VI

15 minutes de lecture

- Dans la plupart des cas, une plainte pour harcèlement sexuel n'est que la conséquence d'un malentendu entre une femme narcissique et un pauvre type embrouillé par ses hormones au point qu'il n'agit plus vraiment comme un primate évolué. Notre rôle est d'apaiser les susceptibilités de chacun afin que tous assument leur part de responsabilité et, rendus à un fonctionnement plus civilisé reposant sur la communication et des objectifs communs, puissent reprendre le travail en laissant les tensions générées par le quiproquo derrière eux.

- Qu'est-ce que vous attendez de nous ? demande Béatrice. Que nous discutions avec l'un des deux pendant que vous vous occuperez de l'autre ?

- Non, surtout pas. Nous avons déjà leurs versions respectives et vous n'êtes pas prêts à auditionner seuls un employé. Comme ils ne s'accordent pas sur la réalité de ce qui s'est passé nous devons les amener à faire un pas l'un vers l'autre. Et c'est là que votre aide peut m'être précieuse.

Nous attendons la suite, incapables de comprendre où il veut en venir.

- Nous ferons l'entretien à cinq. Nous trois serons le jury, que je présiderai, bien entendu, et eux deux seront les plaignants. Nous serons majoritaires en tant qu'employeurs et garderons donc la main. En tant que DRH, je me dois d'être impartial et de trancher. Je dois rester neutre le plus longtemps possible. Vous n'avez pas cette contrainte qui pèse sur vous et vous jouerez donc pleinement votre double rôle. Vous serez à la fois le pair de même sexe qui peut comprendre et donc à qui l'on peut parler et celui qui, justement parce qu'il est de même sexe, pourra se désolidariser et faire entendre une autre voix que celle du stéréotype. Pour faire clair, vous serez, monsieur Roths, le mâle à qui parle le mâle, mais qui prendra la défense du respect de l'autre sexe et d'un comportement viril socialement acceptable afin de peser sur le jugement de notre accusé ; et vous, madame Rézon, vous serez la femme à qui parle la femme, mais qui prendra la défense du respect de l'autre sexe et d'un comportement féminin socialement acceptable. Voyez-vous où je veux en venir ?

Béatrice coule un regard vers moi, hésitante. Moi-même quelque peu dans le flou, je hausse les épaules.

- C'est un peu vague pour nous, je crois, dis-je timidement pour encourager des explications complémentaires sans provoquer d'accès de mépris excédé.

- Monsieur Lepan Vincent prétend avoir été séduit par madame Raddad Salma et encouragée par elle à tenter une approche plus entreprenante. La plaignante, elle, se défend d'avoir eu un comportement de ce genre et affirme que son collègue passe son temps à la harceler et qu'il a eu des gestes et propos déplacés. Or, il est fort probable que les torts soient partagés ; que monsieur Lepan aura voulu voir ce qui l'arrangeait dans l'attitude de madame Raddad, à savoir une femme belle et disponible acceptant d'être courtisée, et que celle-ci, de son côté, aura sans doute manqué de prudence comme de répartie en donnant d'abord quelques signes d'encouragement à son collègue pour ne plus savoir ensuite comment réagir face à ses avances.

Je trouve l'hypothèse vraisemblable. Béatrice, elle, s'empourpre.

- Pourquoi, lorsqu'une femme est victime d'un macho lourdingue, faut-il toujours lui rejeter la faute dessus ? Les femmes doivent-elles constamment choisir entre mère frigide et vile nymphomane ? Une femme doit-elle se cacher sous une burqa pour espérer voir condamner un violeur pour agression sexuelle et non faiblesse devant une provocatrice inconsciente ?

Ses yeux lancent des étincelles et sa tirade l'a essoufflée. Je révise mon jugement : la faiblesse ne semble plus si évidente chez elle, à la voir ainsi indignée !

- Allons, madame Rézon ! Ne caricaturez pas ! N'allez pas me dire qu'une femme est incapable, et ce quelle que soit sa tenue vestimentaire, de faire comprendre à un homme qu'elle le désire ou ne le désire pas ! Ne prétendez pas non plus que les femmes, jamais, que ce soit par vanité ou pour se consoler d'une blessure plus légitime, ne se plaisent à tester leur pouvoir de séduction sur les hommes qui les entourent alors qu'elles savent ne vouloir donner aucune suite !

