Chapitre 6

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Hilasmus se redressa. Son regard confus se posa sur moi.

- Ma… soeur ? J’ai une soeur ?

- Jumelle plus précisément. Mais oui, tu as une soeur. Un frère aussi, on ira le chercher juste après.

Il fronça les sourcils et fixa notre père.

- Un frère aussi ? Mais…

- Attends, le coupai-je. Papa, on est… des… jumeaux ?

Je battis des paupières. Hilasmus et moi étions des négatifs, l’un blanc neige, l’autre noir charbon. Oui, des jumeaux, bien sûr. Il m’observait, justement, ce jumeau. Il me fixait. Pour la première fois depuis longtemps, je fus gênée par le regard de quelqu’un. Mais ce regard fantôme… Il semblait lire au delà de moi. Il y avait comme une tension entre nous deux. Un lien invisible. Un frisson courut le long de ma colonne vertébrale et je sursautai quand il marmonna.

- Je te connais.

- Comment ? demandai-je, peu certaine d’avoir entendu.

- Je te connais, répéta Hilasmus, je suis sûr de t’avoir vu quelque part.

Le plus étrange ? Plus je le regardais, plus je le pensais aussi.

- Oh ! Au collège.

Je me rappelais d’un petit garçon maigrichon aux allures de poulain. Il se faisait tabasser à cause de sa peau trop blanche par des troisièmes étroits d’esprit. On devait être en sixième. J’étais allée l’aider. J’avais renversé les rôles.

Une lumière s’allume dans les yeux pâles d’Hilasmus :

- Exactement ! Je ne t’ai jamais remerciée.

C’est vrai. Il avait fuit dès que l’attention des plus grands s’était détournée de lui. Mais je ne l’avais pas fait de bonté de coeur, j’avais juste besoin de me défouler et j’avais vu là une formidable occasion. Mon père m’avait appris à retenir mes pulsions. Je n’avais même pas été punie par l’établissement. Mon père, par contre, me fit changer de ville. D’école. De pension. De tout. Je me tournai vers lui, me rappelant soudainement de sa présence.

- Comment on a pu se retrouver dans la même école ?

- C’était… (Il pinça les lèvres) c’était rassurant de vous savoir ensemble.

Ensemble ? Je crois que nous n’avons pas échangé plus d’une dizaine de mots pendant les quelques mois que nous avons passé dans la même classe. Peut-être même moins. J’allais me moquer de la réponse si peu crédible de mon paternel mais fus interrompue par l’arrivée de Yaela. Elle jappa avec anxiété et repartit aussi rapidement. Mon père hocha la tête.

- Yaela a raison. On doit partir.

Hilasmus semblait tout bonnement terrifié. Je compatis, j’avais connu ça la veille seulement. Mais à ce moment là… Je ne pouvais pas dire que je m’étais habituée au bizarre. Mais quand il ne reste plus que ça dans votre vie, vous n’avez pas tellement le choix.

Mon père se leva.

- Adhara, aide Hilasmus à rassembler ses affaires. Départ dans… dix minutes.

Le temps de chercher trois vêtements et son téléphone dans sa chambre, nous descendions déjà, lui, la mâchoire serrée comme pour retenir un cri, moi, la poitrine plombée par le poids de trop de révélations.

Hilasmus évitait mon regard. Il se tenait toujours le plus loin possible de moi. J’eus l’impression qu’il m’en voulait. Je n’y étais pour rien pourtant. J’étais aussi victime que lui dans notre situation. Et pourtant il s’assit à côté de notre père, me laissant la banquette arrière. Il détourna la tête pour regarder dehors.

Je croisai les bras, blessée. Yaela, la seule qui semblait avoir remarqué mon état, vint me voir, se colla à ma jambe et resta tout contre moi jusqu'à la fin du trajet. Sa chaude présence me consolait. Qui l'aurait cru ? Je tirais du réconfort auprès d'une louve.

Mon père, une vingtaine de minutes plus tard, annonça sans se retourner que nous arrivions. En effet, les grilles d'un pensionnat se dressait à quelques mètres de nous. Je compatis instantanément avec ce frère inconnu qui avait dû être placé là à la mort de maman, comme moi. Puis je me demandai si il allait être aussi affreux qu'Hilasmus. Si lui aussi allait m'en vouloir pour être dans la même galère que lui. Comme il était encore en pension, alors qu'Hilasmus et moi vivions par nous même, je devinai qu'il devait être plus jeune. La curiosité s'empara de moi.

Hilasmus resta près de la voiture à jouer avec les loups, l'air d'avoir décidé qu'ils n'étaient que de simples gros toutous. Je suivis mon père. Pas question de rester avec mon jumeau. Mon père montra une sorte de pass, signa un cahier et nous passâmes le monumental portail puis traversâmes le... parc ? Waouh, c'est un pensionnat pour roi ? Des petites habitations très mignonnes étaient disséminées ça et là, parfois au milieu de la pelouse, d'autres sous les arbres. Mon père se dirigea sans hésitation vers l'une d'elles. Cachée par un bosquet de buissons fleuris. Il sonna et attendit. Encore.

Une femme un peu ronde vint nous ouvrir.

- Monsieur Muliphen ! Cela faisait longtemps que l'on ne vous avait pas vu !

Mon père eu une sorte de sourire gêné. La dame se tourna vers moi :

- Et cette demoiselle ?

- Elle vient avec moi.

Elle hocha la tête et nous fit entrer. La maison était aussi adorable à l'intérieur qu'à l'extérieur. Nous attendîmes dans une sorte de boudoir rosé. Aussi joli que tout cela soit, je n'aurai aimé grandir ici pour rien au monde. Trop cucul la praline. La dame sortit et se penchavers l'escalier.

- Sirius ! Ton père est là !

Une voix à l'étage du dessus répondit en criant de la même manière puis on entendit un racclement de chaise et un bruit de cavalcade dans l'escalier. Je regardai mon père :

- C'est bien le dernier ?

- Oui. Enfin... pas vraiment. Mais...

- Papa ?

Je me retournai. Un garçon nous faisait face. Quinze ans. Peut-être seize. Il avait une épaisse tignasse brune ébourrifiée et portait ton tee-shirt qui disait "Born to be olive", avec une petite olive souriante au-dessus. Il me parut sympathique. Jusqu'à ce qu'il grimaçe en posant son regard bleuté sur moi.

- C'est qui elle ?

Trop cool, encore un qui m'aimait pas sans raison.

- Merci du dégoût, espèce de mioche.

- Je suis pas un gamin !

- Calmez-vous tous les deux !

Super.

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