Chapitre 6 :

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L'habitation la plus proche explosa dans un grondement terrifiant. Des débris volèrent dans tous les sens soufflés par la détonation, et l’odeur de la paille et du bois brulé arriva jusqu’à lui.

La cachette d’Eddie - une maison en bordure du village - n’allait pas tarder à être victime du même sort. Face aux quinze soldats, il avait préféré se mettre à l’abri pour préparer un plan. Il avait beau être un excellent combattant, le rapport de force était trop en sa défaveur.

Eddie s’était dérobé à leur vue, avant de se cacher derrière une maison. Un problème était cependant apparu, un problème majeur. Les hommes n’avaient pas besoin de prendre le risque de le chercher, ils pouvaient se contenter de détruire chaque cachette une par une.

Cette sale garce n’avait pas dit que Livink avait un mage dans son armée !

Rien que de penser à Livink faisait bouillir son sang. Sa tête aurait déjà dû se trouver à ses pieds.

— Quel lâche, grommela-t-il en fouillant dans les poches de sa grande veste. Moi, jamais je ne me serais laissé provoquer comme ça ! Je serais descendu de mon cheval pour étriper quiconque me défie ! Quand on te provoque en duel on se bat c’est tout, ce général n’a aucun honneur ! Putain mais je l’ai rangé... Ah ! Je l’ai !

Eddie avait compté au moins trois archers, courir à découvert serait impossible. Par chance, la solution à ce problème tenait dans la paume de sa main.

Il sortit une sphère métallique de la taille d’un poing d’une poche intérieure. Sa famille accumulait des artefacts et des reliques depuis des années, même si une grande partie n’était en réalité d’aucune utilité. La réserve des Chafe était gigantesque, Eddie gardait toujours les plus utiles.

— Allez, c’est l’heure du massacre.

Sentant le danger approcher, il s’éloigna rapidement du mur. Quasi au même moment une explosion fit voler la maison en miettes. Le souffle repoussa Eddie, qui roula sur le sol avant de se relever d’un bond.

La fumée commença à se dissiper, et il put distinguer une quinzaine de formes derrière le voile. Une centaine de mètres le séparait de ses agresseurs, et derrière lui il n’y avait plus que de la pleine. Vide, et sans aucune couverture.

Mais Eddie n’avait pas l’intention de fuir, pas davantage en tout cas. Il jeta la sphère métallique de toutes ses forces, et elle tomba aux pieds d’un des hommes en émettant un étrange cliquetis. L’homme n’eut pas le temps d’hurler ses ordres, que de la fumée épaisse en sortit, remplaçant celle de l’explosion. L’épais nuage jaillissait à une vitesse impressionnante, accompagné par un hurlement semblable à une tornade.

Les soldats furent entièrement recouverts sans pouvoir réagir.

Eddie plongea dans la brume sans attendre.

— Restez groupé ! hurla l’un des archers, assez fort pour espérer se faire entendre.

Il sentait du mouvement tout autour de lui, mais il ne pouvait pas voire plus loin que ses pieds. Ils auraient dû rester groupé, mais ses hommes n’avaient pas la discipline nécessaire.

Soudain une lueur rougeoyante se déplaça à sa droite, avant de s’arrêter subitement. Leur cible avait activé sa relique, anéantissant tous ses efforts pour se cacher.

Se retenant de rire, il arma son arc. Il s’attendait à devoir sacrifier quelques membres de son unité, mais finalement on lui offrait la victoire sur un plateau. Le soldat pensait déjà à la promotion que Livink allait lui offrir.

Quel idiot !

Un chuchotement sur sa nuque le fit sursauter.

— Derrière toi.

Quelque chose de froid s’enfonça dans son dos pour ressortir par sa poitrine. L’archer tomba sur le sol, le bruit de sa chute couvert par le vacarme de la sphère lanceuse de fumée.

Eddie retira sa hachette d’un geste, puis se concentra de nouveau. Décidément il ne voyait absolument rien, à part son épée enflammée qu’il avait planté dans le sol un peu plus loin. Par chance, lui n’avait pas besoin de voir pour trouver ses ennemis, il avait juste à attendre les instructions.

Sur ta droite.