Béatrice encaisse le coup, surprise par lé véhémence de Schmidt et la justesse de sa contre-argumentation.

- Dans ce cas, finit-elle par contre-attaquer, ne faites pas des hommes les victimes d'un désir incontrôlable que les femmes allument d'un battement de cil !

- C'est justement l'erreur que je ne commets pas, madame Rézon, la reprend-t-il, à nouveau paternel Si vous m'aviez écouté rationnellement et non émotionnellement, vous auriez compris que ma recherche de compromis s'appuie sur des torts partagés non pour déculpabiliser outrageusement l'un afin de dénigrer l'autre mais pour que les deux adultes qui ont laissé naître et déraper cette situation de quiproquo puissent prendre conscience du rôle qu'ils y ont joué, plus ou moins consciemment, et ainsi désamorcer un conflit passionnel qui ne conduirait qu'à un drame judiciaire, professionnel et personnel ! Rappelez-vous que nous sommes ici à la direction des ressources humaines d'une entreprise marchande, ni à une permanence du Mouvement de Libération de la Femme, ni à une réunion d'intégristes du voile intégral ! Notre objectif doit toujours être d'œuvrer à la bonne marche de la compagnie en faisant ce que nous pouvons pour que les employés travaillent dans les meilleures dispositions d'esprit possibles.

Béatrice baisse un peu le regard en rougissant mais, presque immédiatement, se redresse et répond d'une voix ferme mais adoucie.

- Vous avez raison, monsieur Schmidt. Veuillez m'excuser d'avoir interprété un peu trop vite vos propos.

- Je vous en prie, madame Rézon, répond-t-il en souriant avec chaleur. Une femme doit savoir défendre ses positions : c'est bien là le cœur de notre problème ! D'ailleurs, nous sommes là pour vous former et votre démonstration de courage autant que vos excuses montrent la personne de qualité que vous êtes et la force de caractère dont vous avez besoin pour vous réaliser en tant que manager ! N'en parlons plus, conclut-il en balayant de la main l'échange tendu qui s'achève. Voyez-vous désormais plus clairement la stratégie que je vous propose d'adopter pour cet entretien ?

Nous opinons de concert, convaincus davantage par son plan que par notre capacité à y jouer notre rôle...

- Avant l'arrivée de nos deux adversaires, je vous propose de jouer à un petit jeu de rôle afin de vous mettre en condition. Vous connaissez tous deux les grandes lignes de la situation, mais nous commencerons par en demander le récit à nouveau aux différentes parties. Je vous propose de jouer leur rôle le temps d'un échange de quelques répliques, d'abord en vous contentant de vous opposer l'un à l'autre à l'aide des versions de départ, puis en inversant les rôles, et enfin en mimant un dialogue plus apaisé où vous concéderez chacun du terrain jusqu'à aboutir à un compromis apaisé, avant de terminer en inversant à nouveau vos rôles. Ainsi, vous aurez exploré à partir de vous les potentialités de la situation. Cela ne vous met pas à l'abri d'éventuelles originalités non prévues par notre scénario, mais cela vous assouplira l'esprit et la langue. Allons-y ?

Nous hochons la tête, gênés par cet atelier d'improvisation théâtrale inattendue mais nécessaire. Et, pendant un quart d'heure, nous jouons le jeu, intervertissant nos rôles pour explorer par nos logiques ce que nous imaginons de nos deux protagonistes. Bien vite cependant, trois coups secs viennent nous figer en pleine performance, alors que nous commençons à trouver nos marques, et nous interrompons l'exercice ludique pour la pratique stressante. D'ailleurs, tandis que Schmidt s'installe entre nous, je sens mes tripes danser la gigue tandis qu'un sumo invisible semble avoir posé lourdement son semi-divin postérieur sur ma petite cage thoracique d'occidental rachitique.

La secrétaire, apparemment dans la confidence ou habituée de l'exercice, introduit le couple déchiré en invitant chacun des partenaires malgré lui à s'asseoir face à son avocat attitré. Je salue Vincent, face à moi, puis Salma, Béatrice salue cette dernière, puis le premier. Schmidt, assis devant nous, les englobe dans un salut majestueux.

- Vous êtes ici pour régler un litige qui parasite votre travail et menace la pérennité de votre présence parmi nous.

