I

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Dimanche.

Que fait-on à Alger un dimanche ?

Dans le petit matin gris, je tourne et retourne dans le brouillard de ma conscience qui s'éveille toutes les questions qui demeurent en suspens, tant sur nos missions pour Flexiprospect que sur la vie dans mon nouveau pays d'accueil ou sur ma vie.

Et sur Béatrice.

De derrière le paravent me parvient le souffle régulier de ma voisine de lit et je repense aux événements de la nuit. À notre étreinte, surtout. Je rougis encore au souvenir de mes lèvres inopportunes sur la peau de son cou. A ce souvenir, mes lèvres palpitent et me brûlent à nouveau tandis qu'une vague de dégoût monte en moi, provoquée par Jeanne, en moi, qui s'indigne contre mon désir naissant.

J'entends d'ailleurs Béatrice qui s'agite et j'ai une pensée coupable pour cette femme dont j'ai bouleversé l'existence et, désormais, les nuits.

Tandis qu'elle se lève, je reste immobile et ne dis rien, faisant semblant de dormir pour ne plus m'imposer à elle.

Pour la voir à son insu.

A nouveau, dans la grisaille du petit jour qui filtre à travers les lourds rideaux opaques, je la regarde passer devant moi avec un frisson de délectation fantastique : son pas léger et sa chemise de nuit de soie blanche en fond une vision fantomatique dans la pénombre et, malgré moi, je devine des formes bien vivantes qui captivent mon attention et raniment un feu brûlant à l'intérieur de moi, corps et esprit mêlés dans une lutte fratricide entre Éros et Thanatos.

Mes yeux se ferment avec le verrou et tandis que l'eau coule, je tente de faire le point.

Impossible.

Mes sentiments et mes idées sont un imbroglio qui tient davantage du sable mouvant que de la tempête sous un crâne : plus je m'y débats et plus je m'enfonce, tout entier écrasé et paralysé par la masse visqueuse qui m'aspire vers l'abîme.

Du coup, je repense à mon cauchemar, qui a le mérite d'être bien plus cristallin. Univoque, même ; manichéen. Le monde est à l'agonie ; l'humanité est responsable ; il faut faire quelque chose. On n'a pas le choix.

Changer ou mourir.

Bon, je le reconnais volontiers : toute l'humanité ne disparaîtra probablement pas, mais est-ce acceptable de tolérer que notre espèce soit réduite à quelques poches d'opulence tyrannique sur un manteau en lambeaux d'hommes, de femmes et d'enfants loqueteux et ravagés par la pollution et le manque ?

Évidemment que non.

Mais que faire ?

Nourri par la culture Marvel, je confronte mes nouvelles capacités au statut de superhéros. Suis-je de taille ?

Faisant la synthèse de mes récents talents, je m'imagine dans l'esprit d'une souris faisant pousser des pâquerettes sur les trottoirs et intimant par la seule force de ma volonté à tous ceux que je croise d'être gentils...

- Pourquoi tu souris ?

La voix de Béatrice me tire de ma rêverie absurde.

- Rien, dis-je en pouffant. Je m'imaginais juste en petite souris...

Bien sûr, je me rends compte de la portée éventuelle de mes mots après les avoir laissés s'échapper.

Elle me regarde avec circonspection et je rougis sous l'examen.

- Pas... pas pour t'espionner, hein ! je balbutie, horrifié. C'est juste un délire qui m'a traversé la tête comme ça !

Une excuse, une idée, une histoire ! N'importe quoi !

- C'est d'être en pays étranger qui me perturbe. Je me demande comment sont les gens d'ici et je me disais que, si ça se trouve, ils sont différents chez eux de ce qu'on voit dehors. D'où l'idée d'une petite souris pour les regarder !

Bof.

Pas très convaincant.

- Tu veux faire quoi, aujourd'hui ?

Béatrice accepte mes explications ou bien se résigne à ce que je sois bizarre. Toujours est-il qu'on continue pour l'instant l'aventure ensemble et qu'il va falloir que je me surveille !

- J'irais bien voir les nouveaux locaux et me promener au mémorial des Martyrs et dans les jardins du Hamma, je propose.

En effet, le monument m'a impressionné, les jardins ont piqué ma curiosité et, je dois bien l'admettre, je me suis pris au jeu de mes nouvelles responsabilités et il me tarde de me projeter plus concrètement dans nos missions.