Eddie se baissa juste à temps pour éviter une épée balancée quasiment à l'aveuglette. Instinctivement il envoya sa jambe en avant, balayant les appuis du soldat qui tomba lourdement sur le côté, avant de recevoir un coup de hache en pleine gorge.

— Préviens plus tôt, tu veux ?

A gauche maintenant.

Eddie tourna la tête pour voir un autre soldat lever sa claymore, prêt à venger son compagnon. Le chasseur de relique n’entendit pas, mais il lut très clairement « Fils de pute » sur les lèvres. N’ayant pas le temps de bloquer, il se jeta sur le côté pour éviter l'attaque. Il roula maladroitement puis se remit en position. Il s’était assez éloigné pour à peine distinguer la forme du soldat à travers la fumée.

Mais déjà l’homme se jetait sur lui. Il frappa avec sa claymore, mais la fumée l'empêcha d'anticiper la distance et son geste fut trop ample. Eddie lâcha sa hache et fit un rapide pas en avant, se collant quasiment à l’homme. Son adversaire se rendit compte de son erreur et tenta de reculer pour remettre de la distance entre eux, sa lourde épée ne lui permettant pas de se battre à une si faible distance. Le chasseur de relique fût plus rapide, un poing en plein plexus, suivit d’un second en plein dans le nez. Le chevalier trébucha en arrière, lâchant son arme, qu’Eddie attrapa au vol avant de la planter dans le torse de l’homme.

— Et de trois, dit-il tout haut, pour tenter de garder les idées claires malgré la tension de l’affrontement

Eddie derrière !

L’avertissement arriva vraiment trop tard cette fois ci, et une épée se lui traversa le dos. Le Chafe pivota avec rage, sans laisser le temps à son agresseur de retirer son arme, et frappa du coude en plein dans son arcade. Le choc projeta le soldat au sol.

Je t’avais dit de fuir ! Tu vas juste te faire tuer !

— La ferme ! hurla Eddie en cherchant sa hache dans la brume.

Une nouvelle détonation – cette fois-ci plus faible – retentit, et le souffle de l’explosion dispersa la fumée. Eddie vit la sphère métallique séparée en deux morceaux, plus aucune fumée ni son ne s’en échappait à présent. Eddie jura, ils avaient détruit l’artefact beaucoup trop vite.

Douze survivants le fixaient avec attention, répartit tout autour de lui. Eddie évalua mentalement son état, la lame qui lui sortait du ventre était problématique, mais par chance aucun organe n’avait été touché. Il avait chaud, très chaud, et une légère vapeur se dégageait de lui.

Il était prêt à en découdre.

Deux arcs et un livre furent pointé vers lui. Eddie se jeta en avant, évitant une première flèche. Il en évita une seconde en glissant sur le sol pour attraper son épée. Un soldat armé d’une lance s’interposa, mais lui et son arme furent tranchés en deux d’un geste de haut en bas. L’archer en face de lui tira, et son trait se planta dans l’épaule d’Eddie. Sans ralentir, le Chafe balança son poing en avant, qui brisa le nez du soldat dans une explosion ensanglantée. Eddie passa derrière l’homme avec agilité, et Ignis devant sa gorge.

Ils n’oseraient pas tirer sur leur camarade quand même, non ?

— Ne tirez pas ! ordonna Eddie. Et il restera en vi...

— Tuez le ! hurla l'otage.

Ils n'hésitèrent pas une seule seconde. Un projectile fonça sur la tête d’Eddie, qui mesurait une tête de plus que le soldat. Il souleva son bouclier humain comme s’il s’agissait d’une poupée, et la flèche se planta en plein torse, transperçant l’homme et blessant presque Eddie. Un soldat armé d’une hache s’approcha par la droite, Eddie lui jeta sa protection dessus. Puis couru sur celui qui avait tiré, son épée enflammée décrivit un arc de cercle hypnotisant, et se planta dans le torse de l’archer.

— Ça t’apprendra à tirer sur ton pote ! se moqua le chasseur de relique.

Il retira son arme et regarda derrière lui. Ils étaient encore neuf, mais tous les archers étaient morts à présent. De la peur était visible dans le regard des soldats, mais ils ne lâchèrent pas leurs armes pour autant.

— Ça suffit ! Rends-toi ! lança l’un d’entre eux, un barbu juste vêtu d’un casque en peau. Nous sommes encore dix et tu es blessé !

