Plongée et contre-plongée

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Des heures et des heures de visionnage.

Et le lieutenant Pelletier apporta un cadeau à la brigade. De la part des groupes d'intervention de la Gendarmerie.

Un cadeau qui fit sourire tous ces hommes et femmes blasés par l'enquête qui n'avançait pas.

Un fusil anti-drone.

" C'est un appareil qui permet de brouiller les fréquences des GPS des drones. Cela neutralise instantanément les drones."

Plus de communication, plus de retour d'image, plus de GPS.

Pelletier conclut avec un large sourire :

" Il peut neutraliser un drone jusqu'à 1500 mètres de l'appareil. Léger et maniable. Qui le veut ?"

Une levée de main générale fit rire tout le monde.

Et fit du bien à cette brigade endeuillée.

Fatou Traoré leva la main aussi et à ses côtés, posté contre le mur, l'inspecteur lança :

" Filez-moi un fusil et je vous le dézingue votre coucou."

La jeune femme lui répondit discrètement :

" Soyez gentil et je vous le prêterai, Ghost !"

Le fantôme leva la main et une soudaine bourrasque fit tomber quelques stylos au premier rang.

" Fermez les portes !, cria Pelletier. Il y a des courants d'air !"

Quelles portes ?

Elles étaient toutes fermées.

Des heures et des heures de visionnage.

Il n'y eut pas de vidéo sur le bus.

Le drone n'avait pas pu réaliser son film.

Bien fait pour sa gueule !

Mais comment le bus a-t-il eu son terrible accident ?

" On a une redite avec le bus, affirma Pelletier, une fois que les rires se furent éteints. Trois personnes ont traversé l'autoroute devant lui. Toutes mortes dans la collision. Le chauffeur n'a rien pu faire.

- Comment le sait-on ?," demanda quelqu'un.

Le lieutenant Pelletier grimaça.

" Service d'autopsie. Les médicos ont découvert des morceaux de corps en-dehors du bus.

On se tut, attendant la suite avec effarement.

" Et sous les roues du bus. Analyses ADN. Trois victimes, toutes d'origine caucasienne."

Fatou Traoré sourit et lança de sa jolie voix bienveillante :

" Donc des blancs, c'est cela ?"

Pelletier lui rendit son sourire et répondit :

" Manifestement. Même si ce terme est désuet et abandonné dans de nombreux pays... Je sais !"

On siffla et on applaudit Fatou Traoré tout à la fois.

Une voix profonde résonna dans son oreille.

" Tu crois que c'est le moment, gamine ?

- Vous croyez que j'aime me faire traiter de négresse, Ghost ? Je suis de la race négroïde !"

Fatou Traoré tira la langue, toujours amusée et espiègle...mais ses yeux ne brillaient pas d'amusement.

" Moi, c'est le gitan. Je connais, la gamine. Je connais. Je suis un Hamite de race Caucasoïde."

Traoré se tourna vers le mur et elle murmura :

" Et vous avez fait quoi contre ceux qui vous ont discriminé ?

- Je leur ai cassé les dents."

La jeune femme se mit à rire en cachant ses propres dents.

Pelletier mit fin à la réunion sur un constat d'échec.

A nouveau.

Accident de la route provoqué par une ou plusieurs personnes.

Décès de cinquante personnes, dont la majorité était des adolescents.

Point positif ou pas... Aucune vidéo ne fut envoyée à la police.

Quant au drone, il n'apporta rien.

Aucune piste, aucune trace, aucun indice.

Lorsque Pelletier demanda pourquoi, on le renvoya vertement :

" Et on aurait dû trouver quoi ? De l'ADN ? Une boîte noire ? L'adresse du type ? Appareil standard, vendu sur Internet. C'est un DJI Mavic 2 Enterprise, 3000 euros. Une belle bête."

Une belle bête...

Avec une caméra puissante dotée d'un zoom optique x 2 extrêmement efficace.

On était bien placés pour le savoir.

Toute la brigade avait assisté aux visionnages.

Chez Fatou Traoré, ce soir-là, deux officiers de police examinaient les sites d'achat en ligne de ce drone d'un prix prohibitif.

A écrire des mails et à contacter des services après-vente.

Peut-être, quelqu'un, quelque part, avait conservé des listes d'acheteurs et pourquoi pas ?, peut-être, quelqu'un, quelque part, avait laissé son nom sur une liste d'acheteurs...

Peut-être...

On n'avait pas grand-chose de plus.

On était des pions aux mains de ce salopard de tueur.

" Ghost, murmura Fatou Traoré en frottant ses yeux fatigués de lire des sites et des manuels.

- Mhmmm ?

- Pourquoi Sylvie a-t-elle pris la voiture ce soir-là ?"

Ghost leva les yeux et regarda Fatou, estomaqué.

" Je n'en sais rien. Elle n'avait pas rendez-vous avec son godelureau ?

- Non. Adrien m'a dit que non.

- Alors...alors je ne sais pas. Elle avait une famille. Des courses à faire. Je ne sais pas, moi. Des trucs de femme."

Fatou Traoré se mit à rire et elle secoua ses tresses colorées.

" Sylvie n'avait plus de famille depuis le suicide de son frère. Elle n'avait qu'Adrien dans sa vie. Et toi.

- Que veux-tu dire exactement, gamine ?

- Sylvie a peut-être suivi la piste du Glock 18."

Oubli.

Un oubli.

C'est si courant dans une enquête.

On avance, on se focalise sur un point et on oublie le reste.

" Que sait-on du Glock 18 ?, demanda sèchement l'inspecteur.

- Il a servi à tuer M. Simonnet.

- Oui, je sais. Et le revendeur d'armes, aussi. Et des amis du revendeur d'armes.

- Et M. Jondrette !"

Là, Fatou Traoré regarda le visage de l'inspecteur se changer. Il resta bouche bée et cela ne lui allait pas du tout.

" Mais...Sylvie est morte il y a... Il y a...

- Un mois, répondit la jeune femme, désolée.

- Merde. Pourquoi nous ne le savons qu'aujourd'hui ?

- Adrien est entré en hôpital de jour, Ghost. Aujourd'hui. Il me l'a dit en vidant son bureau. Pelletier lui a pardonné. Tout le monde lui a pardonné.

- Putain !

- Il est surveillé. Il ne fera plus de bêtises.

- Putain, répéta doucement Ghost en fermant les yeux. Le jobard..."

L'inspecteur frotta ses favoris touffus et demanda avec précaution :

" Tu crois que tu pourrais me permettre d'aller le voir ?

- Oui, Ghost. Nous irons le voir.

- Le jobard. Je crois que j'ai des excuses à lui faire et des questions à lui poser."

Fatou Traoré sourit et hocha la tête.

Enfin, elle se leva et lança avec un entrain exagéré :

" Une valse ?"

L'inspecteur l'imita en s'exclamant, faussement enjoué :

" Non ! Je vais t'apprendre un truc, gamine.

- Ho ?

- Le tango."

Ghost fit danser Fatou, à la faire rire. Cela leur fit du bien.

De rire.

Puis une voix surprise résonna depuis la porte d'entrée du salon :

" Mais c'est quoi ce cirque ?"

Fatou tenait les épaules glacées de l'inspecteur et elle annonça en riant toujours :

" Ghost, je te présente Annabelle, ma petite-amie. Annabelle, voici Ghost."

La jeune femme, Annabelle, entra en tendant la main en avant vers le vide :

" C'est le fameux inspecteur mort depuis deux cents ans ?"

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