Résistance

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Les moutons bêlaient de peur. Dehors, le vent soufflait ardemment sur la forêt. Les branches des arbres s'entrechoquaient, se déchiraient, les troncs chancelaient dangereusement. D’épais nuages couvraient les reflets de la lune et assombrissaient davantage les lieux. Dedans, les fenêtres claquèrent à plusieurs reprises, réveillant Bauer lors de ses courts épisodes de somnolence. D’ailleurs, l’une d’elles éclata. Les bourrasques s'y engouffraient, le feu ne démontra aucune résistance. La situation l'amena à renoncer au sommeil. Il patientait, dans la pénombre, la bouche sèche. Terriblement sèche. Peut-être que son soulagement arrivait. S’il ne pouvait se servir de l’eau venant du sol, alors il se contenterait de celle venue du ciel! Encore fallait-il qu'il plût. Malgré la tempête, aucune précipitation n’était constatée, aucune goutte.

Il attendait, assis sur le lit. Les minutes passaient. Puis, les heures. A mesure que l'horloge tournait, une pâte visqueuse se formait en bouche. Il avait cuit une moitié de saumon dans une bassine remplie de l’impureté du puits. À son tour, contaminée, elle aussi. Le goût était intolérable. Anton avait mangé des tomates, qui avaient soulagé ses papilles. Dans ses pensées, il dériva vers un moyen de se procurer un ravitaillement exceptionnel. Sa survie en dépendait.

Résigné à l’idée qui lui vint, il entendit un couinement s'amplifier de plus de plus. Il déduisit ce qu'il se passait, puis, un fracas tonitruant retentit. Le sol trembla. Ni une, ni deux, il s’extirpa du lit, les yeux encore écarquillés, saisit son pistolet, sa lampe tempête et surgit hors de sa demeure. Anton sut d’où avait émané le vacarme. A l’arrière de chez lui, dans la zone élevage.

Bauer prévoyait de louer le dos de son destrier au pelage brun, à la crinière noire, pour chercher, dans le village le plus près, plusieurs bidons d’eau. Ou plutôt, les dérober. Hors de question de donner quoique ce soit à ces bouffeurs de fromages, à part le plomb.

Derrière, les vaches dormaient, imperturbables. Les moutons n’avaient cessé leurs cris. Le poulailler était sans doute plein. Lorsque Bauer tendit sa lampe en direction de l’abri équestre, il faillit lâcher prise. La vue était effroyable : un chêne vétuste broyait la bête et la coupait grossièrement en deux. Ses boyaux jonchaient le sol hors de l’abdomen. Bauer s’approcha de la partie avant du corps. L’œil de l’animal suivit son mouvement, implorant son maître. Il n’était pas mort. Il braqua son arme, sans bouger d’un millimètre en dépit du vent, et l’abattît d’une balle dans le cerveau. Impartial. Sauf cette coïncidence glaçante : à peine avait-il décidé de chevaucher que l’arbre chût sur le cheval.

Un frisson lui parcourut le dos.

*

Le matin, au réveil d'une très courte nuit, sa gorge brûlait. Elle était irritée par l'acidité de la salive pâteuse, encombrant ses voies digestive et respiratoire. Il toussota pour l'expulser. Anton prit la dernière tomate de la récolte. La teneur en jus apaisa un peu sa soif.

Entêté, furieux contre la nature qui s'était déchaînée contre lui, il sortit examiner le puits, se servit, goûta, et son estomac se comprima. Sa tête se gorgea de sang dans l'effort, ses paupières retinrent ses yeux qui manquaient de se déloger sous la pression. Fatigué et dépité, il se frappa la tête contre le bois de l'ascenseur avant qu'un excès de rage l'emportât. Il cogna de son pied la poutre sur laquelle la poulie était fixée avec une force surhumaine. Il cogna. Encore et encore, hurlant, extériorisant sa colère et sa frustration sur l'élément perturbateur de sa vie. Essoufflé, il stoppa sa frénésie. Il sentit battre un cœur sous sa plante de pied. Des oiseaux, pris de panique par les hurlements de l'homme enragé, s'envolèrent au-dessus de la cime des bois, au-dessus de lui. Voyager. Il songea au cheval. Anton pivota sur lui-même, s'élançant d'un pas irrité vers la façade ouest. Au loin, l'arbre abattu. Le corps de l'étalon, broyé, un trou dans la cervelle. C'était bien réel. Il ne l'avait pas rêvé. Que lui valait cet acharnement si soudain contre lui ? À quoi rimaient ces coïncidences ? Il ne tarderait pas à le comprendre.

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