— Pourquoi me rendre ? répliqua Eddie. Il n’y a que des hommes morts autour de moi !

Ils frémirent, et le Chafe savoura cette réaction. Il était seul, blessé et recouvert de sang, pourtant c’était ses ennemis qui tremblaient de peur. Comment allait-il tuer le prochain ? Pourquoi pas en lui coupant la tête ? Ça apporte toujours un bel effet une décapitation.

Heureusement que Luke ne pouvait pas le voir en ce moment.

Attends, il a dit dix, pas neuf, il en manque un !

Eddie regarda avec interrogation les hommes devant lui, réfléchir en plein combat n’avait jamais été son fort. C’était pourtant vrai, il en manquait un, le chauve avec une toge.

— Il est passé ou celui avec le livr... ?

Quelque chose le percuta par derrière, et le bruit d’une explosion agressa ses tympans. Son corps fut projeté dans les airs, avant d’atterrir avec fracas au milieu des débris d’une des maisons.

Les chevaliers poussèrent des cris de joie tout en allant vérifier s’il était bien mort. Le chasseur de relique était encore fumant.

Elise s’approcha lentement de l’avant-poste, les sentinelles ne prirent même pas la peine de lever leur arbalète. Toujours cachés, Luke sentit la tension monter d’un cran. Selon les informations de Fulbert sur les effectifs ennemis, entre ceux en patrouille et ceux sortis, une quarantaine de soldats étaient restés. Luke rejoua le plan dans sa tête : dès qu’Elise aura fait ouvrir les portes, lui et Sho’Ryu se précipiteraient à l’intérieur.

C’est là que le plus dur serait à faire, convaincre les soldats de rejoindre leur camp. Il restait des subordonnés de l’ancien commandant, celui que Livink avait tué, certains d’entre deux devaient en vouloir au nouveau général.

— Bonjour ! dit Elise, en se voulant le plus amicale possible. Je vous apporte du vin du village ! indiqua-t-elle en désignant le panier qu’elle portait. Je viens de croiser le général Livink en venant ici, il m’a dit que vous me feriez rentrer.

Luke n’avait pas trouvé de meilleur prétexte, mais après tous les ruses les plus grosses pouvaient fonctionner parfois.

Un des arbalétriers, un homme d’une trentaine d’années, leva un sourcil à l’attention de son collègue plus jeune, avant d’éclater de rire.

— T’as quand même pas fait tout ce chemin pour rien ma belle, laisse donc ton panier par terre et viens nous rejoindre. Va chercher de quoi la faire monter toi ! aboya-t-il à l’autre garde.

— Quoi ? protesta jeune soldat. Tu sais très bien ce que Livink a dit au sujet de la fille du maire.

Il agita la main devant lui comme pour chasser les paroles du jeunot. Luke vit Elise serrer le poing sans rien dire.

— Livink n’est pas là, et de toute façon il a dit lui-même qu’il allait se débarrasser du vieux. Aller va chercher une échelle pour notre jolie invitée ! Tu ne veux quand même pas la partager avec les autres ?

Fils de pu…

— C’est qui celui-là ? hurla la sentinelle en levant son arbalète avec précipitation.

Luke cligna des yeux sous la surprise. Merde quel con ! Il était sorti de la cachette sans réfléchir, son sang n’avait fait qu’un tour en les entendant parler. Elise le regardait avec surprise, mais elle hocha la tête avec approbation.

— Tu as raison Luke, pas la peine de parler avec eux.

— Attends no…

— Recule un peu, je ne voudrais pas te blesser.

Sous les yeux médusés de l’amnésique, Elise attrapa un épais livre rangé dans sa sacoche.

— Toutes ces années j’ai attendu, dit-elle avec force. Je n’étais pas assez forte toute seule, et je n’aurais pas supporté d’envoyer le village à la mort. Mais aujourd’hui c’est fini, j’ai assez supporté ces porcs !

Quelque chose changea dans l’atmosphère autour de la jeune femme, sa bonne humeur et sa gentillesse venait de disparaitre, remplacé par une aura bien plus menaçante.

Elise ouvrit son livre, dévoilant des écritures impossibles déchiffrer. Une énergie tourbillonna dans l’air tout autour d’elle, se rassemblant autour de sa main droite. Elle l’agita, et ce fut comme si le vent se changeait en flammes. L’amnésique eut un pas de recul.

