Fantômas

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" La beauté est subjective.

Tout le monde porte une beauté intérieure.

Chaque être sur cette Terre est beau, à sa manière.

La laideur est subjective.

Il suffit de regarder les tableaux du passé, nous correspondons à un canon de la beauté.

A une époque, nous étions...beaux..."

Je m'en fous.

Je veux être belle aujourd'hui, maintenant, dans les yeux des hommes, me voir comme une femme désirable et désirée.

Belle.

Maintenant !

Il y a des femmes si belles, partout, tout autour de soi.

Si belles.

Leur beauté est sans pareille.

Alors...il suffit de la leur prendre...

" Mon Dieu, haleta le lieutenant Lyster. Que s'est-il passé ?

- On lui a volé le visage.

- Ecorchée. Par pitié, dites-moi qu'elle était morte quand on l'a...mutilée..."

L'inspecteur ne dit rien.

Et le lieutenant porta doucement sa main à sa bouche. Horrifiée.

" Allons, on trouve toutes chaussure à notre pied.

Mais il faut faire un effort aussi.

La beauté est intérieure.

Le miroir ne réfléchit pas la vérité.

Il suffit de consulter un dermatologue et cela passera et il y a des hommes qui aiment les visages qui ont une histoire.

Aux yeux de certains, nous sommes...beaux..."

La belle blague.

Je ne suis pas belle, je le sais. Ni hier, ni aujourd'hui, ni demain et je ne l'aurais jamais été dans quelque époque que cela soit.

Laide.

Maintenant !

Et cependant, les femmes sont si merveilleuses à contempler, une statue du Louvre, un sourire sur un tableau.

Si belles.

Leur beauté est injuste.

Alors...il suffit de réfléchir posément à la question...et de la leur voler...

" Un scalpel. Une précision chirurgicale. Mais pourquoi ?"

L'inspecteur examinait les plaies, horribles.

On cherchait un visage là où il n'y avait que de la charpie.

" Juste la peau. On peut reformer le visage.

- Mais pourquoi putain ?, claqua Lyster.

- Pour faire de la taxidermie, peut-être.

- Ecorcher un visage et en faire un mannequin ? Cela ne tient pas debout."

L'inspecteur secoua la tête, ne sachant pas quoi répondre.

Et le lieutenant sentit la colère monter en elle.

Un nouveau corps.

Une autre femme magnifique.

Morte et mutilée.

Ecorchée vive.

Visage. Cheveux.

" On l'a scalpée cette fois-ci ?, grogna le lieutenant.

- Je ne comprends pas, avoua l'inspecteur. Un collectionneur de mannequins ?

- Un salopard de criminel sexuel.

- Les femmes n'ont pas été violées."

" La beauté est éphèmère.

On est harcelée à cause de notre beauté, franchement, il vaut mieux être moche.

La beauté est illusoire.

Chacune se trouve laide à sa façon.

Il suffit de faire un peu de sport et de se muscler les fesses et vous verrez comme les hommes vous regarderont marcher dans la rue.

Pour certains hommes, toute femme est belle...et désirable..."

Mais oui, c'est ça !

Un homme aveugle, peut-être, et encore ! Mon visage est laid, mon nez est trop fort, mes boutons sont nombreux et ma peau est grasse. Ce n'est plus de la laideur, c'est une blague.

La preuve vivante que Dieu a le sens de l'humour.

Ou la nature. Comme vous voulez !

Autour de moi, sur l'écran de ma télévision, sur les publicités et dans les livres, les femmes sont de magnifiques créatures. Roméo n'aurait pas aimé Juliette, si Juliette avait été plus grosse et plus laide.

Si féminines.

Jolis cheveux, jolie bouche, jolie peau.

Alors...il suffit de prendre les attributs de la beauté...et de les travailler...

" Trois femmes ! Je ne comprends pas...," s'écria Lyster, en colère.

