4.4 Faiblesse

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Cela fait huit semaines que je me suis rebellé. Les deux mois sont presque écoulés. Solène n'a plus essayé de fuir. Je la traite bien, même si je ne lui parle quasiment pas. On ne se dispute plus. Nos colères respectives se sont dissipées. Je la nourris correctement et lui permet de se doucher tranquillement, de dormir suffisamment. Je ne la frappe pas. Je ne lui envoie pas de décharges. On se répartit les tâches ménagères. On regarde la télévision ensemble le soir. Je fais les courses en portant des vêtements très couvrants et une écharpe pour masquer mon manque de collier et d'entraves.

Solène travaille grâce à son ordinateur, assise sur mes genoux pour que je puisse voir et lire ce qu'elle fait. Parfois, c'est moi qui effectue le boulot comme avant. J'imite le style d'écriture de la blonde sans aucune difficulté grâce à mes expériences des dernières années. Je réponds aux textos de ses copines ou de sa mère grâce à son bracelet de gestion. Pour ses proches, tout paraît habituel et les quelques sorties proposées par ses amies sont vite annulées sous prétexte de règles douloureuses, de petite fatigue ou de gastro débutante. Solène étant casanière, personne ne se doute de ce qui se passe.

Aux yeux du monde, tout est normal. A l'intérieur du domicile, c'est différent. Solène m'a aidé à préparer mon départ contre son gré. Elle est sortie en ville avec moi. J'ai remis temporairement certaines de mes entraves. Je portais son bracelet de gestion. Elle, le collier, les entraves des cuisses et du haut des bras. Au moindre geste, je pouvais l'électrocuter et partir en courant. Elle n'a pas fait le moindre mouvement de fuite ou d'alerte.

Solène ne cherche pas à s'enfuir. Je crois qu'elle est résignée de son sort et se sent coupable de ce qui lui arrive. Elle accepte passivement la situation. J'ai même l'impression qu'elle couvre mes préparatifs. D'un cri, elle aurait pu mettre fin à nos promenades. D'un mot, elle m'aurait fait arrêter et enfermer. Cependant, elle est resté silencieuse, voire souriante pour rassurer les rares personnes qui suspectaient un truc.

J'ai retiré en plusieurs fois quasiment dix mille dollars en petites coupures sur le compte de Solène ou sur celui de sa mère via les autorisations que Sophie a fourni à sa fille. Vu le nombre de chiffres sur le compte de Sophie, je me demande si elle aurait vraiment détecté le retrait si je l'avais fait en une seule fois. La Vice-Suprême brasse une quantité inimaginable d'argent. Plusieurs centaines de milliards de dollars. De quoi nourrir décemment toutes les Zêtas et tous les reproducteurs de son Etat si elle le souhaitait.

Je planque l'argent dans différentes cachettes, à l'intérieur de mes vêtements ou dans mes affaires. Je me suis constitué un gros un sac avec les fringues de première nécessité. Des pulls et des pantalons pratiques, plusieurs paires de chaussures, des manteaux, tous de couleur neutre et discrète, si possible sombre pour me camoufler. J'ai de quoi me vêtir quelle que soit la météo, en short ou en pantalon, en doudoune ou en débardeur. J'ai prévu un grand nombre de situations et surtout une fuite qui dure.

Un carton de médicaments, pansements et produits de soin complète mon nécessaire de fugue. Je veux pouvoir me soigner les petits comme les gros bobos, ne pouvant me permettre de me rendre dans un hôpital sans risquer de me faire reprendre. J'ai plusieurs atteles pour pied, bras ou épaules et différents outils du genre pince à épiler ou scalpels chirurgicaux désinfectables par le feu. Des couvertures de survie et anti -feu côtoient les pommades anti moustiques, cicatrisantes et désinfectantes.

Une autre caisse regroupe rasoirs, savons, dentifrices et produits d'hygiène corporelle. Je peux me permettre de me négliger si je vis dans les bois, en revanche, si je traverse une ville, mon look ne doit pas paraître suspect. Si je suis négligé, on me surveillera et on cherchera ma propriétaire. On pourrait découvrir ma fuite. Alors que si je suis entretenu, c'est forcément qu'une femme prend soin de moi. En plus, j'aime être propre et frais.

Mon butin compte également cinq sacs de nourriture à longue date comme des pâtes, du riz, des conserves. J'ai de quoi me nourrir pendant les trois prochains mois sans me priver, six mois si je me rationne. Plus si je parviens à faire des courses sans danger ou si je vole un peu dans les champs ou les étals. Je me suis entraîné sur le marché, les pommes et les petits saucissons récoltés m'ont rendus fier de mon habilité. Ma bonne tête permet que les femmes ne se méfient pas de moi et se concentrent sur les Zêtas.

