Chapitre 7 - We All Lie

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 Carmen était assise sur ses genoux, face à lui. Aujourd'hui, pas de corset blanc comme elle aimait porter, mais de beaux sous vêtements rouges qui contrastaient avec sa peau de porcelaine. Toujours aussi belle, aussi fragile. Timide, aussi. Ses yeux regardaient ailleurs alors qu'il reprenait une bouffée de cigarette. Il aimait la contempler, mais la jeune femme ne s'y habituait pas. Avait-elle compris pour le meurtre du sénateur ? Sûrement. Natsu n'en doutait pas. Ça n'aidait pas à la mettre à l'aise. Il fallait trouver quelque chose pour adoucir l'ambiance.

 Du regard, il désigna l'énorme sac à main qu'elle avait amené et posé à l'entrée.

— Je peux te demander ce qu'il y a dans ce sac, questionna-t-il d'une voix douce.

Elle se retourna, regardant à son tour l’objet désigné, puis répondit avec hésitation :

— Oh ça c'est… hm… En fait, comme je refuse tout le monde sauf vo- toi, eh bien j'ai pris de quoi m'occuper.

 Gênée, elle se leva et récupéra son sac pour en sortir deux livres, qu'elle montra à Natsu. L'un avait pour couverture un tableau, représentant un diablotin assis sur une femme nue, où l'on pouvait y lire “The Devil in Love” ; Natsu ne put s'empêcher de sourire en voyant ce roman. Bien sûr qu'il le connaissait, celui là. L'autre était écrit en japonais, mais le titre était connu de tous : “Twilight”. Il leva les yeux au ciel. “Pitié, pas ce bouquin” pensa-t-il. Carmen ne vit pas l'air exaspéré de Natsu et commença à présenter ses livres.

— Celui la est un livre français. Mais j'essaie de le lire en anglais car il n'est pas traduit ici… C'est un peu difficile mais je m'accroche car j'aime beaucoup l'histoire ! Il s'appelle-

— Le diable amoureux.

 Elle se stoppa, visiblement surprise qu'il puisse connaître. Puis l'hésitation laissa place à la curiosité, à la passion. Ses yeux avaient une lueur nouvelle que Natsu ne lui connaissait pas.

— Est-ce que tu l'as lu ? Tu en penses quoi ? Je ne connais personne qui l'ai lu ! À vrai dire, je ne parle avec personne... mais il ne me semblait pas que ce livre était connu !

 Natsu éclata de rire ; elle était adorable avec ses grands yeux verts grands ouverts. Il ne côtoyait, d'ordinaire, pas d'êtres aussi innocents qu'elle. Et, pour lui, il s'agissait d'une véritable bouffée de fraîcheur dans son monde de luxure et de violence. Les traits amaigris de son visage montraient à quel point sa vie était loin d’être simple, mais la petite étincelle qui illuminait son regard lorsqu’on prêtait un peu d’attention à l’un de ses centres d'intérêts lui rappelait qu’elle n’en restait pas moins une jeune humaine, éloignée de la brutalité de son univers. Les humains, il aimait les regarder, les détailler, les étudier. Mais, en dehors de ses relations sans lendemain, il n’en fréquentait que très peu, pour ne pas dire : aucun.

 Eteignant sa cigarette, il l’invita ensuite à venir s'asseoir sur le lit. Natsu voulait sentir son corps près du sien, humer son parfum délicat, admirer de plus près chacune de ses mimiques. Carmen vînt près de lui, ses bouquins à la main, boudeuse qu’il ait interrompu son excès de joie par son rire moqueur. Il se décala, et se repositionna pour faire en sorte qu’elle se retrouve entre ses jambes, puis posa son menton sur son épaule. Il l'entoura de ses bras et lui chuchota à l’oreille :

— Continue de me parler de tes livres. Tu es si belle quand tu en parles.

— C’est gênant, et v- tu vas encore rire de moi.

— Je ne me moquais pas de toi, et je ne rigolerai plus, promis.

 Elle se retourna pour lui faire face, vérifiant qu’il ne lui mentait pas. Il ne pouvait pas mentir, de toute façon, mais ça elle n'en savait rien. Elle regarda à nouveau ses livres.

— Est-ce que tu l’as finis ce livre, Natsu ? Tu lis beaucoup ? questionna-t-elle d’une voix plus calme cette fois ci, dissimulant son engouement.

 Il hocha la tête.

— Oui, je l’ai lu il y a quelques années déjà. On peut dire que je lis lorsque j’ai un peu de temps, et toi ?

