Chapitre 3

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3 - Dépression atmosphérique

- « C’est l’heure mon Tim… »

Gaëtan chuchote, mais Timéo ne bouge toujours pas. Ses yeux un peu bridés résistent.

- « Tim ! »

Un peu plus fort, mais sans succès. Gaëtan soupire. Ca commence déjà. Même pas arrivé à terre, et on l’embête déjà avec des horaires, des contraintes, les conventions qui viennent lui pourrir sa liberté. C’est son île qui lui a fait ce cadeau infini, comme elle l’avait fait pour lui-même étant petit. Un héritage en quelque sorte. La petite enfance de Tim aura été trop courte, à peine quatre ans d’insouciance. Du temps pour voir, observer, imaginer, s’ennuyer, apprendre. L’arrivée dans le monde des adultes sera rude. Se lever, courir, respecter un emploi du temps – quelle expression abominable - dire oui, d’accord, tout de suite. La liberté est dans ses gènes, la résistance aussi.

Gaëtan ouvre les volets à contrecoeur. Les petits yeux et les sourcils se froncent ; les mains se précipitent sur les paupières.

Tim marmonne.

- « Bonjour Papa ».

- Bonjour mon poussin. Il est l’heure. »

Timéo gémit, le sommeil le rattrape un instant. Quand il rouvre les yeux, son père a disparu. Le parfum du chocolat l’incite à se lever, mettre ses chaussons, et un gros pull. Il lui arrive presque aux chevilles. Gaëtan constate l’air mi-rigolard, mi-dépité du petit garçon.

- « On s’en fiche mon Timy, tu as chaud, c’est ça l’important !

- J’ai pas trouvé ma robe de chambre. »

Il grimpe sur la chaise de paille et sirote le liquide. Tous les matins il essaie d’aspirer les petites bulles à la surface. La réalité surgit alors qu’il regarde par la fenêtre : le ciel est calme, et le soleil semble vouloir s’installer. La météo prend des libertés incroyables avec leur vie.

- « La navette part à 11h30, on a le temps. »

Les paroles de son père sont lourdes. Dans leur sillage, Timéo baisse la tête dans son bol. Pas bavard le petit ! Evelyne, la propriétaire de l’unique commerce de l’île a décrété qu’il était aussi ours que son père.

- « Aussi bourrus et causants que mon mari ! Ca va lui faire drôle au petit, de revenir à terre ! ».

Les tartines sont englouties, reste le gros morceau.

- « Papa, on va lui dire quoi, à Maman ?

- On lui dira ce que tu m’as dit hier soir. Que tu veux rester ici.

- Et ça va marcher ?

- Non, ça m’étonnerait… On essaie quand même hein.

- Ouai… Tim réfléchis. « Alors je préfère mon truc à moi. Tu sais, l’étoile et la fée dans Pinocchio ? J’ai fait un vœu avant de m’endormir. »

Gaëtan cache son sourire derrière sa main, se racle la gorge.

- « Oui oui ». Il tousse, la gorge serrée. Il n’imagine pas vivre sans cette meilleure mini-partie de lui.

« Je connais. J’aimerais bien que ça marche aussi… Mais tu sais, maman a raison, et je suis d’accord avec elle. Il n’y a pas de CP ici, et tu seras bien avec elle à terre, vous allez être contents de vous retrouver.

Mayday, Mayday, Mayday. Des sanglots dans la voix, le petit argumente, l’index glisse sur la bouteille.

- Je sais déjà lire. Regarde : « Lait s…té…ri…lisé UHT demi-é…c…cr…é…mé ». Et là, écoute bien : con..fiture de fff..rase. »

- Fraise. C’est très bien. Je sais bien que tu sais déjà plein de choses. On apprend à compter aussi au CP, c’est super !

- L’autre jour, j’ai compté toutes les barques devant la maison, y’en avait 11. »

Son père s’est déjà levé, la discussion est finie. Il ne faudrait pas que Tim se rende compte qu’ils sont du même avis.

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