Coups et blessures

3 minutes de lecture

" Ghost ! Je te hais !

- Tu as pourtant dit que tu m'adorais il n'y a pas si longtemps, se moqua le policier fantomatique.

- Adrien adore les vieux films en noir et blanc. C'est horrible !

- Affreux ! Vraiment. Il te frappe aussi ?"

Le lieutenant Sylvie Lyster secoua ses cheveux coiffés en carré, blonds maintenant.

" Non, il ne me frappe pas.

- Alors je compatis moins."

Une boulette de papier vola en direction du policier et le traversa sans problème.

" Pas juste ! T'es un connard Ghost ! Je veux juste dire qu'Adrien est gentil mais qu'il est collant.

- Je ne peux rien pour vous, lieutenant. Vous voulez que je hante son bureau ?

- Ghost, Ghost, Ghost...

- A votre service, mon lieutenant."

Le policier se pencha en avant et fit claquer le talon de ses bottes.

En France, une femme est tuée par son partenaire ou ex-partenaire tous les 2 jours.

Les décès sont comptabilisés : 90 femmes tuées en 2020, 146 en 2019.

Les coups, les blessures, les viols...

Les humiliations, les insultes, les menaces...

Un terme a été créé pour qualifier ces meurtres et ces assassinats : féminicide !

FEMINICIDE !

" Bon. C'est un assassinat !, fit l'inspecteur de police en examinant le corps de l'homme, poignardé en pleine poitrine. Plusieurs coups, ce n'est pas de la légitime défense.

- Je ne suis pas convaincue, Ghost.

- C'est la femme, sans nul doute.

- Evidemment, mais ce n'est pas un assassinat, Ghost.

- Un homicide volontaire avec préméditation."

Sylvie Lyster leva les yeux au ciel et répéta :

" Je ne suis pas convaincue, Ghost.

- Plusieurs coups ! Cela suffit à me convaincre !"

Mais la jeune femme n'était pas convaincue et pour la première fois depuis longtemps, on entendit la voix fâchée du lieutenant résonner dans le bureau.

Elle parlait seule et parlait fort.

Elle devait avoir perdu la tête, non ?

Et pour lui répondre, on entendait les meubles vibrer, les volets inexistants claquer et la porte trembler sur ses gonds.

En France, les violences au sein du couple :

- 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire

- 27 hommes ont été tués par leur partenaire ou ex-partenaire

- 25 enfants mineurs sont décédés, tués par un de leurs parents dans un contexte de violences au sein du couple.

Car la violence ne touche pas que les femmes.

Elle détruit toute la famille.

Elle détruit les enfants.

Elle détruit les hommes.

Inventons un terme pour qualifier cela : familicide.

FAMILICIDE !

" Inspecteur ! Regardez !"

Quand le lieutenant parlait ainsi à son collègue, c'était qu'elle était fâchée contre lui.

Elle déposa sur le bureau des archives un dossier et elle l'ouvrit nerveusement.

" La victime est venue porter plainte il y a deux ans pour coups et blessures de la part de son compagnon."

Personne ne répondit.

" Elle avait fini à l'hôpital avec un nez cassé mais la plainte a été retirée. Nulle et non avenue.

- Aujourd'hui, elle est en prison pour assassinat..., compléta la voix froide du fantôme.

- Oui. Et ce n'est pas un assassinat ! C'est de la légitime défense !

- Avec plusieurs coups de couteau en pleine poitrine ?!

- Ghost, s'il te plaît ! Comprends cette femme ! Tu n'as pas parlé à la victime ?

- Si," fit amèrement le policier.

Le lieutenant vit apparaître la silhouette de son collègue et son regard triste.

" Il était saoul et vindicatif.

- Alors, alors Ghost !

- Légitime défense contre un salopard.

- Bien inspecteur, sourit le lieutenant. Bienvenue dans le XXIe siècle.

- Vous ne croyez pas si bien dire, lieutenant. Une femme dans la police ! Vidocq en aurait bien ri.

- Les femmes sont les égales des hommes.

- Oui, j'ai compris."

84 % des morts au sein du couple sont des femmes.

Parmi les femmes tuées par leur conjoint, 41 % étaient victimes de violences antérieures de la part de leur compagnon.

Par ailleurs, parmi les 21 femmes ayant tué leur partenaire, 11 d’entre elles avaient déjà été victimes de violences de la part de leur partenaire, soit 52 %.

Ce sont les chiffres officiels, ils parlent d'eux-mêmes.

Il ne suffit pas de les connaître, il faut lutter contre eux.

Et améliorer les choses en rendant justice !

JUSTICE !

Le canapé de Sylvie Lyster était occupé par un chat fou, un inspecteur désabusé, un lieutenant de police, aviné et un policier amoureux.

Sur l'écran passait la Famille Addams.

Cela permettait à tout le monde de se détendre.

A la fin, Adrien s'exclama en souriant :

"La série en noir et blanc est super aussi. Tu l'as vue ?"

Le lieutenant se sentit obligée de répondre par la négative.

En sachant déjà que son amoureux allait lui infliger la série dans son entier et qu'elle ne saurait pas comment le lui refuser.

Elle chercha un soutien moral vers son collègue mais l'inspecteur avait déjà fui les lieux.

Un vent espiègle parcourut la pièce et fit trembler les rideaux et pouffer le chat.

" Il y a un souci de courant d'air chez toi ?"

Sylvie dut se mordre la lèvre pour ne pas rire.

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