Je ne peux pas me permettre de rester quelque part alors je ne me charge pas de graines pour cultiver. En plus, la production de nourriture est très surveillé et tout potager clandestin est détruit sans sommation. Il me sera plus facile de voler sur les étals ou dans les champs que de produire moi-même ma nourriture. Un animal type poule sera difficile à nourrir et trop bruyant pour rester discret. je verrais une fois que je serais en sécurité avec les rebelles ou bien si je parviens à fuir suffisamment loin de Sophie et de ses partisanes.

Pour assurer ma cavale dans les meilleures conditions possibles, je complète mon attirail avec des couvertures, un sac de couchage, une tente et un nécessaire de camping complet. Je veux pouvoir dormir à la belle étoile sous la neige sans crainte de mourir gelé. Je sais même allumer un feu en frottant des branches l'une contre l'autre. La technique de la pierre à feu m'est encore un peu difficile, cela viendra avec la pratique. J'ai vingt paquets d'allumettes au cas où aussi et une petit provision de cubes allumes feux. Un petit réchaud à gaz me servira en cas d'urgence.

J'ai placé mon barda dans la voiture de Solène. Je dissimule le vrai contenu des sacs en plaçant des peluches et d'autres affaires féminines sur le dessus. Si on m'arrête, je prétexterai un déménagement pour expliquer la voiture chargée. Comme je ne resterais pas à un endroit fixe, me déplaçant pour trouver un lieu sûr, je n'attirerais pas l'œil des policières.

J'ai prévu de voler la voiture de Solène. Elle m'a promis de ne pas porter plainte. Dans le doute, et au cas où, je pense que je volerais un nouveau véhicule très rapidement et en changerais régulièrement. Je ne veux pas qu'on puisse me suivre à la trace. La délinquance ne concernant que des actes de violence entre femmes, les voitures ne sont pas surveillées. Personne n'a l'idée de les voler car quasiment toutes les femmes ont accès à un véhicule.

Je me suis fabriqué de faux bracelets et un faux collier avec des pièces de rechange achetées via le bracelet de gestion de Solène. Plus précisément, j'ai recréé huit bracelets et un collier mais sans les électrodes qui envoient les décharges ou le dispositif de géolocalisation. Je pourrais ainsi me promener sans éveiller les soupçons dans n'importe quel Etat en fonction des directives locales.

J'ai fait des recherches pour me trouver une destination. Un groupe d'hommes s'est rebellé dans un État voisin, celui d'Inès. Ils se sont débarrassés de leurs entraves. Ils se cachent dans les montagnes, libérant d'autres hommes dans cet État et dans celui de Sophie. Ils se sont associés avec les rebelles de l'État d'Inès, qui eux, se tiennent plus calmes depuis l'accession de la jeune fille.

J'ai acheté une carte très précise des régions où les rebelles se cachent. Un poignard, un revolver et un gros stock de cartouches. En visionnant des tutos, je m'entraîne à me battre fictivement devant le miroir et je me muscle le plus possible. Je veux être en capacité de me défendre si je suis surpris par des femmes, et je veux aider les rebelles à libérer les opprimés si je parviens à les trouver. Je tente de me forger un mental de soldat sans attaches.

J'ai suivi l'exemple d'Alpha Inès et me suis donné un prénom. Daniel. J'adore ce prénom, ma jolie blonde n'a rien dit. Je pense qu'elle aime et n'a juste pas voulu me le dire. Je voudrais emmener Solène avec moi. J'ai peur que les rebelles s'en prennent à elle en raison de son statut de fille de la Vice Suprême tortionnaire. Solène m'a juré que sa mère ne lui ferait pas vraiment de mal. Elle sera furieuse. Sophie donnera quelques coups, mais elle ne blessera pas gravement Solène. Je n'ai pas confiance. Je n'ai pas le choix. Je suis en danger de mort en restant ici. Elle l'est en venant avec moi.

Je ferais semblant et imiterais une intervention rebelle pour protéger Solène, pour qu'elle puisse vendre un beau mensonge à sa mère chérie et se faire passer pour une victime pour diminuer les coups. Nous avons scrupuleusement étudié les rapports de kidnapping de Zêtas et de reproducteurs afin de reproduire leurs méthodes. Après tout, malgré les soldats qui la protègent, Sophie s'est fait voler une Zêta et un reproducteur. Elle ne pourra pas en vouloir à Solène.

Je suis allé faire les dernières courses avant mon départ. J'ai le cœur serré à l'idée de quitter Solène et tout ce que je connais. Rien ne me prouve que je pourrais trouver mieux. La seule chose que je sais est qu'en restant ici, je mourrais sous les coups de Sophie d'ici très peu de temps. Je serais obligé de la féconder comme Numéro Un pour survivre. Rien que de songer à cela, mon cœur se soulève et mon déjeuner manque de passer par-dessus bord.

