrer. L’agent s’exécute et entre dans le bureau de Peter Cross. Ce dernier est installé derrière son bureau et est occupé à remplir des formulaires. Il lève la tête en voyant Constantine et lui désigne une chaise de la main. L’agent le remercie d’un hochement de la tête avant de s’exécuter.

Pendant que son supérieur finit ses tâches administratives, l’agent jette un coup d’œil circulaire au bureau. Ce dernier est assez spacieux, le directeur aime le confort mais n’a pas installé grand-chose. A part une bibliothèque qui contient de nombreux livres sataniques, un aquarium avec une dizaine de poissons exotiques et une plante posée dans un coin, le bureau est vide, Peter Cross n’est pas du genre à perdre du temps avec la décoration intérieure, préférant se concentrer sur ses missions.

Le directeur signe un dernier document avant de glisser toutes les feuilles dans une pochette et de se tourner vers son bras droit.

- Vous m’avez fait quérir ? demande Constantine.

- Oui, Avons-nous des nouvelles de mon fils ?

- Je suis navré, mais non. Il avait reçu l’ordre de se présenter ce matin, mais il n’est jamais arrivé.

Le directeur fulmine de rage intérieurement mais essaye de ne rien laisser paraitre sur son visage. En professionnel, Constantine fait mine de ne rien remarquer.

- Il adore me mettre dans l’embarras et jouer avec mes nerfs ! Vous savez, je n’ai confiance en personne dans ce bas monde. Les gens ne sont pas digne de confiance et surtout pas mon fils. Pourtant, vous êtes l’exception. Je serai prêt à vous confier ma vie. Je suppose que je n’ai pas besoin de vous demander si tout est en ordre.

- Tout est en place, l’opération suit son cours répond Constantine, qui se permet un léger sourire du coin des lèvres.

- Nous avons avancé d’un pas de géant dans notre action contre Satan. Cette fois, les crétins du gouvernement ne pourront plus nous mettre des bâtons dans les roues, ni nous prendre de haut. Nous avons remporté la première manche. Il va falloir conserver notre avance et je compte sur vous.

- Vous savez que je crois en vos convictions. Je vous suis à 100 %. Mais par contre, j’aurai une question.

- Je suis tout ouïe.

- Lorsque je procédais à l’extraction des sujets. Je m’attendais à rencontrer des difficultés, à voir des suppôts de Satan. Mais rien de tout cela ne s’est produit. Il nous a laissé les enlever sans montrer le bout de son nez. Alors que la procréation avec des humaines fait partie d’un de ses plans les plus importants. Je trouve cela très étrange.

- Je me suis posé la même question. Je n’aurai pas la prétention de dire que je peux comprendre sa façon de penser. Il est au dessus de tout cela. Quelque chose peut toujours se produire, c’est pourquoi il faut être d’une constante vigilance. Notre ennemi est très malin, insaisissable et dangereux. Nous devons rester sur nos gardes. Il peut frapper à tout moment.

- On dirait presque que vous le vénérez.

Il se mord la lèvre une seconde après avoir prononcé sa phrase, se disant qu’il vient de dépasser son statut. Il n’aurait pas dû dire cela, mais son responsable ne semble pas s’en offusquer.

- Je dirai plus que c’est une forme de respect. Ce n’est pas n’importe qui, ne l’oubliez jamais !

- Vous pensez qu’il est possible qu’il les ait abandonné à leur sort et qu’il se fiche de sa progéniture.

- Cela peut faire parti d’un test, je ne sais pas. Nous verrons bien les résultats que nous obtiendrons. Quoi qu’il en soit, ce jour restera gravé.

La porte du bureau s’ouvre en grand et un jeune homme de 19 ans fait son entrée. Il s’agit de Michael Cross, le fils de l’actuel directeur. Il entre dans le bureau sans s’excuser pour son manque de politesse et son retard. Il est vêtu d’un costume d’un grand couturier et donne l’impression de revenir d’une soirée bien arrosée. Il affiche un large sourire moqueur et semble avoir quelques difficultés à garder son équilibre. Lorsqu’on voit le père et le fils ensemble, on ne peut que remarquer leurs ressemblances. Ils ont les mêmes traits du visage ainsi que le même regard supérieur.

