Chapitre 33 :

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Sho’Ryu soupira, puis se décida enfin à descendre. Au moment de quitter sa chambre, ses yeux furent attirés par ses deux katanas, posés contre le mur.

Encore combien de temps vas-tu fuir tes responsabilités ?

Presque quatre mois qu’il entendait cette voix de femme, lui reprocher tous les jours son inaction. Il ne savait pas si c’était la culpabilité qui le parlait, mais elle se faisait de plus en plus forte au fil du temps, pesant sur les épaules du jeune homme. Il quitta la pièce, pour se rendre au rez-de-chaussée.

La fête battait son plein, des musiciens jouaient des airs entrainants, et les clients buvaient et dansaient comme si plus rien ne comptait. Tous les 24 de chaque mois, le jour de l'anniversaire de Gorlon, tous les bars avaient pour ordre d'organiser une soirée, et en échange le grand chef offrait à boire à toute la cité souterraine. Cela suffisait à le rendre sympathique au yeux de tous, et à créer des liens entre les citoyens.

Le regard de Sho'Ryu fut comme attiré, et il la vit danser au milieu du bar avec sa petite sœur de 8 ans, qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eaux, mis à part ses cheveux plus foncés. Il évita les fêtards, et s’assit au comptoir, derrière lequel un homme roux et souriant servait les clients.

— J’ai l’impression que tu n’aimes pas vraiment tout ça, dit Marc en s’approchant du jeune bretteur.

— C’est un peu bruyant pour moi, répondit Sho’Ryu avec un demi-sourire. Mais je suis content de voir Maria s’amuser, elle n’arrête pas de sourire.

— Je crois que je sais comment tu pourrais la rendre encore plus heureuse, chuchota son père à l’oreille du jeune homme.

— Comment ?

— Elle m’a dit qu’elle aimerait bien danser avec une certaine personne.

Sho’Ryu sentit le rouge lui monter aux joues, et s’écarta légèrement du barman.

— Je ne sais pas vraiment, dit-il en toussotant.

Il sentit quelque chose tirer sur son kimono, et il baissa pour les yeux pour tomber nez à nez avec la petite sœur de Maria.

— Qu’est-ce qu’il y a ? s’enquit-il en descendant de son siège.

La petite fille pointa du doigt le centre de la salle.

— Elle t’attend ! annonça Sofia joyeusement.

— Allez mon garçon, l’encouragea Marc. Ne la fais pas attendre plus longtemps.

Poussé par deux forces trop grandes pour lui, Sho’Ryu s’avança timidement. Maria discutait avec une de ses amies, mais elle prit congé au moment ou elle aperçut le Nijimien s’avancer. Les musiciens firent une petite pause.

— Alors comme ça tu ne veux pas danser avec moi ? demanda la jeune femme, feignant la tristesse.

— Tu te méprends lourdement, j’en rêve tous les soirs.

— Tu vas me dire que tu ne sais pas danser alors ?

— Je suis un expert dans cet art, se vanta Sho’Ryu, avec un sourire narquois, bien que ses joues soient encore rouges. Mais j’ai l’impression de ne pas être à ma place.

Elle l’enlaça, et il sentit sa tête contre sa poitrine.

— Bien sûr que tu as ta place ici, chuchota-t-elle.

Une profonde gratitude l’envahit, ainsi qu’un amour dont il ne parvenait pas à définir les limites. Les musiciens recommencèrent à jouer, mais cette fois une musique plus lente et douce.

— Alors ? Tu penses réussir à me suivre puissant guerrier ? le nargua Maria.

— Ce sera le plus difficiles des combats, mais je n’abandonnerai pas, répliqua Sho’Ryu avec un grand sourire.

Il lui mit un bras dans le dos, et lui attrapa la main. Ils dansèrent toute la soirée, et le jeune bretteur démontra qu’il était aussi bon danseur que combattant. Quand la musique cessa enfin, les deux se regardèrent dans les yeux, avant de s’embrasser tendrement. Sho’Ryu entendit des applaudissements autour d’eux, et se sentit soudain très gêné d’avoir osée faire cela devant toute une assemblée. Maria elle ne paru nullement dérangé, elle le regardait de ses beaux yeux bleus, remplie de fierté.

— Je t’aime, Sho’Ryu.

— Je t’aime aussi Maria, merci pour tout ce que tu as fais pour moi.

— Tu n’as pas à me remercier Sho.

— Si, tu m’as offert un endroit ou rester, tu m’as libéré de mon fardeau. Ma vie t’appartient à présent.

Elle sentit les émotions prendre le dessus, et blottit sa tête contre son torse, pour ne pas qu’on puisse la voir pleurer. Sho’Ryu lui n’arriva pas à le cacher, une larme de joie coula sur sa joue, tandis qu’il l’étreignait encore davantage. Jamais il n’avait ressenti d’émotions aussi forte, et il se jura de toujours chérir ce moment.

Sho’Ryu se mit à courir, il ne savait pas trop pourquoi, mais un étrange malaise s’était emparé de lui depuis ce matin. Marc l’avait envoyé faire une course, et pendant tout le trajet cette étrange sensation n’avait pas disparu. Il entendit des hurlements au loin, et vit de la fumée noire s’élever jusqu’au plafond coloré de la cavité souterraine. Cette fois ce fut une peur panique qui s’empara de lui.

