Le lendemain matin, Marianna, fébrile, accompagna Vilem devant le kiosque pour acheter l’ensemble des journaux tchèques et slovaques. Ils s’attablèrent à un café et lurent avec une certaine nervosité les premiers gros titres.

Scandale sans pareil dans le gouvernement tchèque, un putsch désamorcé.

Véritable hécatombe dans notre sphère politique.

Trahison, ils devront payer.

Traitres de la Nation, nous voulons la liste !

Les gros titres étaient sans équivoque. La consternation médiatique était totale et beaucoup de journalistes appelaient à une purification plus massive encore des classes dirigeantes. Le ton était donné. Sur internet, la presse étrangère relayait l’information de manière inégale. Les quotidiens européens, selon l’affinité, avaient fait plusieurs pages sur les révélations, glorifiant l’acte et en appelant à plus de transparence dans leurs propres pays pour repérer ce genre de dérives. D’autres relataient l’évènement comme une chose mineure, justifiant son impact en République Tchèque par le contexte délétère du moment. Bref, passons à autre chose, sous-entendaient-ils. A aucun moment, les noms des personnes impliqués n’avaient été révélées. Comme il avait été admis avec Karol et Martin, les noms ne seraient communiqués qu’aux services de police en vue de leurs arrestations et de leurs mises en examen. Les deux journalistes avaient fait un travail admirable, efficace et professionnel.

Le portable de Vilem restait muet. Pourquoi Vlad ne l’appelait-il pas ? Les messages qu’il avait envoyés via le PGP étaient également restés sans réponse. Les mots de Svetna lui revinrent en tête.

« Tu es bien naïf. Lubor a toujours souhaité le pouvoir suprême depuis qu’il s’est engagé en politique »

« C’était un pain béni pour lui et tu représentais la personne idéale pour faire advenir son projet. »

Comment Vilem pouvait-il faire confiance à la parole d’une infiltrée sans scrupule ? Mais elle avait pourtant prédit la chute d’Evzen. Et il est vrai que le comportement de Lubor dans cette affaire était plus que suspect. La façon dont il l’avait trouvé dans la rue était déjà fortement étrange. Vilem était alors faible, sans logement et influençable. Lubor lui avait promis une mission d’envergure et lui avait fourni un appartement. L’hypothèse du kidnapping n’avait probablement pas été écartée par Lubor et la disparition de la carte SD qu’il détenait la veille de son enlèvement étayait cette théorie. Puis, Lubor avait pu organiser l’exil de Vilem pour pouvoir agir en toute quiétude maintenant que ses concurrents directs étaient tombés.