Je rentre à la maison. J'ai acheté des serviettes pour Solène et des chocolats. Elle va bientôt avoir ses règles. En rentrant, je lui cueille une pâquerette dans le jardin. La première fleur que je lui ai offerte. Ma colère est passée. Je m'en veux de ce que je lui fais subir. Dans moins de deux jours, sa mère va venir me chercher. J'ai repris des forces et organisé ma fuite sans attirer l'attention. Je dépose les paquets sur la table. Solène a passé l'aspirateur et la serpillière pendant mon absence. Elle a enfilé de vieux vêtements moches pour faire le ménage. Elle reste si belle.

Elle arrive pour m'aider. Je l'enlace par-derrière doucement. J'enlève les cheveux de son épaule et lui fait une bise tendre dans le cou. Solène tressaille de surprise, pas de peur. Je lui offre ma fleur en signe de paix. Je dis d'aller se prendre un bain, de se délasser. Je finis de ranger les courses. Solène observe la pâquerette dans sa main, perplexe. Elle ne sait pas trop quoi penser.

Solène se dirige vers la salle de bains, docile. Je la suis et lui met la radio sur sa station préférée. Je pose les serviettes hygiéniques dans l'armoire. Je règle la lumière sur tamisée et lui allume une bougie parfumée. Doucement, je fais glisser ses vêtements sales au sol et déshabille ma jolie blonde en la caressant tendrement. Je couvre son cou et ses joues de bisous affectueux. Elle est si belle.

Solène est en culotte devant moi. Elle est un peu inquiète, je ne l'ai plus touché depuis deux mois. Je n'ai montré aucune forme d'attirance ou de violence envers elle. Mes gestes ne sont pas agressifs, ils sont tendres, bienveillants. Mes mains, qui parcourent son corps, ne la dégoûtent pas, au contraire, je la vois savourer ce contact charnel. Elle place mes mains sur sa poitrine et penche la tête pour m'offrir son cou. Son cœur bat à toute vitesse. Ce n'est pas ça que je veux. Elle doit se détendre et profiter d'un moment de paix.

— Prends ton temps. Détends-toi. C'est le week-end. Je n'ai pas envie de me disputer avec toi. Profite d'un bon bain chaud. Je vais cuisiner et préparer le repas. À toute à l'heure Solène.

Je lui fais une bise sur l'épaule et sort. Je range les courses, laissant les chocolats en vue sur la table du salon. J'allume la cheminée pour qu'elle n'ait pas froid cette nuit. Je commence à cuisiner. Entre le repas qui cuit et la cheminée, il fait super chaud dans le salon. J'enlève mon tee shirt. Je commence la vaisselle. Je me suis un peu étalé dans la cuisine. J'entends Solène venir. Elle est dans mon dos, passant ses doigts sur une cicatrice. Je grimace un peu lorsqu'elle touche une zone pas encore cicatrisée.

— J'ai fait un gratin et des lasagnes. Et un flan pâtissier. Ça te va ?

Elle me fait oui de la tête et repart vers la salle de bains. Solène rapporte du coton, du désinfectant, des pommades et des pansements. Pendant que je nettoie les casseroles, planches, et le reste de mon bordel, elle soigne mon dos avec douceur. Je ne la vois pas faire. Je sens juste ses mains. Je grimace par moments. Je suis encore salement amoché. Elle fait très attention. J'ai fini. Elle aussi. Elle jette les cotons sales et rapporte le nécessaire de soins dans la salle de bains. Je mets la table et apporte les plats. Je m'aperçois qu'elle a sangloté en me soignant.

— Solène... Ne pleure pas.

Je lui murmure en la serrant contre moi. J'embrasse ses cheveux pour la calmer. Elle laisse ses larmes couler en silence, la tête contre mon torse, les bras autour de ma taille. Je sens les gouttes ruisseler le long de mon buste. Nous restons plusieurs minutes ainsi. Je n'arrive pas à savoir pourquoi elle craque. Je suis gentil avec elle. Je ne lui ai pas fait de mal ces deux derniers mois.

— Si seulement ma mère était différente. Si seulement j'avais du courage. Je suis désolée. Je ne veux pas ça pour toi. Je tiens tellement à toi. Je voudrais te traiter comme Alpha Inès. En compagnon. Mais c'est impossible. Je suis désolée.

Je la berce doucement pour la calmer. Elle a raison. Je sais qu'elle n'est pas un monstre, juste faible. C'est pour ça que je n'arrive pas à être en colère contre elle. C'est pour ça que je ne lui fais pas de mal alors que je le pourrais. J'aimerais être son compagnon. C'est juste impossible avec sa mère. Solène finit par se calmer. Nous mangeons en silence, l'un à côté de l'autre. Elle ne touche même pas à ses chocolats. Elle retient ses larmes. Elle est si triste. Quel gâchis !

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