Gorlon m’a retrouvé ?

Le bretteur accéléra encore davantage, se débarrassant de ce qu’il avait acheté pour aller plus vite. Il arriva rapidement devant le bar, entrain de se faire dévorer par les flammes. Une foule était rassemblée, et regardait à bonne distance ce qu’il se passait. Huit hommes se tenaient juste devant le bâtiment, entourant une neuvième personne au sol.

Pitié non !

Sho’Ryu se précipita et les inconnus s’écartèrent. Tous ses pires prédictions se réalisèrent, la neuvième personne était Maria. Elle gisait calmement sur le sol, une grimace de douleur déchirait son visage, et une gigantesque blessure s’étendait sur son torse. Plus aucun souffle, elle était déjà morte.

Sho’Ryu sentit une émotion encore plus forte que celle de la veille, la haine surpassa l’amour.

— Pourquoi vous avez fait ça ! hurla-t-il envers les agresseurs.

Tout son être lui hurlait de leur briser la nuque, de leur faire subir cent fois la douleur de la femme qu’il aimait. Le premier des hommes jeta deux objets aux sols, les deux katanas de Sho’Ryu.

— Quoi ? lâcha-t-il sans comprendre.

— Allez petit frère, dit un des hommes. Je l’ai fait pour toi, tu n’allais quand même pas rester ici non ? Tu as une mission, rappel toi !

Le bretteur remarqua le symbole en forme d’œil sur le front de chacun des tueurs, et il comprit enfin. Même si lui avait décidé d’abandonner sa quête, son grand frère lui ne l’aurait jamais laissé faire.

Tue-les, ordonna une voix féminine

Sho’Ryu ne tenta pas de résister, il se laissa totalement envahir par la colère et la soif de sang

Oui, ne résiste pas, laisse-nous t’aider, laisse nous te donner notre pouvoir, dit la même voix féminine qu’auparavant.

Il comprit enfin à qui appartenait la voix. Il attrapa le manche de ses deux katanas, et sentit la puissance l’envahir. Il entrait en communion avec ses armes.

Le combat ne dura qu’un instant, les spectateurs qualifièrent cela de véritable massacre. Les lames noires et blanches frappèrent encore et encore, avec une vitesse et une force surhumaine. Sho’Ryu se retrouva recouvert de sang, les huit hommes gisaient autour de lui. Il respirait lourdement, tous les évènements se bousculaient dans sa tête.

Nous avons tenté de t’avertir. Ton frère est un danger pour l’humanité toute entière. Nous te prêterons notre force, jusqu’à ce que sa tête tombe, ajouta la voix féminine dans sa tête.

Sho’Ryu se prit la tête entre les mains, tout était de sa faute. Il savait qu’il avait abandonné lâchement sa mission, et que c’était à cause de lui que Maria était morte. La femme qu’il aimait était morte, et il était coupable.

— Maria ! hurla avec désespoir un homme dans la rue.

Sho’Ryu reconnut la voix de Marc, mais n’arriva pas à se résoudre à le regarder. Il était le meurtrier de sa fille. Le bretteur sentit du mouvement derrière lui, et vit volte-face pour voir que Maria était debout. La marque de son frère était apparue sur son front. Il ne savait pas pourquoi ni comment, mais Lao’Fu la manipulait aussi.

— Fu... fu... fuis Sho... articula difficilement la jeune femme.

— Restez en arrière ! cria Sho pour prévenir Marc.

Maria avançait difficilement, comme si elle tentait de s’opposer aux mouvements de son corps. On ne pouvait voir que de la souffrance sur son visage. Sho’Ryu sentit son cœur se tordre, il ne pouvait laisser on frère utiliser le corps de la femme qu’il aimait ainsi. Il rangea son épée noire, gardant seulement la blanche.

— Je vais te sauver, ne t’en fais pas.

Il frappa en avant, et le katana blanc traversa le corps de la jeune femme, sans qu’aucune blessure n’apparaisse. Maria cessa de bouger, et l’œil disparu, la magie avait été dissipé. Elle tomba en arrière, mais Sho’Ryu la rattrapa. Lentement, avec des gestes précis malgré sa vue brouillée par les larmes, il la déposa sur le sol.

Un sourire ornait le visage de la femme qu’il avait aimé, non de celle qu’il aimerait toujours. Maria lui avait permit d’échapper à son destin, et à cause de lui elle en était morte. Marc se jeta au sol, pleurant et hurlant au-dessus de sa fille.

Lao’Fu avait détruit sa vie une fois de plus.

Sho’Ryu regarda une dernière fois le beau visage de Maria, et disparu avant que son père ne lui parle, il ne voulait pas que Marc le regarde, il ne le méritait pas.

Ce soir-là, un homme quitta les souterrains et la ville pour partir vers l’ouest, les gardes qui tentèrent de le stopper évoquèrent un véritable démon blanc et noir.

Sho’Ryu était mort à présent, il ne restait plus qu’une coquille vide maniant les lames jumelles. Seul la vengeance guidait ses pas.

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