Chapitre 6.1

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Les voisins des Semionov s’étonnèrent de nous voir débarquer chez eux sans avertissement, mais, bien sûr, ils avaient connaissance du passage secret, donc ils se montrèrent vite coopérants et nous laissèrent traverser leur appartement sans faire d’esclandre. Pour éviter des désagréments diplomatiques, Hobbs nous avait donné comme règle d’engagement de ne laisser aucun mort derrière nous, comme si on avait besoin d’un handicap supplémentaire.

J’avais sur moi un 9 mm, mes couteaux et une matraque télescopique. Je me sentais un peu pris au dépourvu. Je regrettais de ne pas avoir fait le détour par la planque, j’aurais été mieux équipé, mais on aurait été dans la panade bien plus tôt. Le Bleu avait un lance pierre à son poignet, s’il savait s’en servir, ça nous faisait une seule arme à longue portée, potentiellement non létale et silencieuse. Même si c’était pas grand chose, ça restait mieux que rien. Si les russes n’avaient pas intervenu plus tôt, c’est qu’ils avaient pris le temps de se déployer avant de se présenter chez les Semionov. Mais surtout, ça voulait dire qu’on ne pouvait pas rester cacher ici à attendre que la menace passe, ils finiraient par fouiller partout. Semionov nous avait donné une courte longueur d’avance, il ne tenait qu’à nous d’en faire bon usage.

Je suis resté en première ligne pour sortir de l’appartement des voisins. Je ne voulais pas présumer de la présence des militaires. J’ai contrôlé le couloir. S’il y avait un troufion qui gardait la place, je préférais le savoir avant de nous jeter dans la gueule du loup. Dans notre situation, on n’avait pas vraiment d’échappatoire, si on se faisait repérer, on aurait été vite débordé. Par chance, nos poursuivants n’avaient pas étendu leur filet jusqu’ici. On avançait prudemment en vérifiant que la voie était libre et, comme l’immeuble était vide, on a pu progresser librement.

Il n’y avait personne non plus devant les portes du rez-de-chaussée. On était tranquille dans ce hall, mais on savait très bien que ça ne durerait pas. On allait devoir se jeter dans le grand bain et, alors, on n’avait pas d’autre plan que de courir le plus vite possible pour tenter de trouver un abris plus sûr, voire d’arriver à la planque. On pouvait épier l’extérieur de l’immeuble et il y avait six militaires de chaque côté qui se concentraient surtout sur l’autre hall. Ça nous laissait un petit angle mort dans lequel se glissait.

J’avais eu tord de douter des intentions de Semionov. Il faisait vraiment des efforts pour qu’on s’en sorte : il avait du manipuler les militaires avec efficacité puisqu’il n’en restait plus que trois devant chaque porte. Ça allait faciliter notre sortie. J’ai toisé l’étudiante en me demandant pourquoi elle portait des vêtements aussi clairs, mais puisqu’elle était là et qu’elle connaissait le quartier mieux que nous, je lui ai demandée si elle connaissait un chemin sûr pour nous diriger vers la planque. Le Bleu me montra qu’il avait armé son lance pierre avec deux billes d’acier et m’expliqua qu’il n’était pas assez précis pour en lancer trois simultanément. Je devais donc m’occuper de l’un d’entre eux. Des galets servaient de décoration à l’entrée de l’immeuble. J’en choisissais un ni trop léger, pour que son impact ait une force suffisante pour étourdir, ni trop lourd, pour que je puisse l’envoyer assez loin avec précision. J’ai pris quelques galets en plus, un par poche, pour éviter qu’ils ne tintent entre eux pendant que l’on fuirait. Puis on est sorti ensemble : l’étudiante est partie en courant pour s’éloigner des militaires qui faisaient le guet, je lançais mon galet vers le planton le plus proche. Les projectiles du Bleu iraient plus vite, donc il a attendu avant de décocher ses billes avec précision puisque les trois militaires tombèrent en même temps. On fila sans plus attendre et on avait rattrapé l’étudiante avant d’atteindre le coin de l’immeuble. Elle nous donnait les directions à suivre et on restait dans des rues relativement petites mais surtout vides. Cependant, on restait des ombres mouvantes qui se détachaient un peu trop dans l’obscurité et on deviendrait des cibles évidentes dès que l’on rencontrerait une équipe.

