Épopée: Chapitre VIII

6 minutes de lecture

VIII. Le voyage commence :


Le lendemain, à l'aube, tous se retrouvèrent dans la cour du château. Elio se sentait encore fatigué et il se demandait comment Orm faisait pour rester toujours aussi énergique avec à peine quatre heures de sommeil. Le Carrosse était de nouveau rempli de provisions, le temps dégagé et la ville se réveillait à peine, il était temps de partir. Mais avant, Jambar tendit quelque chose à Anton. C'était un grand fourreau de cuir bouilli doublé d'acier.

— C'est pour votre épée, expliqua Jambar. Il vaut mieux que vous l'invoquiez maintenant car une fois de l'autre côté, la barrière magique vous en empêchera.

— Compris, répondit simplement le mercenaire.

La rune dans sa paume s'illumina et Faucheuse apparue, toujours aussi imposante. Le fourreau était parfaitement adapté et la lame y coulissa sans problème. Anton attacha le tout à sa ceinture et exécuta quelques mouvements, il dégaina et rengaina l'arme à plusieurs reprise pour s'habituer à cette nouvelle prise en main.

— Du bon travail, conclut-il. Et je suis soulagé que vous n'ailliez pas pensé à un fourreau dorsal, j'ai déjà essayé et c'est tout sauf pratique.

— Excellent, fit Jambar. Dans ce cas, allons-y !

Ils montèrent dans le Carrosse. Au moment où le véhicule s'ébranlait, ils remarquèrent Trodrïn et sa fille qui saluaient leur départ depuis un balcon du palais. Orm en profita pour envoyer un coup de coude à Elio en ricanant :

— Et bien ? Tu ne lui envoie pas un baisé d'adieu ?

Le chevalier lui rendit sa bourrade. Le Carrosse partit à vive allure au milieu des rues que l'aube commençait à teinter de rose.

Après quelques minutes de course, Jambar s'arrêta au pied de la Muraille. La ruelle où ils se trouvaient était entièrement plongée dans l'ombre et les lourdes pierres de granit noir y véhiculaient une atmosphère humide. Devant eux se trouvait une petit cabane en bois à moitié délabrée, adossée à la Muraille.

— Qu'attendons-nous ? demanda Elio. Nous devons nous rendre à l'entrée des Terres Bannies sans tarder !

— Mais nous y sommes, lui répondit Jambar une pointe d'étonnement dans la voix.

— Comment ça ? Je me souviens pourtant d'une magnifique porte de pierre sculptée, flanquée de deux postes de garde. Elio regardait partout autour de lui sans rien trouvé de tel.

— Ah ! Je comprends, dit Jambar amusé. Oui, en effet il existe bien un tel bâtiment, mais il ne mène strictement à rien. Et puis à quoi pourrait bien servir une structure si disproportionnée si ce n'est de point faible majeur d'un point de vue stratégique ?

Le jeune chevalier se gratta le cuir chevelu.

— Oui, évidemment dit comme ça...Mais à quoi sert-elle alors ?

— Beaucoup de voyageur aiment s'arrêter à l'auberge pour prendre une chambre avec "vue sur les portes".

— Oh...

Jambar descendit du Carrosse et frappa quatre coup contre les planches vermoulues. Des bruits de pas se firent entendre et une fente s'ouvrit dans la porte de la cabane. Les trois compagnons regardèrent leur employeur avancer jusqu'à l'ouverture.

— Bien le bonjour Nathaniel ! Je souhaite un joyeux anniversaire à ta grand-mère.

— Puisse ses cheveux ne jamais blanchir, répondit une voix cristalline de l'autre côté de la porte.

Les trois autres s'entre-regardèrent, intrigués. Soudain, la vieille cabane se sépara sur toute sa hauteur dans un craquement. Les deux parties ainsi obtenues se recroquevillèrent le long du rempart de granit. Devant eux apparut un sentier qui descendait sous terre en pente douce. Dans l'embrasure du tunnel se tenait une créature humanoïde aux membres longs et graciles. Sa chevelure blonde aux reflets argentés, ses yeux entièrement bleus marines et ses oreilles en pointe finirent d'informer les aventuriers sur sa nature. Il s'agissait d'un elfe.

Les elfes, un peuple des plus mystérieux. La plupart des individus préféraient mener une existence paisible et discrète, à l'abris des regards au milieu des épaisses forêts bordant les Royaumes du Nord et de l'Ouest. Contrairement aux humains, ils vivaient en symbiose avec la magie et beaucoup s'accordaient à dire que c'est de ce lien étroit que le peuple sylvain tire son incroyable longévité. Certaines légende racontaient l'histoire d'élus du peuple sylvain, des êtres pouvant vivre plusieurs milliers d'années. Ce fait n'a jamais été démenti et a engendré bon nombre de rumeurs sur les shamans de la Confrérie d'Yggdrasil, dont beaucoup étaient d'origine elfique. Cependant, il arrivait parfois que certains elfes aspirent à sortir de leur forêt natale pour explorer le territoire des humains. Il était encore plus rare que l'un d'eux décide d'y rester car le rythme de vie effréné des «brefs», comme les elfes les appelaient parfois, leur était insupportable.

