Bienvenue au Baron Samedi

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" Les zombies, cela n'existe pas !"

L'inspecteur Rivette secouait la tête en regardant le rapport qu'un collègue venait de déposer sur son bureau en tremblant.

L'inspecteur faisait toujours un peu peur malgré tout.

" Qu'en savez-vous, Rivette ?, demanda la voix amusée de son collègue mort.

- Parce que c'est du grand n'importe quoi !"

L'imposant policier, mort et enterré depuis deux cents ans, se leva et croisa ses bras devant lui, un sourire goguenard déformant ses traits sévères.

" Oui, bon, d'accord, admit Rivette. Vous êtes bien là.

- Le premier pas vers l'intelligence, c'est lorsqu'on reconnaît son ignorance.

- Merci pour le sermon, inspecteur."

Un rire amusé et le fantôme fit bouger toutes les fenêtres en même temps, trembler les poignées de porte et tomber les stylos sur le sol.

Rivette laissa faire mais il retint sa tasse qui s'approchait dangereusement du bord.

" Pour un fantôme, vous êtes très susceptible, ricana Rivette.

- Oui. Alors imaginez un zombie !

- N'importe quoi ! Quelqu'un a fait une erreur, c'est tout. "

Sous les yeux de Rivette se trouvait un rapport étrange, concernant un homme retrouvé assassiné chez lui. On l'avait égorgé, proprement.

La mort avait été rapide.

Non, ce qui était étrange...c'était les empreintes... Les services de police avaient relevé de nombreuses traces. L'assassin n'avait pas été prudent.

Et elles appartenaient à un homme mort depuis dix ans.

Rivette reposa le rapport violemment sur la table et répéta :

" N"importe quoi !"

" J'APPELLE PAPA LEGBA ET LE BARON SAMEDI ! LES IWAS !"

Mort, mort, mort... Maman Brigitte ?

Les Guédés sont là pour aider et protéger...mais si on les méprise..."

Blanc, tout est blanc et les danseurs sont habillés en blanc, et la prêtresse est habillée en blanc car le blanc est la couleur des esprits...

Le rituel est une danse..., la mambo danse et reçoit les offrandes, puis elle danse, elle danse, elle danse...

Mais qui pourrait le croire ?

" MAIS C'EST PAS POSSIBLE ! ILS FONT QUOI AU LABORATOIRE ?!"

Rivette fulminait. Un nouveau rapport devant lui.

Un assassin mort depuis dix ans. Le même que la dernière fois.

Encore un problème d'identification.

Mais devant lui, silencieux pour une fois et légèrement troublé, se tenait son collègue.

" QUOI ?, aboya Rivette.

- Quels sont les liens entre les deux victimes ?

- Aucun lien.

- Il faut chercher et il faut trouver ! Vite ! "

Rivette ne comprenait pas pourquoi son collègue semblait si inquiet.

Il le vit chatoyer dans la lumière du soleil avant de disparaître.

Quels liens ? Aucun lien.

Deux hommes qui travaillaient dans de grosses sociétés commerciales. Elles vendaient des matériels électriques pour l'un et agricoles pour l'autre. Aucun lien.

" Il y en a forcément un !, grogna la voix profonde de l'inspecteur à l'oreille de son collègue.

- Pas de maîtresse, pas d'ami commun, pas de loisirs, pas d'association, pas de...

- Un voyage ?

- Où donc ?

- Aux Antilles, par exemple."

Rivette regarda son collègue et promit de chercher.

" J'APPELLE PAPA LEGBA ET LE BARON SAMEDI ! LES IWAS !

Mort, mort, mort... Marinette !

Les Iwa peuvent être bons et protecteurs, mais il en existe de durs et de vicieux. Marinette Bwa Chech est une chouette, c'est un squelette ! Elle a sauvé son peuple de l'esclavage par sa magie..., elle peut punir les mauvais !"

Noir et rouge sang, tout est rouge, et les coqs noirs sont plumés vivants...

Le "dansé-Iwa" se fait au son des tambours et des chants, le fidèle entre en transe et mime l'ivresse.

Une danse et des incantations...pour obtenir la justice.

Mais qui pourrait le croire ?

" Bon !, admit Rivette, calmé. Ils ont fait tous les deux un voyage à Haïti. Mais cela remonte à deux ans. Pas dix ans. Et cela semble bien ancien pour se venger.

- Haïti ? Qui peut parler de leur voyage ?

- Mhmmm. Je vais chercher parmi leurs collègues.

- Oui, oui. Il faut faire vite.

- Mais pourquoi ?

- Parce que... parce que... parce que..."

Le policier fantôme disparut à nouveau. Et sa voix retentit, lointaine.

" Je ne suis pas de taille."

" Nos deux victimes étaient des salopards. Ils auraient mérité de finir en tôle, annonça Rivette.

- Qu'ont-ils fait ?

- Tourisme sexuel à Haïti avec des mineures.