- Super ! Justement, ça me disait bien ! J'avais aussi envie de faire un plongeon à la piscine. C'est à cause de la chaleur et de toute cette poussière qui balaie les rues !

- J'acquiesce, jusqu'à la mention de la fosse froide et liquide.

- Oh ! Je suis stupide, pardon ! J'avais oublié que tu as peur de l'eau ! Désolée !

Manifestement, ma grimace d'horreur effrayée devait être éloquente.

- Tu peux aller nager si tu veux ! Ne t'en fais pas pour moi ! Il y a tant à découvrir que je saurai m'occuper !

- T'es sûr ? se soucie-t-elle avec une moue coupable qui me fait sourire.

- Mais oui ! Je t'assure !

Elle opine du chef et regagne son alcôve derrière le paravent. J'en profite pour remarquer qu'elle a changé de tenue, optant pour une robe longue légère aux motifs fleuris bleus sur fond blanc. Très champêtre.

M'ébrouant intérieurement pour quitter cette pente glissante de ma pensée, je me lève à mon tour et me hâte de me préparer.

Puis nous descendons prendre notre petit-déjeuner au milieu des touristes et des hommes et femmes d'affaire dans une ambiance feutrée à cette heure-là.

Dehors, nous n'avons pas de mal à héler un taxi, d'autant plus que nous avons retenu la leçon et que Béatrice reste en retrait. Cela dit, cette solution me laisse un goût désagréable et ambigu, le primate se réjouissant d'occuper la branche la plus haute, l'humain s'accusant de complicité d'humiliation envers les femmes.

Mais soit : à Alger, faisons comme les algérois...

Contrepoint à mon machisme forcé, j'ouvre et tiens la porte à ma compagne.

Tout en comprenant soudain à quel point ma position est inextricable : toute galanterie est une marque de différenciation hiérarchique qui place faussement la femme sur un piédestal pour mieux en accuser des faiblesses naturelles ou le caractère domesticable, et toute indifférence sexuelle passerait pour goujaterie et risquerait fort de me valoir l'hostilité.

Pas simple de ne pas être macho.

Dans la voiture qui nous conduit vers notre nouveau lieu de travail, elle et moi gardons le silence.

Il faut dire que le chauffeur fait la conversation pour trois dans un mélange indigeste de français et d'arabe qui nous donne le sentiment de n'être pas à notre place, et ce malgré les relances qu'il nous laisse parfois grogner au milieu de ses salamalecs.

Tiens ? Ce mot qui m'est venu spontanément m'interpelle soudain. Il a l'air arabe et je me demande brusquement pourquoi on leur a emprunté.

Pianotant sur mon portable, j'en recherche la signification : mot familier signifiant des politesses exagérées et hypocrites en français, il est l'abréviation de « ās-salām ʿalaykum » qui signifie pourtant en arabe de respectueux souhaits de paix pour celui à qui on l'adresse. Intrigué, je pousse mes recherches en partageant mes conclusions avec Béatrice. De « salamalecs », je passe à « ramdam », déformation du mois sacré de ramadan chez les musulmans, mois de fraternité et de liesse dont le français pervertit le fond et la forme en ne gardant que vaguement la forme et en se focalisant sur le tapage insupportable que ça occasionne. Puis je pense au souk, ce marché arabe très populaire synonyme chez nous de désordre, aux zouaves, ces héros de guerre devenus des andouilles dans le langage populaire.

Je professe donc sans le vouloir des idées, des mots du racisme. Le français est une langue signifiante qui méprise l'étranger.

Il va falloir que je me surveille...

Et c'est sur cette réflexion anxiogène que nous quittons le taxi – que je règle – et que nous découvrons le bâtiment : parallélépipède rectangle de trois étages, tout de verre et béton peint en blanc, l'immeuble et neuf mais sans aucune originalité ni élégance. Il jouxte des dizaines de ses semblables dans la zone industrielle de Dar el Beida, on loin de l'aéroport. Le ciel sur nos têtes est d'ailleurs grillagé de traces blanches.

C'est moche.

Nous échangeons nos premières impressions, raccords, et pénétrons dans l'édifice grâce au gardien qui contrôle notre identité avant de nous remettre à chacun un jeu de clefs. Puis, taciturne, il nous laisse faire le tour du propriétaire et s'en retourne à ses écrans de surveillance.

