Départ

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On frappa à sa porte. Vilem prit son temps pour sortir de son lit, enfila ses chaussons et démarra sa petite cafetière. On frappa avec plus d’intensité. Avant d’ouvrir, Vilem lança le Nocturne de Chopin sur son PC, histoire d’adoucir un peu la situation. La cafetière se mit à frémir, Vilem la sortit du feu pour se servir un café noir. On frappa une troisième fois, plus fort encore. Cette fois-ci, Vilem alla ouvrir et tomba sur un homme jeune vêtu d’un costume noir avec une chemise blanche, son visage était quelconque, sans expression et d’une banalité affligeante.

— Monsieur Dvoracek, considérant votre incapacité à régler vos loyers au propriétaire des lieux, je viens vous annoncer que nous saisissons votre mobilier et tout bien vous appartenant dans cet appartement. De plus, je vous demanderai de quitter les lieux sur le champ, la société de déménagement arrive dans moins d’une heure et ce en vertu de la loi…

Mais déjà Vilem n’écoutait plus. Il semblait emporté par les mélodies du piano de Chopin. Les paroles de l’huissier étaient dès lors absorbées par la pensée virevoltante de Vilem. Les déménageurs débarquèrent plus vite que prévu et emballèrent méthodiquement les meubles de l’appartement. Vilem était assis posément dans le fauteuil dans lequel il avait passé tant de temps à écrire. Les injonctions de ces hommes n’étaient que des bruits indicibles et vulgaires. Ils tentaient de communiquer avec Vilem sans succès. Chaque meuble qu’ils subtilisaient devant Vilem semblait tellement dérisoire qu’il en sourit. L’appartement fut dérobé en quelques minutes et Vilem dut se lever de son fauteuil pour qu’on le prenne aussi. A la fin de ce pillage organisé et lorsque Vilem ferma son PC et la merveilleuse mélodie de Chopin qui se déroulait, l’huissier vint le voir.

— Monsieur, veuillez signer ce papier attestant votre départ de l’appartement.

— C’est trop d’honneur, annonça Vilem, tout en signant le papier.

— Dites-moi honnêtement, êtes-vous fier du métier que vous faites ? enchaîna Vilem.

— Monsieur, je suis navré de ce qu’il vous arrive mais c’est la loi.

— La loi, oui, épargnez moi ça. Je ne dormirais pas tranquille si j’étais vous. Vous nourrissez votre famille en éjectant des gens dans la rue, lui balança Vilem

L’homme ne répondit pas et sortit, son attaché-case sous le bras.

Le sac à dos de Vilem était prêt, trop rempli peut-être mais qu’importe. Il fit un dernier adieu à son appartement, ce lieu chéri dans lequel il avait passé cinq années. Cinq années à recevoir ses amis, ses copines, à écrire, à rêver par sa fenêtre, à pleurer lorsque les moments de nostalgie le surprenaient et surtout ces derniers moments délicieux qu’il avait passé avec Johanna. Il était désormais misérable, sur cette petite place, sans parapluie, sans endroit où aller, tout cela était allé trop vite. Il était devenu un clochard avec des bouquins de Nieztche, Thoreau, Kant dans son escarcelle. Est-ce que cela avait du sens ? La pluie se fit encore plus drue et il s’abrita sous le porche d’un bâtiment bourgeois. Il posa son sac à dos et regarda la pluie tomber.

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