- Père, vous m’avez demandé de venir dit-il

- C’était il y’a déjà plusieurs heures, Michael.

- Tu sais, moi et la ponctualité dit il en riant, comme s’il venait de sortir une plaisanterie.

- Tu es ivre gronde le directeur sur un ton dur.

- Oh, je t’en prie, ne fais pas une scène ! J’ai déjà une saleté de migraine, je ne suis pas d’humeur à supporter une leçon de morale soupire Michael, en se stimulant le front avec ses doigts.

- Tu te rends compte que tu ne fais que déshonorer le nom de notre famille. Est ce que cela représente quelque chose pour toi ?

- Absolument rien et puis tu as Constantine avec toi dit Michael, en jetant un regard glacial au dénommé agent.

- Je ne suis pas là pour me battre avec toi dit Constantine, sur un ton posé.

- Vraiment ! Tu te contentes de faire ce que mon père t’ordonne comme un bon petit toutou dit Michael, un large sourire aux lèvres.

L’agent ne réagit pas, il sait que le fils de son patron cherche à le provoquer, mais il ne lui fera pas ce plaisir. Ce n’est pas la première fois qu’une personne tente de le faire sortir de ses gonds.

- Qu’est ce qui se passe Constantine ? Tu es trop lâche pour m’attaquer alors que tu as enlevé cinq pauvres femmes enceintes sans défense. Tu es un véritable héros, dis moi ! crache Michael, avec mépris.

C’est à cet instant que le directeur décide d’intervenir. Il frappe violemment son bureau du plat de ses mains. Le bruit fait sursauter son fils, un peu hébété, comme s’il venait de prendre conscience qu’il a dépassé les bornes.

- Cela suffit ! Je ne t’autorise pas à te présenter devant moi dans cet état et encore moins à t’en prendre à un de mes hommes. Est-ce que je suis assez clair ! s’exclame Peter, sur un ton sans équivoque.

- Oui, père murmure Michael, en baissant la tête, honteux.

- Ne m’oblige pas à te renier ! Retournes en ville, nous n’avons plus besoin de toi ici. En fait, nous n’avons jamais eu besoin de toi. Disparais de ma vue !

Michael hoche la tête avant de prendre congé, sans rien ajouter. Il ne le montrera jamais mais il se sent déprimé au plus haut point. Il a l’impression que son père vient de lui enfoncer un poignard dans le cœur et qu’il s’amuse à tourner la lame à l’intérieur. Michael sait très bien que tout est de sa faute. Il n’aurait pas dû sortir la veille avec ses amis. Ce n’est pas la première fois que son père lui fait une leçon de morale, pourtant il en souffre toujours autant. Il aimerait tant prouver sa vraie valeur mais il n’y arrive jamais. Il ne sait pas comment s’y prendre.

Par dessus tout, il déteste Constantine. Ils ont été élevés ensemble, après que les parents de ce dernier soient morts durant une mission pour l’agence. Mais au fur et à mesure qu’ils grandissaient, son père s’est plus rapproché de Constantine. Malgré les appels à l’aide lancés par Michael, souvent de façon maladroite. Toutes ses tentatives n’ont eu pour résultat que de créer un fossé encore plus grand entre lui et son père. Michael voue une haine sans fin envers Constantine, qu’il considère comme responsable de tous ses malheurs.

Michael claque la porte en sortant, pressé de retourner à sa voiture et de finir la bouteille de whisky qu’il l’attend dans sa boite à gants. Peu importe si après il finit dans un ravin, personne n’ira pleurer sur sa tombe. Et surtout pas son père, c’est ce qui le désole le plus. Il n’a personne vers qui se tourner, personne pour qui il compte et cela le plonge dans une tristesse sans fin.

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