Message non crypté

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A la vue du délicieux rumsteak entouré de ses petits champignons rissolés, Vilem regretta d’avoir commandé l’assiette du fermier slovaque où se faisaient face du lard, des fromages possiblement reconstitués et un saucisson décidément trop gras.

— Je suis jaloux de ton plat, admit Vilem.

— On peut partager si tu veux. Tu n’aimes pas l’assiette du fermier ? Des problèmes avec la campagne ? demanda Marianna, ironique.

— Comment as-tu deviné ? En tant que bon pragois, je déteste la campagne, c’est sûr, fit Vilem, sur le même ton.

— Vous êtes tous les mêmes, vous, les citadins des grandes villes !

— Je plaisante, mais je crois que j’aime encore la viande rouge même si j’ai peu l’occasion d’y goûter.

— Je ne sais pas comment ils arrivent à obtenir de tels prix ici.

— La contrebande est efficace, répondit Vilem, en avalant une tranche de saucisson. En fin de compte, je n’ai aucun regret, j’adore le porc et je pense que ce n’est pas encore aujourd’hui que je vais devenir végétarien.

— Au moins, tu es honnête mais raconte-moi plutôt. Ca y est, le renouveau est arrivé à Prague ?

— Ce n’est pas gagné, lança Vilem, pessimiste.

— Mais le gouvernement est tombé et le parti communiste affaibli, non ?

— Le gouvernement est tombé certes et le parti communiste a subi un sérieux revers mais l’arène est libre et beaucoup ont les dents longues.

— Comme le Nouveau Parti ? On entend tout et n’importe quoi sur eux.

— Le Nouveau Parti est intéressant dans sa dynamique sociale et sa jeunesse. Et nous comptons bien organiser quelque chose en commun, très bientôt.

— Dis m’en plus, arrête de garder les choses pour toi.

— Mais je ne garde rien, c’est juste qu’il n’y a encore rien de fixé, je compte faire bouger les choses avec les forces de contre-pouvoir. Mais Marianna, j’attends de toi des explications sur ce complot dont tu as entendu parler, c’est capital !

Marianna le regarda droit dans les yeux.

— Je crois que vous n’êtes pas les seuls. D’après mes contacts, il y a tout lieu de croire que la même chose se prépare ici. La seule différence, c’est que nous ne sommes pas aussi mobilisés et que…

Le portable de Vilem vibra et le fit sursauter. Marianna le regardait d’un air interrogateur.

— Je suis désolé, je dois voir ce que c’est.

— Je t’en prie, fit Marianna d’un geste de la main tout en buvant une gorgée de son verre de vin.

Le texto venait de Vlad. Vilem avait un mauvais pressentiment. Pourquoi Vlad lui écrivait-il à cette heure-ci ? Et pourquoi ne pas avoir utilisé le PGP ?

— Attends-moi deux minutes, je vais aux toilettes, dit Vilem, se levant brusquement.

— Tout va bien ? Marianna semblait soudainement inquiète.

— Oui, je reviens.

Marianna le regarda quitter la table, interdite. La serveuse lui indiqua les toilettes au fond du bar, dans le sous-sol. Vilem préféra attendre de se retrouver devant l’urinoir pour lire le message. Mais alors qu’il pensait se libérer de la bière dont il avait abusée ce soir, le monde s’effondra sous ses pieds. Le message qu’il lut l’envoya dans les ténèbres, le déroba de toute son énergie. Le miroir en face de lui, témoin incongru de l’événement, ne lui renvoya que son visage meurtri, empli d’incompréhension. Sa moelle épinière était devenue froide, lui glaçant l’ensemble du corps. Jamais il n’avait pensé à cette éventualité et il regrettait déjà les réflexions qu’il avait eues ces derniers jours. Le message était collé à son esprit et ne pouvait s’en détacher. Il était, écrit, transmis et archivé dans son téléphone.

Lubor a été assassiné hier soir, mes condoléances, pensées, Vlad.

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