I - Au-delà du vide - 7/9

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 Sous le Flutârd, et malgré les bourrasques violentes, l'habile David et son Biplan rentrent seuls avec la nuit. Il raconte son excursion de plusieurs heures :

 " J'ai foncé, puis j'ai croisé à l'est un ballon-thermal, prés des récifs. Il était gigantesque, gros comme un quart du béhémoth et sûrement remplit d'une bonne part des noblesses impériales en villégiature. J'étais du côté des récifs — Le Goliath, c'est le nom du dirigeable — était déjà au-dessus des plaines minières, espérant dissuader le béhémoth de le suivre sur les terres. C'était une idée vaine. Je n'aime pas trop les privilégiés de l'empire, ces nantis qui parasite sans travailler, mais c'est moche, même eux ne mérite pas ça...

 Ce fut un massacre, j'avais à peine fatigué le béhémoth avec ces quelques heures de vol. Dès qu'on est sortie des masses nuageuses, il a foncé sur eux. Je ne sais pas s'il a pris le ballon pour un rival ou un partenaire. Il a joué avec eux, ils se sont défendus, et je ne crois pas qu'il ai senti la moindre agression de son côté... Devant les avaries du Goliath, les pertes d'hélium et d'hydrogène, ils ont vidé les piscines et les bassins. Ils sont remontés en flèche, mais cela à achevé l'armature, le tout s'est effondré comme un château de cartes. Les éléments lourds ; les machines, les chaudières ont chuté en crevant planchers et niveaux.

 C'était un ruissellement d'eau, de feu, de vapeur et de braises, tandis que la fumée et quelques modules ayant par miracle un ballon encore intact se sont mis à monter. Un fracas et un désordre métallique a formé des ruines dans les crevasses de la houille. Le béhémoth, c'est aussitôt désintéressé d'eux, j'ai fuis avant de demander mon reste...

 Quelques-uns survivront peut-être, suspendus par les modules-ballons, si ces derniers n'emportent pas leur portion de structure, leur radeau céleste, trop haut, là où le froid endort et l'air, trop pauvre, asphyxie... "

 Devant ce récit, un des bardes du Flutârd joue pour les âmes perdus, d'autres chantent. La mélopée s'achève, les chuchotements du vent s'entendent, discrets. Les nuages se dissipent, la voûte étoilée se dévoile. L'enthousiasme gagne les aérostiers, hélas les éclairs découpe une forme menaçante sur leur itinéraire. C'est une tour nuageuse, presque sans fin, s'enracinant sous l'horizon et s'érigeant aux hauteurs où l'on ne respire plus. La colone tourne tel un ouragan, massive comme un astre, elle attire et happe les plus gros cumulo-nimbus en les étirant comme se fil le coton.

  Nul moyen de lui échapper, il faudra la traverser. Le pont devient désert, seul une petite casemate avec hublots se trouve occupé ; un observateur reste pour s'assurer de l'état du pont et des cordages. On harnache, on attache, on range plus encore. On se ceinture à de solides chaînes à l'intérieur, on s'agrippe aux mobiliers encastrés. Les forces de la nature font scintiller de leurs éclairs incessants la masse noire d'une tempête toujours plus proche. À bord du Flutârd, c'est la même préparation, mais on joue pour couvrir les hurlements du vent. Sur L'Escapade, point de subterfuge face à l'angoisse : on subit.

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