Marianna

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La belle ville des Carpates se réveillait au petit matin sous un soleil discret, transparaissant à travers les nuages disparates du ciel slovaque. Le grand Danube, qui entrait dans la ville par l’Ouest, amenait comme à son habitude son lot d’humidité au-dessus de la jolie ville médiévale. Le monde se mettait en mouvement dès l’aube, les boulangers ouvraient leurs commerces avant l’apparition de la clarté, les stands de commerçants de rue s’érigeaient dans les lieux fréquentés et les quais voyaient s’installer les premières terrasses des restaurants. Dans d’autres quartiers, les habitants ramassaient les déchets laissés par le fleuve la veille pour pouvoir y étendre leur linge. Aujourd’hui n’était pas si différent des autres jours. La vie continuait sans éclat dans la belle ville de Bratislava.

Vilem avait rencontré assez fortuitement Marianna, une journaliste indépendante slovaque dont il avait accepté la demande d’interview. Mariana écrivait pour plusieurs quotidiens et tenait un blog personnel qui publiait ses articles de société et sa passion pour la peinture. De la même manière que la République Tchèque avait aidé sa petite sœur slovaque à transformer son modèle suite à la chute du bloc communiste, Vilem pensait qu’il était bon de partager le maximum d’informations avec ses homologues slovaques sur les événements qui avaient lieu dans son pays natal. Elle lui avait proposé un entretien dans le Greenteecafé, un café situé sur la Venturskà, une rue piétonne qui traversait le vieux centre de Bratislava où se concentraient restaurants, bars et boutiques d’artisanat. Cette longue rue, qui traversait du Nord au Sud la vieille ville slovaque, était étroite mais ouverte, les bâtiments étaient beaucoup moins hauts qu’à Prague, d’architecture plus sobre et on s’y sentait plus à l’aise. En point de mire, on voyait s’ériger la Michalska brana, la porte St Michel, une tour baroque pointue qui était la seule porte encore existante des remparts de la ville. Vilem franchit la devanture verte du Greenteecafé qui faisait penser à ces boutiques de candies anglais dans lesquelles la multitude de couleurs exposées imposait l’arrêt. Il fut accueilli par une jeune brune aux cheveux ondulés qui lui fit un signe discret au fond de la salle. Elle était assise dans une petite alcôve où deux banquettes d’un vert pâle se faisaient face.

— Marianna Kovacova, enchanté.

Elle lui tendit une main assurée.

— Vilem Dvoracek, de même.

Elle devait avoir une trentaine d’années, le visage allongé, percé par deux yeux noisette pétillants et une frange éclaircie sur le front. Elle portait un chemisier à boutons et une jupe noire descendant jusqu’aux genoux.

— Est-ce que cela vous dérange que je branche un dictaphone ? demanda-elle, en sortant un petit appareil noire pas plus gros qu’une clé USB.

— Non, allez-y, mais je vous fais confiance pour couper mes bégaiements dans la retranscription, ironisa Vilem.

— Oui bien sûr, sourit-elle.

La serveuse apporta une bière pour Vilem et un thé glacé pour la jeune journaliste. Marianna semblait quelque peu nerveuse et commença l’interview sans même proposer d’introduction. Vilem ne lui en tint pas rigueur. Après s’être attardé sur le parcours de Vilem, Marianna souleva le problème d’institutions des pays d’Europe centrale et fit une large séquence sur la crise énergétique de ces Etats et les comparaisons entre les deux pays voisins. L’entretien dura moins d’une heure, Marianna maîtrisait bien son sujet et ses questions étaient concises et précises. Elle relâcha un petit soupir de soulagement discret lorsqu’elle éteignit le dictaphone.

— Je vous remercie Vilem, votre interview était riche d’enseignements, fit-elle en éteignant en souriant.

Elle avait l’air satisfaite de son interview, son sourire semblait sincère et mettait en valeur sa chevelure brune.

— C’était un plaisir. Maintenant, nous pouvons peut-être nous tutoyer, je ne suis pas à l’aise avec le vouvoiement.

— Bien sûr, fit Marianna.

— Tu es bien consciente que tu prends des risques en m’interviewant ? demanda Vilem, assez direct. D’ailleurs, je souhaite te donner mon aval avant la publication de l’interview. J’aimerais retourner à Prague avant cela.

Marianna prit un air plus grave et acquiesça.

— Oui, je comprends. J’attendrai ton retour.

— Pourquoi prendre tous ces risques d’ailleurs ?

— Pour la liberté. J’ai trop souffert de voir mes parents vivre dans un monde verrouillé. Si je devais sélectionner mes sujets pour ne pas prendre de risques, je ne ferais pas ce métier.

— Alors, nous nous rejoignons sur cela, fit Vilem.

— Si je peux être indiscrète, pourquoi être venu à Bratislava ?

— Je suis venu voir par moi-même la situation du pays, j’ai l’idée de faire un article sur la relation énergétique entre nos deux pays.

Vilem s’en voulait de mentir à une collègue visiblement plein de bonne volonté mais la situation l’exigeait. Il aurait tout le temps de la tenir au courant une fois l’orage passé. D’ailleurs, Marianna ne parut pas convaincue par la réponse mais continua dans son sens.

— Je peux t’avoir des contacts dans ce domaine, proposa-t-elle.

— Ce sera avec plaisir, tu peux m’envoyer tout ça par e-mail, lui suggéra Vilem, sans s’étendre plus. Sur ce, je dois te laisser.

— Merci de t’être déplacé et passe un bon séjour à Bratislava.

— Je te remercie, bonne continuation à toi.

Vilem se leva, salua Marianna et sortit.

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