Des fesses toutes propres !

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C'était une triste affaire.

L'inspecteur Rivette ne l'aimait pas.

Il n'aimait pas voir un si petit corps sur la table d'autopsie. Ce n'était pas normal. Si tant était que se retrouver couché sur une table d'autopsie le soit...

" Une mort étrange..., murmura une voix bien connue à ses oreilles.

- Une mort affreuse," approuva Rivette.

Le jeune inspecteur était encore trop jeune justement. Il n'avait jamais connu cela.

La mort d'un nourrisson.

Surtout la mort criminelle.

Mais le vieil inspecteur l'avait déjà vu, lui, et s'avança près de la table, le visage blasé. Comme toujours.

" Entendez-vous Rivette ?

- Quoi ?"

Rivette avait aboyé le mot et ses yeux brillaient de tristesse et de colère.

Il n'entendait rien et ne voulait rien entendre.

Et pourtant...

Quelque part, un bébé pleurait. Il devait être changé.

L'inspecteur examina le corps de la malheureuse victime, il regarda la peau bleutée et les petits poings fermés.

" Eruptions cutanées, diarrhées, convulsions, coma..., énuméra l'imposant policier.

- Oui. On soupçonne un crime. Mais comment l'enfant est-il mort ?

- Il y a certainement une cause à ce décès, Rivette."

Quelque part, un bébé pleurait.

Sa mère se mit à le bercer, fredonnant une jolie chanson, tout en défaisant sa couche...

Rivette était tellement fâché.

Un enfant, si jeune, un nourrisson de quelques semaines. Qui aurait pu vouloir sa mort ?

Sa mère était sous antidépresseurs et on parlait de la placer en maison de santé le temps que les choses se tassent. Son père était en congé de maladie longue durée, n'ayant pas pu accepter la mort de son fils et la folie de sa femme.

Et les vilaines insinuations de tous et de toutes.

" Faites votre magie, inspecteur, grogna Rivette en parlant à son collègue.

- Je ne suis pas un magicien !, se défendit sèchement l'aîné.

- Alors dites-moi," plaida Rivette, les larmes brouillant sa vue.

La mère chantait et changeait son bébé.

Sur les conseils de sa propre mère, elle lavait les fesses avec soin, elle séchait et talcait...

" La mère est-elle morte, Rivette ?, demanda tout à coup l'inspecteur.

- Non, pas que je sache. Pourquoi ?"

Mais l'inspecteur ne répondit pas.

Il examinait encore le corps du nourrisson.

Puis, il se recula le visage sombre et asséna :

" Le talc contient un puissant bactéricide.

- QUOI ?"

Rivette n'en croyait pas ses oreilles.

Il dévisagea son collègue et le vit hausser les épaules.

" Faites analyser le talc, Rivette. Il s'agit de l'arme du crime. Une intoxication.

- Merde !"

Des fesses toutes propres, toutes sèches et couvertes de talc.

La mère avait fait ainsi. Comme sa mère le lui avait appris.

Rivette se précipita dans le couloir et annonça la nouvelle.

Les policiers et les médecins s'affolèrent. On analysa le talc.

La présence d'hexachlorophène fut reconnue. C'était un bactéricide puissant.

On chercha la provenance du talc.

Quelque part, la mère fredonnait sa chanson en berçant son bébé.

L'enfant ne pleurait plus.

Il était tout propre.

Dans la pièce glacée, resté seul, l'inspecteur baissa les yeux sur le cadavre, si petit et si horrible, étendu sur la table d'autopsie.

Puis il releva la tête.

Lui voyait.

Mais c'était normal, il était mort.

" Vous êtes donc morte, madame ?"

Rivette se démena.

On ne put prouver la culpabilité de personne.

Simple erreur de manipulation. On attaqua en justice le fabricant du talc.

Simple erreur de manipulation.

Qui coûta la vie d'un enfant et de sa mère.

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