— J’adore lire, dit-elle en caressant la couverture de ses livres. Je fais des études de Lettres et j’espère pouvoir écrire un roman moi aussi, un jour. Mais ce dont je rêve le plus c’est de tenir une bibliothèque. Être entourée uniquement d’ouvrages, et de gens qui aiment les romans autant que moi.

— Et quels types de livres préfères-tu ? demanda Natsu à sa petite ingénue.

 Elle prit quelques instants avant de répondre, ses doigts glissant le long des pages de ses romans.

— Tout ce qui est en rapport avec le fantastique.

— Ce qui explique Le diable amoureux et Twilight.

 La jeune femme esquissa un faible sourire.

— Ça me permet de m’évader de la réalité, j’imagine. Je me sens plus à l’aise à lire des histoires de sorcières, vampires, loups-garous, diables et anges que des histoires avec des humains comme toi et moi, soupira-t-elle avant de marquer une courte pause. Et toi, Natsu, qu’est ce que tu aimes lire ?

— Un peu de tout, je n’ai pas de préférence particulière, il faut juste que ça capte mon intérêt.

 Il jouait avec ses cheveux pendant qu’il lui parlait. Carmen, quant à elle, feuilletait les pages d’un des livres. C’était si calme et apaisant ; seul le bruit du papier entre ses doigts, les battements de son coeur et sa délicate respiration résonnaient dans la pièce.

 Natsu tapota “Twilight” du doigt :

— Et qu’est-ce qui te fait aimer ce livre là ?

— J’aime bien tout ce qui concerne les vampires.

 Il retint un rire, et manqua de s’étouffer. Il lui avait pourtant promis de ne pas rire mais la situation était beaucoup trop drôle à son goût.

— Mais ils brillent, Emi. Et Edward, là, il boit des animaux. Quel vampire se nourrit de cette manière ? s’indigna-t-il.

— Peut être que les vampires brillent au soleil, on ne sait pas. Et qu’est ce qui les empêcherait de boire le sang des animaux ?

 Il se mordit la lèvre pour ne pas répondre, pour ne pas lui dire qu’un vampire ne brillait pas au soleil, et qu’il ne pouvait pas se repaître sur les animaux, le sang des humains suffisait à peine à assouvir leur soif, alors celui des animaux ? Ils crèveraient de faim.

— Je pense vraiment qu’ils sont loin des vrais vampires, bougonna Natsu.

— Très bien, Monsieur-je-sais-tout, et c’est quoi, un vrai vampire, alors ?

 Il haussa les épaules. Il ne pouvait pas lui répondre sans lui dire la vérité, alors il détourna son attention en l’embrassant dans le cou. “Tu me chatouilles” lui dit Carmen en riant.

 C'est ainsi que se déroula la majeure partie de leur soirée, blottis l’un contre l’autre sous la couverture. Elle lisait dans ses bras, pendant qu’il lui soufflait la traduction des mots sur lesquels elle avait du mal. Natsu et elle s’étaient mis d’accord pour lire Le Diable Amoureux, et qu’ils ne parleraient plus de Twilight pour ce soir. Il aimait lire les fabulations des humains à leur sujet, mais des vampires qui brillent au soleil ? C’était définitivement trop pour lui.

 La jeune femme s’était endormie en lisant. “Assez prévisible” pensa Natsu. Pendant un instant, il songea à passer la nuit ainsi. Profiter du silence avec elle, oublier ce qui l’agaçait ces derniers temps. Surement n’avait-il pas réalisé qu’il appréciait bien plus ses moments avec la jeune humaine qu’il ne souhaitait l’admettre.

 Mais le vibreur de son téléphone lui rappela ses responsabilités, et qu’il serait irréfléchi de sa part de les ignorer. Natsu sortit discrètement l’appareil de sa poche, faisant bien attention à ne pas réveiller Carmen ; c’était un message de Niel. “Trouvé. Evidemment, il ne veut pas parler. Je le ramène pour que tu puisses faire joujou avec.”

 Ils devaient toujours rendre ça compliqué. Ne pouvaient-ils pas simplement répondre lorsqu’on posait une question aussi simple que “Pour qui travailles-tu?” Non. Il fallait qu’ils deviennent soudainement muets. Il soupira, pourtant amusé.

 Il s’extirpa du lit, aussi silencieusement que possible puis s’étira. Il sentit la main de Carmen retenir son bras, elle était réveillée.

— Natsu… ?

— Oui, Princesse ?

— Le sénateur… C’était toi, n’est-ce pas ?