On était arrivé au bord d’une large artère et à l’orée de l’université. À notre droite ainsi qu’à notre gauche, il y avait ces groupes qui surveillaient la ville pendant le couvre feu et on entendait derrière nous des poursuivants encore à une bonne distance mais qui se rapprochaient au pas de course. L’équipe qui s’était rendu chez Semionov avait fini par réagir. Le bâtiment devant nous était entouré d’une large pelouse, donc pour y arriver on serait complètement à découvert sur une centaine de mètre. Le Bleu avait pris une bonne initiative, puisqu’il venait d’envoyer une bille de chaque côté, selon des trajectoires hautes, si bien qu’elles dépassaient les deux groupes avant de retomber. Comme il avait visé des surfaces métalliques, le bruit qu’elles firent était suffisant pour créer une diversion qui serait de courte durée. On s’élança immédiatement après. Le Bleu aidait l’étudiante comme il pouvait pour la faire courir le plus vite possible.

On n’avait pas encore parcouru la moitié du chemin qu’on s’était déjà fait remarquer. On nous criait de nous arrêter sur le champ. Les russes étaient plus civilisés que dans nos clichés. Je ne m’attendais pas à ce qu’il y ait une sommation avant de nous tirer dessus. Quand les coups de feu débutèrent, il nous restait une quarantaine de mètres à parcourir. Quelques balles sifflèrent à mes oreilles, pour autant, j’arrivais indemne devant l’entrée de l’université. Machinalement, je cherchais la tige de titane dans ma nuque, mais je n’y trouvais rien. Je me suis souvenu que je n’avais pas eu le temps de la remplacer. J’ai maudit les départs précipités. J’ai ouvert la porte d’un coup de talon sur la serrure, mais il n’y avait plus moyen de la refermer derrière nous pour retarder nos poursuivants. J’étais au début d’un long et large couloir rectiligne, avec une rangée de salle de cours de chaque côté. Il n’y avait pas vraiment de quoi se cacher, plutôt de quoi servir de cible. J’espérais que l’idée de l’étudiante n’était pas de nous faire traverser le bâtiment. Quand on sortirait de l’autre côté, il y aurait un commité d’accueil.

Je me suis retourné et j’ai lancé deux galets au juger vers les silhouettes qui se précipitaient vers nous. C’était plutôt pourri comme tir de barrage. Je n’ai pas eu le loisir de regarder si j’avais fait mouche, Le Bleu venait de débouler en tirant la jeune femme par la main. Ils n’étaient pas blessés. Elle a désigné une porte au milieu du couloir. Le Bleu l’a crochetée en un tournemain, découvrant un escalier qui menait vers le sous-sol. Notre avance n’était pas suffisante : un militaire entrait à l’instant dans l’université et il avait vu par où on s’enfuyait. Pendant que j’emboîtais le pas à l’étudiante, Le Bleu avait décoché une de ses billes et il prit le temps de refermer la serrure derrière nous sans que j’ai eu à le lui demander. La jeune femme me désignait une porte. Je sortais une tige de titane d’une de mes chevilles cette fois-ci et, à mon tour, je faisais montre de mes talents de crocheteur. Le Bleu arrivait à point nommé et je refermais derrière lui. Cette fois, on avait réussi à disparaître sans être vu, les russes mettraient un peu de temps pour trouver la bonne porte. Mais je ne savais pas si on venait de gagner du répit avant d’être découvert ou de l’avance pour fuir.

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