Elle vient de créer du feu ?

Le visage de la jeune femme dévoilait une intense concentration, et de la sueur perlait sur son front. La température augmenta encore, forçant Luke à reculer davantage. De plus en plus de flammes apparurent, et le feu commença à se rassembler petit à petit en une sphère rougeoyante. La création d’Elise continua de grossir, jusqu’à mesurer presque trois mètres de diamètres.

Devant ce spectacle aussi beau que terrifiant, les soldats commencèrent à paniquer.

— C'est un grimoire magique ? s’affola le plus jeune.

— Ferme-la et tire lui dessus abruti ! Elle doit stopper son sort !

— J’ai assez baissé la tête pour le reste de ma vie ! cria-t-elle pour les provoquer.

Un des arbalétriers tira, et le carreau fonça sur la jeune femme. Une lame le trancha dans les airs, et Sho’Ryu s’écarta aussitôt.

Elise pointa le bras en direction de l’avant-poste, et le projectile enflammé – comme poussé par une puissante rafale – fut propulsé contre la porte. Au moment du contact une immense explosion retentit, des morceaux de bois furent projeté dans tous les sens, et une partie du mur s’effondra sous la puissance de l’attaque.

Incroyable.

L’odeur de brulé et le souffle de l’explosion firent retrouver à Luke ses esprits. Il se rendit compte qu’il était au sol, sous le choc du spectacle auquel il venait d’assister. Devant lui, Elise haletait comme si elle venait de courir pendant une demi-heure. Quoi qu’elle ait fait, cela lui avait demander des efforts intenses. Elle se retourna vers l’amnésique en souriant.

— Tu vas bien ? s’enquit Elise en l’aidant à se relever. Tu peux rester en arrière si tu as peur, tu nous a déjà bien aidé, tu n’as pas obligé de risquer ta vie.

— Non ! répondit Luke gêné. Je suis prêt à me battre ! Je suis juste… surpris !

Elle inclina la tête sur le côté, avant de montrer le livre dans ses mains, sur la couverture un autre de ces étranges symboles était dessiné.

— Je n’ai pourtant pas caché que je possédais un grimoire, dit-elle avant de réaliser. Oh non ! Tu as oublié l’existence des mages ? Pourquoi tu n’as rien dis hier ?

— Vous m’aviez désigné comme votre chef, répondit Luke en toussotant. Passer pour un idiot aurait détruit votre confiance en moi.

— Ne t’inquiète pas, lança Sho’Ryu. Nous sommes seulement deux à le savoir maintenant.

Génial.

— Ça va Elise ? s’enquit le Nijimien.

— Parfaitement, assura la jeune femme en se retenant de rire.

— Ne perdons pas plus de temps.

Le jeune guerrier s’élança en avant, comme prédateur se lançant après sa proie. Il ne se dirigea pas vers les ruines de la porte, mais vers la muraille.

Ce que Luke vit fut presque aussi surprenant que les pouvoirs d’Elise. Eddie l’avait déjà impressionné avec ses capacités physiques, mais Sho’Ryu était encore dans un monde à part.

Sans arrêter sa course, il sauta une première fois, prit appui sur le mur et se propulsa jusqu’en haut de la muraille. Un des arbalétriers – qui venait de se relever après l’explosion - hoqueta sous la surprise. Le plus jeune visait déjà l’intru. Sho’Ryu dégaina en un éclair l’épée accroché à sa gauche, et son katana noir brilla d’un éclat sinistre.

Il vient de faire un bond de plus de quatre mètres là ?

Avec dextérité, d’un mouvement qu’il semblait connaitre par cœur, il trancha la gorge de son premier adversaire. L’autre tira, mais Sho’Ryu pivota sur lui-même et le carreau le frôla sans le toucher. Il termina son enchaînement en plantant sa lame dans le cœur de la seconde sentinelle.

Derrière la muraille, les cris de panique lié à l’explosion, se joignirent les cris de panique lié à l’apparition d’un guerrier Nijimien.

Luke se sentit soudain bien inutile, comparés à ses deux compagnons. Mais ce n’était pas le moment de se morfondre, Elise était déjà partit devant lui. Il prit une grande inspiration, puis s’engouffra à sa suite dans l’avant-poste.

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