Celui qui se tenait devant les aventuriers avait apparemment décidé de rester. Il portait une armure légère en cuir renforcée d'écailles d'acier. Un large sourire illuminait son long visage à la peau diaphane d'une oreille pointue à l'autre.

— Mes amis, dit Jambar en se tournant vers l'elfe, je vous présente Nathaniel ! Le vigile du quatrième souterrain.

— Salut ! L'intéressé agita la main vers les trois autres restés dans le Carrosse, ils lui rendirent son salut. Bon, et bien suivez-moi. Jambar, je me demande toujours comment tu te débrouilles pour te dégoter ce genre de gadget magique, il montra le Carrosse. C'est du boulot de gnome ça non ? Toujours prêt à emprisonner la magie dans des boite pour la plier à leur volonté...

Jambar regagna son siège dans le véhicule et Nathaniel se posta sur l'un des marchepieds du côté gauche.

— Le Carrosse est magique ? Chuchota Elio à Orm.

— Ça répondrait à pas mal de questions, répondit l'autre, mais du moment qu'il fonctionne, je me fous pas mal de comment ça marche.

— Pas faux.

Alors qu'ils s'engageaient dans le tunnel, Nathaniel entama la conversation.

— Ça fait un bail Jambar ! Tu as enfin réunit assez de monde pour te suivre dans ton foutu projet ?

— Pourquoi tu prends la mouche comme ça Nathaniel ? Tu préférerais rester ici encore cent ans ?

— Presque cent vingt ! Et puis tu n'y a pas réfléchis mais, si vous réussissez, je vais me retrouver au chômage. Tu pars quand même buter mon gagne-pain ! J'avais enfin trouvé un boulot stable pour quelqu'un comme moi...

— C'est vrai qu'un vigile quasi immortel, c'est plutôt pratique, pensa Anton tout haut.

— Vous croyez pas si bien dire ! Ah, la tronche qu'ils ont fait quand je me suis proposé...Et voyez le résultat : je garde encore ce trou alors qu'ils mangent les marguerites par la racine.

— "Les pissenlits", corrigea Elio.

— Hein ?

— On dit manger les "pissenlits" par la racine. Comme quoi après cent vingt ans il vous reste des choses à apprendre, expliqua le chevalier en riant.

— Ouais...Mais vous parlez d'une drôle de façon vous les brefs...C'est pour ça que je vous aime bien, répondit l'elfe tout sourire.

Il progressaient à l'intérieur du boyau. La structure était extrêmement bien aménagée : la route était parfaitement dallée, d'épais arcs-boutants en pierre soutenait le tout et de petit cailloux luminescents diffusaient une vive lumière bleutée.

— Ah. Ça, ça doit être magique, claironna Orm.

— Oui, fit Nathaniel, pratique n'est-ce pas ?

Depuis leur entrée dans le tunnel, Jambar scrutait le chemin droit devant eux, son regard gris acier brillait de détermination.

Ils arrivèrent au bout du chemin, Anton pensa qu'ils devaient bien se trouver à plusieurs centaines de mètres de la Muraille, il demanda :

— Jambar vous a désigné comme le vigile du souterrain numéro quatre. Il y a donc d'autres entrées comme celle-ci ?

— En effet, répondit l'elfe. Je garde le dernier tunnel, celui-ci s'enfonce le plus loin sous les Terres Bannies. À l'origine il y en avait plus mais beaucoup ont été condamnés après l'échec de la colonisation des abords de la Muraille.

Elio jeta un œil en direction de Jambar, ce dernier ne réagit pas.

— Je descends là, fit l'elfe en sautant gracieusement du véhicule.

Le tunnel se terminait par un cul-de-sac où se trouvait un monte-charge en bois massif, Jambar y fit monter le Carrosse. Nathaniel tira alors sur un levier au sol et plusieurs poulies se mirent en branle, le monte-charge s'éleva en même temps qu'une trappe s'ouvrait vers l'extérieur.

— Bonne chance ! Cria Nathaniel pour couvrir le bruit du mécanisme. Même si je risque de perdre mon boulot, j'espère que vous réussirez.

Lorsque le monte-charge eut finis son trajet vers l'extérieur, le Carrosse avança juste assez pour que la trappe se referme. Tous regardaient le paysage autour d'eux, il était désertique. Attention, pas désertique dans le sens aride du terme, mais dans le sens vide de vie.

La terre était en fait une gigantesque bande de poussière grise. Çà et là poussaient d'étranges champignons violet phosphorescents de tailles aussi divers qu'improbables. Le ciel chargé, zébré d'éclair rouges ne laissait filtrer qu'une pâle lumière froide éclairant avec peine un relief fourbe et crevassé. En clair, une contrée hostile à presque toute forme de vie assez folle pour s'y aventurer.

C'est au milieu de cette désolation qu'Anton dit :

— Y a un type, juste devant.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Jb Desplanches ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0