- Des victimes ?

- Plusieurs. Mais à Haïti ! Il faudra des mois avant que la police nous transmette les dossiers !

- Et cela reviendrait à défendre des coupables...

- Il y a eu deux meurtres quand même !"

Trois.

Le troisième fut encore accompli par un mort vieux de dix ans.

Rivette se déplaça en personne dans le laboratoire pour expliquer à ces incompétents comment ils devaient travailler.

On lui montra les preuves. On haussa les épaules. On parla d'un phénomène inexplicable.

Et on le renvoya avec une claque dans le dos :

" Allez les mystères cela vous plaît à vous, Rivette ! Un de plus !"

" J'APPELLE PAPA LEGBA ET LE BARON SAMEDI ! LES IWAS !

Mort, mort, mort... Kalfu !

Kalfu surveille les carrefours, maître des esprits nocturnes, grand maître des charmes et des sortilèges... Il réveille les morts !"

Blanc et rouge, noir et blanc. Tous les fidèles se taisent lorsque Kalfu chevauche quelqu'un car l'Iwa parle par l'être qu'il possède. Ainsi, on sait !

Une danse et des prières...pour obtenir la justice.

Mais qui pourrait le croire ?

" Un voyage à Haïti lui aussi ! Aux Gonaïves, affirma Rivette, tenant dans ses mains le prospectus d'un voyage organisé auquel avaient participé les trois victimes deux ans auparavant.

- Vous savez ce qu'il faut pour faire un rituel vaudou, Rivette ?

- Les rituels vaudou n'existent pas, pas plus que les zombies !

- Un coq noir !

- Merde ! Cela n'existe pas !

- Il faut un vendeur de coq noir, vivant.

- Internet en fournit sûrement !

- Et des cochons noirs.

- Merde ! Merde ! Merde !

- Et pour créer des zombies, il faut de la tétrodotoxine. Mais pas dans une dose fatale. On utilise des grenouilles ou des poulpes pour s'en procurer. La victime semble morte à cause de l'empoisonnement mais en réalité, elle reste consciente. Puis, il faut une décoction de plantes contenant de l'atropine, comme le datura, et la victime renaît à la vie, elle est vivante mais en réalité, elle est conservée dans un état second grâce à des drogues. Devenant ainsi des zombies !

- Merde ! Un zombie ?

- Un faux-mort utilisé comme esclave !

- Comment vous savez cela ?"

Le policier se troubla et baissa les yeux.

" J'ai vécu deux cents ans...j'ai vu beaucoup de choses... Il y avait des zoos humains par le passé..."

L'enquête fut longue mais on découvrit.

Des vendeurs de datura, des vendeurs de tétrodotoxine, des vendeurs de cochons noirs, des vendeurs de coqs noirs... On recoupa et on recoupa.

On examina les voisins des victimes et on fit parler des témoins.

On avait bien remarqué ces voyageurs. La peau sombre et les habits si blancs.

On avait bien remarqué leur accent. Si poli, si gentil. Mais ils avaient avec eux un homme, certainement un handicapé mental. Pauvre homme.

On avait bien remarqué mais chacun a droit de vivre ainsi qu'il le souhaite.

Les associations aidaient ces malheureux migrants dont personne ne voulait.

On recoupa et on recoupa.

Lorsque la police entra dans l'immeuble délabré qu'ils occupaient avec d'autres migrants, pauvres et misérables, ce fut une étrange scène qu'ils découvrirent.

Une vieille femme était là.

Quelques fidèles, vêtus de blancs et au-milieu un homme, debout, vacillant, en catatonie.

On ne se défendit pas, on se laissa arrêter.

Mais la vieille femme sourit, elle leva simplement la main et indiqua le policier décédé.

Aussitôt, Rivette vit son collègue tomber à genoux.

L'inspecteur décédé se tordait de douleur et son chapeau tomba sur le sol, révélant ses longs cheveux grisonnants.

Rivette se jeta sur lui.

" PUTAIN ! Ca va ? Tu vas bien ?"

On vit l'inspecteur se jeter sur le néant et on fut estomaqué. Rivette perdait la tête.

La vieille femme sourit et lança :

" Toi qui sais la vérité ! Tu défends les mauvais ?

- Je...Je..., souffla le fantôme. Je suis pour la justice."

La femme cracha sur le sol avec mépris.

" Maudit ! Le Baron Samedi viendra te chercher un jour. Et tu seras son "zonbi".

- La...justice...vaut...mieux...que...la...vengeance !

- Et c'est à moi que tu dis ça ! MENTEUR !"

Puis la femme cessa son manège, se laissant entraîner par les policiers.

Rivette était toujours vers son collègue et paraissait inquiet.

Le fantôme respirait durement et il murmura :

" Je sais, je sais. Je me suis tué pour la justice... Je... Merde..."

Et il s'évanouit...dans l'ombre...

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