Intimidés, nous chuchotons d'abord dans le bâtiment vide avant, pièce après pièce, de nous projeter peu à peu plus bruyamment dans l'installation : en sous-sol les locaux techniques, une salle de réunion, des salles de repos et plusieurs vestiaires pour le personnel, à chaque étage un grand open-space de cinq-cents box, des toilettes et un bureau de direction.

Tout me semble froid.

Fonctionnel.

Mais froid.

Demain, les livraisons de matériel vont commencer puisque nous sommes désormais là pour les superviser. D'abord, il est prévu de recevoir et installer les serveurs informatiques et le parc des ordinateurs. Cela devrait déjà occasionner beaucoup d'animation sur l'ensemble de la semaine, générant un stress important car notre mission, puisque nous l'avons acceptée, sera pour nous de surmonter le défi improbable de cinq-cents recrutements par semaine tout en nous assurant de la bonne marche de l'installation et de la sécurisation des lieux.

Il serait en effet inacceptable qu'on nous cambriole.

Rorgal et Fauvel ne nous le pardonneraient pas et ce serait la fin de l'aventure.

Béatrice et moi décidons d'allouer une part supplémentaire de notre budget à l'emploi de renforts pour le gardien, dont nous prévoyons de vérifier le dossier, par prudence.

A peine cette décision prise, je me sens amer de me retrouver dans cette positon de juge et partie, surtout au profit de cette entreprise que je méprise.

En sous-sol, devant les différentes salles de repos qui impliquent une séparation des employés, je propose à Béatrice de mixer le personnel mais de diversifier les fonctions des salles, allouant l'une au repos, l'autre au divertissement et la troisième aux repas. Elle accepte, emballée par l'idée que femmes et hommes se mélangent en dépit de leur statut de directeur, d'employé ou de personnel technique ou d'entretien.

- Tu crois qu'il faudrait réserver une salle pour la prière ?

La question de Béatrice me prend au dépourvu.

- Je ne sais pas. En France, par souci de laïcité, on ne pratique pas sa religion en entreprise, et je n'y suis pas favorable...

- Je crois que de plus en plus d'entreprises prévoient une salle spéciale pour ça, me contredit ma collègue. En tout cas, dans d'autres pays, ça se fait. On pourrait peut-être demander son avis à Tariq ?

Tout en faisant cette proposition, elle se détourne de moi pour observer un détail ou un autre dans le blanc des murs blancs.

- En fait, ajoute-t-elle juste après, je me dis que nous pourrions peut-être employer Tariq comme conseiller pour bien démarrer le recrutement et pour nous aider justement à trancher ce type de question... Qu'en dis-tu ?

Je profite qu'elle me tourne toujours le dos pour grimacer mon hostilité à sa proposition qui, en toute sincérité, me paraît pourtant pertinente. Mais, alors qu'elle se retourne pour exiger de ses beaux yeux plantés dans les miens une réponse à sa proposition, je ne peux que me rendre à ses arguments.

En effet, il nous serait d'une aide précieuse et, je me dois de le reconnaître en faisant preuve d'un minimum d'honnêteté : il m'a l'air intègre et de confiance.

Enfin, nous quittons le bâtiment, reportant confortablement toutes ces questions à demain. Dans le nouveau taxi que je hèle, Béatrice me confie ses doutes.

- Toi et moi, nous ne sommes pas des requins comme Hinergeld, Rorgal ou Fauvel. On n'en a pas vraiment parlé, mais je suppose que tu n'es pas un homme à terrifier le personnel pour le pousser à la faute comme avec ce Musso pour faire à tout prix du chiffre.

Je lui adresse une moue éloquente quant à mon adhésion à son propos, haussant les sourcils dans un sourire grimaçant. Elle me sourit en retour.

- Je ne sais pas encore comment, mais nous allons recruter, former et diriger près de mille-cinq-cents employés à terme et j'aimerais qu'on fasse de cet endroit, malgré les objectifs de Flexiprospect et les difficultés liées à un tel lieu, un site humain.

- Je suis tout-à-fait d'accord avec toi ! dis-je, enthousiaste. Moi aussi je souhaitais impulser une dynamique positive qui me ressemble, tant dans l'approche du client que je ne veux pas qu'on piège que dans les relations de travail que je veux fonder sur la confiance et la solidarité plutôt que sur la compétition et la défiance. En particulier, je veux éviter le sexisme.

- Marre de lever le bras pour appeler les taxis et de payer la course ? me lance-t-elle, amusée.