L'inspecteur tira sur ses favoris et murmura, perdu dans ses pensées :

" Durant les Guerres de Vendée, il y eut des rumeurs de tannerie de peau humaine à Meudon. Je n'en ai jamais été témoin.

- Tanner de la peau humaine ? Mais à quelle fin, bon Dieu ?

- Faire des pantalons. On racontait que la peau des femmes est plus souple mais moins solide que celle des hommes. Saint-Just, dit-on, portait du cuir d'homme.

- Et vous, Ghost ?

- Moi. Je n'avais qu'une paire de bottes. Le cuir est cher.

" La beauté n'est qu'une fleur de l'instant.

La sottise avec la beauté va souvent de société.

La beauté ne se voit qu'avec les yeux de l'âme.

La beauté est une demie faveur donnée par Dieu, l'intelligence en est une entière.

Il suffit d'écouter les proverbes du passé pour comprendre que la beauté ne dure pas et qu'il vaut mieux être intelligente que belle.

Pour certains hommes, une femme intelligente est préférable à une jolie femme..."

Quel ramassis de stupidités !

Un homme aime les jolies femmes. C'est comme ça depuis l'aube des temps. L'homme et la femme. Le masculin et le féminin. Les déesses sont toutes belles mais il y a des dieux laids.

Je ne suis pas une déesse, je suis un brouillon.

La pitié se mêle à la répulsion.

Partout, il y a de jolies et de belles femmes, désirées et adulées, elles se marient et ont des enfants. Moi, je n'ai rien que mes tourments et ma laideur.

Si laide.

La beauté fait mal.

Alors...il suffit de se venger et de vivre à son tour de la beauté des autres.

" Bon. L'enquête avance. Ces trois femmes ont été mutilées et écorchées, scalpées pour certaines.

- Oui, répondit laconiquement l'inspecteur.

- Quel est le point commun à votre avis ?"

Le fantôme se mit à sourire, amusé et lança simplement :

" L'institut de beauté ?"

Le lieutenant Lyster ferma le rapport d'un geste ferme et cracha :

" Ce n'est pas du jeu. Vous avez parlé avec les victimes ?

- J'ai juste réfléchi."

Le lieutenant caressa ses cheveux redevenus longs et bouclés. Toujours noirs comme le charbon.

" Bon, bon. Et ?

- Qui aurait intérêt à vouloir conserver les visages de plusieurs jolies femmes ?, demanda l'inspecteur.

- Une femme, laide."

Cela blessa le policier qui rectifia :

" Non. Une femme qui se croit laide."

Laide.

Il fallait convenir que le visage n'était pas avenant.

Les yeux, la bouche, la forme du visage, les boutons, les cicatrices, les dents, le nez...

Il y a un tableau intitulé la duchesse laide...on s'en approchait...

" Pourquoi avez-vous fait cela ?"

La femme leva tranquillement le visage et regarda le lieutenant Sylvie Lyster, une si jolie femme, dans les yeux :

" Parce que je voulais être belle."

Le canapé était occupé par l'inspecteur et le lieutenant. Et le chat.

Une bière dans les mains de Sylvie Lyster et une assiette remplie de sandwichs sur la table.

Le silence était profond.

" Je n'ai jamais été considéré comme beau, annonça l'inspecteur en se caressant les favoris.

- Vous avez de jolis yeux. Moi j'ai toujours été belle. Ce ne fut pas une sinécure.

- Que vaut-il mieux avoir ? La beauté qui provoque le harcèlement ou la laideur qui provoque la solitude ?

- Je passe. Je ne veux rien. On regarde le Silence des angeaux ?

- Je ne connais pas.

- Vous allez découvrir Hannibal Lecter, Clarice Starling et Buffalo Bill. Un écorcheur de femmes."

L'inspecteur se mit à rire et essaya de chasser le chat qui se rapprochait de lui, malgré sa froideur.

" Un choix adéquat."

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