En une phrase, Schmidt douche les velléités et chacun des nouveaux venus s'abstient de tout commentaire, mais les postures restent fières, les regards brillants de colère.

Salma, comme évoqué par Schmidt, est effectivement une belle maghrébine d'à peine trente ans, habillée sévèrement d'un tailleur gris clair dont la jupe descend sous le genou et le chemisier, boutonné jusqu'au cou, bouffe assez pour ne pas souligner inutilement sa silhouette avantageuse. Ses lourdes boucles brunes dansent à chaque mouvement et tombent pour l'instant en rideau discret entre elle et Vincent.

Vincent, lui, apparaît comme un trentenaire nerveux mais élégant, dont le crâne précocement dégarni lui donne une allure de biker décontracté. Son costume trois pièces, bleu sombre, contraste avec ses yeux clairs, mais sa cravate, discrètement zébrée de fils de couleurs, égaye l'ensemble. Sa mâchoire, crispée, traduit assez le sentiment d'humiliation qui couve en lui.

Chacun des deux semble n'exister qu'en parallèle de l'autre, séparé de l'autre par un voile invisible mais infranchissable, une muraille de glace insaisissable mais implacable.

Qu'il va falloir abattre sans qu'elle n'engloutisse quelqu'un dans la pièce... C'est pas gagné !

- Mes deux collègues et moi-même sommes là pour vous écouter l'un et l'autre et juger de ce qui s'est passé à la clarté de vos témoignages. Je trancherai ensuite sur les conséquences à donner à votre querelle. Est-ce compris ?

Les deux acquiescent, mais ne desserrent pas les mâchoires.

- Madame Raddad étant celle qui s'estime victime, je lui demanderai de commencer en racontant sa version des faits en précisant les aspects où elle estime avoir été lésée. Ensuite, je vous demanderai à vous, monsieur Lepan, de bien vouloir nous expliquer votre version des faits et la manière dont vous souhaitez vous défendre contre les accusations qui auront été formulées. Est-ce clair ?

Nouvel acquiescement contraint.

- Madame, nous vous écoutons.

Salma Raddad lance un regard en coin à son collègue puis inspire et commence.

- Vincent me harcèle depuis plusieurs semaines : il m'interpelle quand j'arrive ou quand je pars du bureau ; chaque fois que je passe dans un service il s'arrange pour m'y retrouver et dès que je suis à mon travail il vient me trouver. À chaque occasion, dès que nous sommes seuls, il me tient des propos libidineux et dégradants, multiplie les propositions déplacées et, dernièrement, il est allé jusqu'à porter la main sur moi. C'est ce qui m'a décidée à déposer une plainte auprès de votre service.

Et la belle achève là son récit.

Schmidt la remercie et invite Vincent Lepan à donner sa version des faits. Il fulminait visiblement durant sa mise en accusation, mais il a contenu sa vindicte. À présent, c'est d'une voix hachée, le corps tout tremblant d'indignation, qu'il se défend.

- C'est pas du tout comme ça que ça s'est passé ! Elle salit tout ! Elle joue les sainte-nitouche pour mieux me faire passer pour un porc alors qu'elle ne dédaignait pas de me faire ses yeux biche et ses sourires timides pour m'aguicher ! Et quand je m'arrange pour nous permettre un peu d'intimité, histoire de faire connaissance, elle joue au jeu du chat et de la souris, me fait son petit visage de chaton perdu et se faufile loin de moi après m'avoir souri ! Qu'est-ce que je dois comprendre de tout ça après, moi ! C'est que j'en pince drôlement pour elle et elle me souffle le chaud et le froid ! À vous rendre dingue ! Alors, oui, c'est vrai, j'ai tenté une approche plus directe histoire de l'empêcher de minauder : je l'ai coincée à la photocopieuse et je lui ai joué la scène du film, vous savez, où ce flic arrive dans le dos de sa collègue et lui attrape doucement une mèche de cheveux pour la respirer et que du coup, la proximité et le contact aidant, ils s'accrochent le regard et s'embrassent ? Non ? Un super film ! Avec cette scène hyper romantique... Sauf que là, elle a repris doucement ses cheveux et est partie après m'avoir souri... Qu'est-ce que vous y comprenez, vous ?

J'acquiesce et tâche de jouer mon rôle.