- Carrément ! je réponds, enjoué.

Nous gardons le silence, laissant nos regards et nos pensées dériver au gré des cahots et de la vue.

Enfin, nous revoilà aux pieds du Mémorial des Martyrs.

Je ne sais pourquoi, mais ce monument plus que tout autre m'émeut profondément. Sa grandeur et sa blancheur, la pureté de ses formes, la noblesse de cette silhouette sont autant de facteurs qui m'impressionnent et me rendent palpable l'Histoire de ce pays, l'Histoire de l'Homme, faite de guerres, d'oppression et de libérations obtenues par la violence dans la souffrance.

Dans une vision fugitive, je suis ce berger colossal au-dessus du troupeau des hommes, puis je redeviens Baptiste qui rampe à ses pieds.

Lentement, parmi les touristes et les algérois de passage, nous en faisons le tour, admirant les trois statues représentant les libérateurs de l'Algérie : d'abord ce moudjahid en plein mouvement, fusil en mains, qui avance en père vers l'ennemi de sa famille, puis le soldat de l'Armée de Libération Nationale, campé fièrement sur ses pieds et incarnant la dignité d'une Nation indépendante, et enfin un jeune militaire de l'armée nationale, tenant d'une main un fusil devenu inutile et brandissant la torche de la victoire sur la paix et l'indépendance désormais garanties. Trois hommes, trois héros, trois piliers pour ce monument gigantesque aux formes élancées vers le ciel.

Si le message émancipateur est positif, la présence constante de la virilité armée évoque sans équivoque la violence et la mort par lesquelles il a fallu passer. Mais avec sobriété et retenue. Me revient fort à propos le souvenir d'un reportage que j'avais vu il y a quelques années sur la guerre d'Algérie des années soixante et la vague de terrorisme qui l'avait suivie dans les années quatre-vingt-dix. Une violence extrême, des assassinats et des tortures innombrables. L'Algérie a payé un lourd tribut pour sa liberté.

Mais je n'ignore ni que son cas n'est pas marginal ni que le pouvoir actuel est encore brutal.

Ce monument n'est pas un acte de vérité mais bien une profession de foi, la manifestation d'un désir d'avenir qui s'appuie sur les cauchemars du passé. Et c'est ça plus que tout qui me parle, je pense. Je me reconnais volontiers dans cet Aladin noble qui se positionne en berger lumineux d'un troupeau à rassembler.

Je garde pour moi ces réflexions et l'intensité de mon émotion.

Pas envie que Béatrice me prenne pour plus fou encore que ce qu'elle croit.

- Un truc que j'adore avec ce monument, c'est qu'il surplombe la ville avec son message d'espoir là où en occident ce sont les temples du fric qui écrasent la ville de leurs tours de verre et d'acier !

- C'est exactement ça ! s'exclame-t-elle. J'essayais de mettre une explication sur ce que j'aime moi aussi dans cette construction et c'est ça, je crois ! C'est comme ces ouvres d'art qu'on trouve dans les villes et qui changent des publicités : l'art et l'espoir plutôt que l'argent et l'avoir !

Souriant de ce surcroît de complicité, nous descendons les marches vers les Jardins du Hamma, poumon vert de la ville.

Ici, le vacarme du trafic s'atténue et l'omniprésence de la nature me fait du bien. Compréhensive, Béatrice se prête au jeu des détours que je lui impose afin d'éviter de croiser la route des chiens et nous explorons les allées de cet écrin de verdure et de couleurs.

- J'adore la nature, je lui confie. J'aime cette vision d'une autre vie que celle de l'Homme et qui survit malgré notre entreprise systématique de destruction.

- Je croirais entendre ma fille ! me rétorque Béatrice en pouffant. Élina, depuis qu'elle a étudié le développement durable, n jure que par le bio et les énergies renouvelables !

- Et tu n'es pas pour ? je la questionne sur le ton de la conversation, un peu surpris de la sentir se moquer ainsi de la préoccupation écologique.

- Bien sûr que si ! dit-elle avec énergie. C'est juste, continue-t-elle avec moins d'énergie, que je me sens impuissante face aux lobbies de l'industrie et du pétrole qui harcèlent nos représentants politiques et notre justice, nos institutions et nos gouvernants pour nous priver de tout moyen d'action...

Je garde le silence un instant, rendu amer par ce constat d'implacable impuissance de l'individu face à un système. Puis je me reprends.