 Il se libéra de l'emprise de la jeune femme sur son bras, avec le plus de douceur possible, puis se pencha vers elle pour déposer un tendre baiser sur son front avant de répondre :

— Peut-être.



 Les nuits étaient fraiches. C’est tout du moins ce qu’il en déduisit lorsqu’il vit que les températures avaient rendu son souffle visible, laissant un semblant de fumée à chacune de ses respirations. Les rues étaient quasiment désertes, seules quelques âmes perdues comataient au sol, au mieux sur un banc, visiblement trop saoules pour retrouver le chemin de leurs domiciles. Les seules personnes tenant un temps soit peu sur leurs deux jambes qu’il rencontra en chemin étaient soient des humains qui se vidaient de leur dernier repas ou des prostituées. Il en connaissait la plupart, elles ne lui adressaient qu’un petit sourire aguicheur, les autres, bien plus entreprenante le forçait parfois à marcher pendant plusieurs minutes pour qu'elles abandonnent. Natsu fit un constat qui l’agaça un peu plus : les nouvelles prostituées rencontrées en chemin n’étaient pas des filles qu’il avait embauché. Il en déduisait rapidement qu’elles appartenaient au même réseau que Carmen.

 Pensif, il laissa ses jambes le mener jusqu'à son club où il avait rendez-vous avec Niel. Pas de moto ce soir, l'hôtel dans lequel il avait convié sa petite humaine était dans le même quartier et il soupçonnait le proxénète d’Emi d’avoir compris à qui appartenait la moto, il devait donc se faire un peu plus discret.

 Passant sous un pont, il ne put retenir une grimace. L’odeur d’urine émanant des sans-abris qui dormaient ici étaient difficilement soutenable pour son odorat délicat et il en venait à haïr sa condition dans ces moments là. Il pressa le pas, les mains dans les poches, avant de se faire aborder une énième fois par une prostituée qu’il n’avait pas vu.

— Toi. Pscht, le beau gosse. Arrête toi.

 Natsu s'arrêta, non pas parce qu’on lui avait demandé, mais parce qu’au delà de l’odeur pestilentielle que dégageait l’endroit, il reconnu une autre odeur, toute aussi présente, et qui appartenait à la femme. Il tourna les talons pour lui faire face : une japonaise aux longs cheveux bruns, dans une robe rose criarde, cherchait à le séduire. Seul son parfum trahissait sa véritable nature, celle ci avait réussi à rendre ses iris totalement semblables à celles des humains.

 Elle eut un mouvement de recul quand elle comprit à qui elle avait affaire.

— Alors comme ça les kitsunes n’ont plus assez d’odorat et confondent les vampires avec de vulgaires humains ?

 Sur ses gardes, elle recula un peu plus, incertaine des intentions qu’il avait à son égard. Ses pupilles commencèrent à se dilater, ses ongles à se transformer en griffes. Sur la défensive, la femme renarde était sur le point de prendre la fuite, consciente de ne pas pouvoir s’en sortir vivante si elle devait se confronter à lui.

 Natsu inclina légèrement la tête sur le côté, avec l’air le plus calme possible. Ce n’était pas un combat qu’il recherchait ce soir.

— Ne pars pas, je ne compte pas te tuer. Simplement surpris de voir une kitsune sur mon territoire.

 Il disait vrai. Les kitsunes, ces femmes renardes, étaient connues pour envoûter les hommes. À l'époque, certaines en profitait pour dévorer leurs viscères, mais, de nos jours, elles avaient compris qu'il était plus lucratif de leur soutirer de l'argent. Elles ne représentaient pas un réel danger, même les chasseurs les ignoraient. Relativement faibles au combat, elles mourraient si on leur tranchait la tête. C'était des êtres relativement fragiles, qui excellaient dans la fuite et l'esquive, surtout lorsqu'elles reprenaient leurs véritables formes.

 À ses mots, la femme renarde reprit confiance et revint totalement sous forme humaine.

— Je ne pensais pas être sur le territoire de qui que ce soit. Je viens d'arriver. Peux-tu me tolérer, vampire ? Je ne compte tuer aucun humain.

 Il s'approcha d'elle en fouillant dans sa veste, avant d'en sortir une petite carte de visite qu'il lui tendit.

— Je n'ai pas le temps de m'attarder. Voici mes coordonnées, contacte moi à l'occasion. Et tu peux rester là. Tu ne me dérange pas tant que tu n'attires pas l'attention.

 Elle accepta la carte en inclinant légèrement la tête, en signe de politesse et respect. Lorsqu'elle se redressa, Natsu était déjà parti.

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