- C'est vrai que madame Raddad est très jolie et qu'il est difficile de ne pas être insensible à son charme.

Je me sens rougir et n'ose regarder Béatrice.

- J'aurais probablement tenté ma chance aussi !

Vincent Lepan me jette un regard sceptique, l'air de pas savoir s'il doit se sentir soutenu par un pair ou concurrencé par un rival...

- Qu'est-ce qu'elle a dit quand vous lui avez demandé des explications sur son comportement ?

Un voile de confusion passe dans son regard.

- Quelles explications ?

- Eh bien, je développe, quand elle vous a évité les premières fois et que vous lui avez demandé pourquoi, qu'a-t-elle répondu ?

Ses yeux cherchent frénétiquement une réponse dans la pièce puis se posent sur ses mains.

- Je... C'est-à-dire dire que... J'ai pas vraiment posé la question puisque c'était clair que je lui plaisais !

Son assurance vacille et je me rencogne dans mon siège, jouant le désemparement devant son manque d'ouverture d'esprit.

C'est ce moment que Béatrice choisit pour entrer dans la partie. Prenant Salma à témoin, elle s'esclaffe.

- C'est bien les hommes de s'imaginer irrésistibles et de prendre un sourire poli pour une déclaration d'amour et une jupe pour une invitation au viol !

La phrase frappe juste et Salma se redresse un peu plus, renforcée dans sa légitimité et approuvant ma collègue d'une moue complice et excédée. De son côté, Vincent a pâli à la mention du viol.

- Et je suppose qu'il n'a même pas pris la peine de vous écouter et de vous prendre au sérieux quand vous lui avez expliqué fermement ce que vous attendiez de lui et qu'il en a juste profité pour vous reluquer !

Salma grimace et fronce les sourcils

- Non, il ne m'a pas "reluquée", guillemette-t-elle avec dégoût.

- Mais il ne vous a pas écoutée, en tout cas, quand vous lui avez mis les points sur les i, n'est-ce pas ? Il vous a gentiment regardé parler sans rien entendre de votre demande ?

C'est au tour de Salma de tiquer. Elle semble réfléchir un instant puis jette un regard de biais à son collègue, qui n'en mène pas large d'être ainsi épinglé.

- Mais de quelle demande parlez-vous ? finit par demander Salma, un peu perdue.

- Eh bien votre demande qu'il aille voir ailleurs car vous n'étiez pas intéressée ! Quand vous lui avez dit, il n'en a pas tenu compte ?

- Eh bien... Cela ne s'est pas tout à fait passé comme ça...

- Qu'est-ce que vous voulez dire par là ? Vous ne lui avez pas expliqué que vous n'étiez pas intéressée ?

- Dans ma culture, on ne parle pas de l'intime avec des inconnus. J'ai donc fait en sorte qu'il le comprenne par mon attitude : je le fuyais, ne répondais pas et, parfois, devant son insistance, j'essayais même de lui faire comprendre par des regards hostiles. Mais c'est vrai qu'il a ignoré toutes mes tentatives.

La voix de la plaignante n'est plus aussi implacable et a pris des intonations plaintives, presque suppliantes.

Béatrice la regarde de ses grands yeux en jouant l'atterrement.

- Vous ne lui avez pas parlé ? Rien dit ? Rien expliqué ? Juste des regards, des fuites et des silences ?

Salma baisse la tête, décontenancée. Vincent, lui, se redresse un peu.

- Je ne savais pas quoi dire ou faire pour qu'il s'arrête, ajoute-t-elle simplement avant d'être coupée par un début de sanglot.

- Je suis tellement désolé, Salma ! s'excuse soudain Vincent, les yeux humides et la voix chevrotante. Je suis désolé de ne pas t'avoir comprise ! J'avais tellement envie que notre histoire soit possible que j'ai été égoïste et aveugle !

- Non, c'est ma faute ! Je vois bien que vous le pensez tous et vous avez raison !

Salma pleure désormais avec effusion et Vincent s'agenouille à ses pieds et lui prend doucement la main.

- Non, c'est faux ! Tu as été douce et patiente et j'ai mal interprété la situation. Tu n'as rien fait de mal. C'est moi qui ai fait n'importe quoi !

Tous deux lâchent la bonde à leurs émotions empêtrées et des semaines de frustrations, d'angoisses et d'espoirs se mêlent et s'entremêlent en pleurs émouvants qui se muent bientôt en pouffements puis en fous-rires !