- Il n'y a qu'une petite centaine de millions de nantis qui profitent du système et utilisent leurs ressources pour le faire perdurer, j'argumente avec conviction. Nous sommes près de sept milliards à en souffrir et à pouvoir nous opposer. Nous ne sommes pas seuls ! On se croit seul parce que tout est fait pour nous isoler et nous opposer les uns aux autres : dictature de l'individualisme, dogme de la concurrence, discours de culpabilisation individuelle sous couvert de responsabilisation citoyenne... Mais, en vrai, ces gens qui s'enrichissent du malheur du plus grand nombre et de la destruction de notre monde ne tiennent leur puissance que de leur argent et ils n'ont pour richesse que l'argent qu'on leur cède en acceptant de voir nos salaires rognés et en leur achetant leurs produits et services !

Dans mon enthousiasme, j'ai pressé le pas et je m'essouffle un peu, inaccoutumé des grandes tirades que je suis.

- Un citoyen dispose de deux armes fatales contre ces requins de la finance : sa voix d'électeur, bien sûr, mais surtout son porte-monnaie. Dans toute élection, il y a des candidats plus ambitieux pour l'avenir. On peut les juger inexpérimentés ou idéalistes, mais pourquoi leur refuser notre confiance alors qu'ils n'ont jamais trahi et la renouveler envers des gens et des partis qui l'ont systématiquement déçue ? Et, donc, on peut utiliser son argent, aussi rare soit-il, avec éthique et responsabilité en achetant local pour préserver l'emploi, en consommant durable pour préserver la nature et en utilisant les services d'une banque éthique qui n'utilisera pas notre richesse inactive contre nous dans des projets polluants, destructeurs ou immoraux !

- Facile à dire ! me contre Béatrice. Les politiciens sont tous pourris et nous mentent tous pour se servir dans les caisses, le bio coûte cher et c'est pas notre petit salaire qui va faire la différence dans la lutte contre ces gros poissons riches à milliards !

- C'est vrai, je concède. Présentées ainsi, les choses sont désespérées. Mais tout n'est pas encore joué et il faut bien faire quelque chose et commencer quelque part, je contre-attaque, fervent. Faire ce qu'on peut soi-même accomplir à sa petite échelle semble dérisoire, mais ça permet de se regarder en face dans la glace, ce qui est déjà pas mal, et de montrer par l'exemple qu'on peut agir. Et convaincre d'autres de nous imiter. C'est un travail de longue haleine, entre deux échéances électorales, mais ce sont les seuls moyens de combattre pour ses idées au quotidien. En plus, on ne peut pas juger tous les citoyens qui s'engagent en politique pour les crimes et abus de ceux qui les ont précédés et ont sali la fonction ! Après, on peut être plus actifs au sein de partis politiques comme la France Insoumise ou Nouvelle Donne, ou plus simplement en s'investissant dans les actions d'associations comme ATD Quart Monde, ATTAC, Greenpeace ou le Collectif Roosevelt : ce ne sont pas les projets qui manquent ! Nos ennemis nous mènent une guerre d'usure et nous n'avons pas le droit de les laisser gagner, conclus-je, ému. Pour la vie. Pour nos enfants.

Encore tout vibrant de mon prêche, je laisse les bruits environnants faire écho à mon propos.

- Tu as raison, finit-elle par répondre.

- Toi aussi. C'est pour ça qu'il faut se soutenir et ne rien lâcher. Parce que c'est trop dur mais qu'on n'a pas le choix.

Et nous poursuivons la promenade avec des échanges plus légers sur ce qui vient occuper nos regards au gré de nos pas.

Quand la faim vient nous solliciter, nous nous achetons sur le pouce de quoi déjeuner dehors puis, hélant un taxi, nous trouvons une piscine où Béatrice puisse piquer une tête.

Alors qu'elle disparaît derrière la porte vitrée de la piscine du Kiffan Club, voisine et recommandée par notre chauffeur, je me sens soudain très seul et déprimé sur la banquette arrière de la voiture où flotte encore le parfum de Béatrice.

- Notre-Dame-d'Afrique, je propose au chauffeur qui me questionne sur la prochaine étape.

C'est la seule idée qui me soit venue en tête.

Pas que j'aime les falaises, les églises ou la mer, mais ce lieu plein d'Histoire et de force m'attire.

Nous verrons bien.

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