Épopée: Chapitre I

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I.Rendez-vous inattendu :

 Among City, une grande ville certes, mais une ville trempée. Cela faisait six jours qu'il pleuvait sans arrêt. Habituellement, ce carrefour entre les routes marchandes des Royaumes fourmillait de monde. Badauds, marchants itinérants, apothicaires plus ou moins louches et même quelques nobliaux issus de l'une des nombreuses familles aristocratiques du Royaume du Nord. Certains cherchaient à fuir la saison froide de leur terre natale pour les doux rivages du Royaume du Sud, d'autres pour affaire. Parfois, on pouvait croiser d'étranges individus au nombre de cicatrices toujours croissant, le postérieur vissé sur le tabouret huileux d'une taverne pour une durée indéterminée et narrant leurs exploits à qui veut les entendre. Ce sont les aventuriers.

Mais, avec ce temps exécrable, la ville était comme endormie, les hauts bâtiments de briques ruisselantes et les rues désertes lui donnaient une allure sinistre. Cependant, un pauvre hère pris d'une soudaine envie d'explorer la ville sous la pluie, l'oreille aux aguets, aurait pu discerner un son particulier au milieu de l'averse frappant la pierre : des pas, des bottes de soldat dont les semelles cloutées résonnaient sur les pavés humides et glissants. L'homme à qui appartenaient les bottes continua sa marche encore quelques instants, s'arrêta devant une petite fontaine au bout d'une avenue, puis s'assit sur le bord dégoulinant et attendit quelques minutes. L'eau ruisselait sur son visage carré, marqué par de nombreuses années de vie passées à parcourir les Royaumes. Ses cheveux bruns collaient à son front et sa fine barbe gouttait sur son armure en cuir écarlate. Pourtant, malgré son inconfort, il attendait. L'observateur avisé aurait également remarquer une gravure presque totalement effacée sur son épaulière droite : une tête de démon grimaçante, vestige d'un passé de gloire guerrière, noyée dans le sang.

Le soldat discerna un mouvement au-dessus de lui, une silhouette se découpa sur l'un des toits faisant face au point d'eau. Il leva la tête et l'ombre atterrit souplement, un mètre en face de lui. C'était à première vue un homme, de taille moyenne. Il portait une veste en cuir noir doublée d'acier aux épaules et aux coudes ainsi que des gants assortis au reste de sa tenue. Une ceinture en peau ornée d'une boucle en cuivre tenait un pantalon de lin noir, serré dans de hautes bottes de voyage usées. Son visage était entièrement enveloppé dans une écharpe en lin gris lui collant au visage à cause de l'humidité. Aucune arme apparente.

— Salutations ! lança l'homme d'une voix étouffée par le tissu recouvrant sa figure. Ai-je bien affaire à Anton Sang-d'Acier le mercenaire, ancien Commandant de la Garde Pourpre?

— Oui oui, c'est bien moi dit Anton en jetant un coup d'oeil à l'insigne rayé sur son épaule. Et vous, vous devez être mon commanditaire.

Le mercenaire tapota l'une de ses nombreuses sacoches utilitaires, il en sorti un petit rouleau de papier dépourvu de sceau.

— Alors, quel-est donc ce travail assez important pour m'avoir donné rendez-vous dans ce coin paumé de la ville par un temps pareil ?

Malgré le visage voilé de son mystérieux interlocuteur, le mercenaire vit apparaître un léger pli dans son foulard a niveau des pommettes.

— En effet, c'est plutôt important, mais avant toute chose, sachez que cela comporte de très gros risques et que vous pourriez...ne pas revenir.

Il se tut et regarda Anton droit dans les yeux. Ce dernier remarqua alors que ceux de son interlocuteur masqué étaient d'un gris métallique presque argenté, et ce regard le mettait franchement mal à l'aise. Il se ressaisit et déclara :

— Bah ! Assez de formalité, si j'avais peur d'y laisser ma vie je ne ferais pas ce travail. Et c'est loin d'être mon premier boulot à risque. Enfin, vous devez connaître ma réputation j'imagine, sinon vous n'auriez pas fait appel à moi.

— Exactement, et je peux vous garantir que si nous revenons, votre renommée n'en sera que plus grande...

Anton haussa un sourcil :

Nous? Vous venez aussi?

— Bien sûr, cette affaire me concerne personnellement...

— Rien à voir avec la justice j'espère ? Je suis mercenaire, mais d'éducation militaire, c'est une question d'éthique vous comprenez ?

L'autre fit les yeux ronds :

— Rien à voir avec la justice je vous le promets.

Anton sourit et tendit la main.

— Alors marché conclus, topez la!

Pour l'ancien soldat, une poignée de main était la meilleure façon de conclure un contrat. Outre la symbolique du geste, cela lui permettait de savoir précisément pour qui il allait travailler. En l'occurrence, il comprit en un instant toute la détermination de son nouvel employeur. Un homme de sa trempe. Un homme pour qui presque tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins. Un homme dangereux. Un aventurier.

— Pourquoi m'avez-vous posé cette question ? demanda l'employeur.

— Sur ? La justice ? Et bien j'imagine que vous vous en doutez mais, dans le métier, il n'est pas anodin d'être employé par des personnes... disons peu recommandables.

— Ne vous en faite pas, je comprends tout à fait. Secret professionnel ?

Anton acquiesça et ils échangèrent un sourire entendu. L'homme au foulard montra alors du pouce l'auberge dans son dos :

— Bien ! Maintenant que tout est réglé, allons retrouver les autres.

— Comment ça les autres, combien sommes-nous exactement?

— Quatre, j'ai omis de vous le préciser dans mon message ?


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