Le miracle Schmidt a opéré, aidé en cela par ses deux saints apôtres que nous sommes, Béatrice et moi. Je ne suis pas peu fier du résultat, à voir Vincent et Salma rire de leur bêtise commune et, emporté par ma joie, je tourne la tête vers ma collègue et nouvelle amie pour partager avec elle, ce moment émouvant. Elle aussi me sourit, émue aux larmes, puis nous rougissons de concert et nous détournons l'un de l'autre, nous laissant de nouveau absorber par notre mission.

Au bout de quelques instants, la catharsis étant achevée, Salma rend sa main à Vincent, qui reprend sa place.

- Bien ! s'exclame André d'une voix satisfaite. J'ai le sentiment que les tensions s'en sont allées et que le quiproquo est démêlé !

Vincent et Salma se regardent en souriant, gênés autant par le malentendu précédent que par la séance de confessions ayant abouti à cet étrange dénouement qui les a laissés si émus.

- Maintenant que la situation est clarifiée, pouvons-nous estimer que vous saurez de nouveau travailler ensemble sans tension ? Parviendrez-vous à communiquer professionnellement pour que le service n'en souffre pas, ni vous ?

Vincent consulte Salma du regard et elle lui renvoie un sourire désolé. Puis, semblant se souvenir que c'est sa gestuelle muette qui a fourni le terreau du conflit qui vient de se résoudre, elle s'éclaircit la voix et, baissant légèrement le regard, prend la parole.

- Oui, je pense que nous pouvons à nouveau travailler ensemble. J'essaierai de parler désormais, puisque mes yeux ne sont pas aussi expressifs que je le croyais !

Le sarcasme pointe dans sa voix et les mots semblent un peu forcés, mais l'engagement est là, et je le crois sincère.

- Moi aussi je pense que ça va bien se passer. J'essaierai de mieux écouter tes silences et ton regard... Et de te parler pour que nous puissions devenir des... collègues qui se respectent ?

Salma acquiesce et tous deux se tournent vers nous. Nos faces souriantes, à Béatrice et moi, semblent les mettre mal à l'aise alors nous essayons de contenir notre plaisir à voir éclore des cendres d'un tel conflit un couple de potentiels tourtereaux en devenir !

- C'est entendu, dans ce cas ! tranche le DRH. Je clos ce dossier en espérant ne pas avoir à y revenir plus tard. Souvenez-vous que la plupart des tensions naissent de ce qu'on tait ! Je vous laisse retourner à votre travail. Bonne fin de journée.

Schmidt se lève sur ces mots et tend une main efficace à Salma, puis Vincent, et tous deux quittent le bureau l'un derrière l'autre.

Quand la porte s'est refermée, André contourne la table pour nous faire face et, après nous avoir jaugés d'un air sévère, nous fait un clin d'œil complice.

- Nous allons peut-être finalement faire de vous de bons managers !

Avec Béatrice, nous échangeons un regard étonné par tant de mansuétude, mais la réalité nous rattrape heureusement.

- Il va falloir gagner en tenue car votre prestation est un peu trop émotive et faire preuve d'un peu plus d'autorité pour ne pas vous laisser dévorer par les requins qui nagent dans les eaux capitalistes, mais, ma foi, vous faites un beau duo !

- Merci, monsieur Schmidt.

Ma voix tremble un peu car j'ai l'impression d'être à un moment charnière de ma vie et la sentence positive qui vient d'être énoncée, si elle me remplit de satisfaction, n'en ressemble pourtant pas moins à un coup de pied au cul pour l'oisillon que je suis et qui va se retrouver projeté hors du nid.

Et j'ignore si j'aurai les ailes assez solides.

Cette idée me ramène à mon étrange expérience du matin dans la peau d'un pigeon, mais la voix de Béatrice me tire immédiatement de ces pensées perturbantes.

- Merci pour cette journée. C'était vraiment formateur pour nous.

Et c'est sur un échange de poignées de main et de civilités maladroites que nous quittons André Schmidt pour rejoindre mademoiselle Rosignol qui nous hèle.

Nous la rejoignons et complétons un formulaire de demande de passeports avant de nous diriger vers l'ascenseur pour achever notre deuxième journée de formation.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Quatseyes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0