13- Compte sur moi (1/2)

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Hélio avance en rasant les façades. Il a réussi, par il ne sait quel miracle, à voler une combinaison de combat. Il a trouvé la force de l'enfiler pour ensuite sortir du complexe de l'Interface sans se faire repérer. Depuis il se dirige vers le seul endroit où il a jamais trouvé de l'aide dans B2 : l'avenue des Merveilles. Même si c'est de la folie. Même si chaque pas est une torture. Même si à chaque personne qu'il croise, il perd son souffle tant il est certain qu'on va l'arrêter.

Pourtant il continue. Quand l'envie d'abandonner l'étreint, il regarde le sol gris et triste de Bulle. Il y trouve le corps étendu de Téodime qui vient le hanter. Quand il relève la tête pour échapper à cette terrible vision, il croise le regard mortellement déterminé de Kaly qui lui interdit d'être faible. Il continue, chacun de ses pas est l'éloge funèbre d'un de ses compagnons.

Enfin, il pénètre dans l'avenue. Bientôt, il poussera la porte du G0, il retrouvera Saul. Celui-ci saura quoi faire. Il le faut !

Malgré son casque sensé lui procurer une parfaite vision nocturne, il n'aperçoit pas l'enseigne familière là où elle devrait se trouver. Arrivé à quelques mètres du bar, il comprend qu'espérer était illusoire.

En passant devant, il ne découvre qu'un trou béant où gisent les restes du décor qu'il a tant aimé. Tandis qu'il continue d'avancer comme un automate, quelques larmes glissent sur ses joues.

Après quelques mètres, il fait demi-tour. Il n'a plus rien à espérer de l'avenue des merveilles. Hagard, il essaie de réfléchir, il doit bien y avoir un endroit où se réfugier.

Alors qu'il s'apprête à repasser devant les décombres du G0, quelques notes sifflées manquent de le faire trébucher. Il reconnaît aussitôt la mélodie d'une vieille chanson que Saul lui a appris. Ils la chantaient tous les deux quand tout allait mal. La dernière fois remonte à la chute de Noway dans le DC. Les paroles disent qu'on peut toujours compter sur un ami quand les problèmes sont trop lourds à porter.

Hélio se ressaisit. Ce n'est rien qu'une hallucination générée par son esprit au bord du gouffre. Ereinté, il poursuit péniblement sa route. Les notes sifflées s'accrochent à ses pas. C'en est trop ! Il doit s'y résoudre, accepter qu'il se trouve dans une impasse. À bout de forces, il décide de réaliser un dernier souhait, dérisoire. Il voudrait chanter cette chanson une dernière fois comme un adieu à Saul. Il retire son casque et se met à fredonner.

Soudain, il est saisi par le bras et entrainé dans un recoin. Résigné, il se tourne pour faire face à son agresseur. Il découvre une jeune femme grande et fine comme une brindille. Son maquillage outrancier ne parvient pas à cacher la détermination brillant dans ses grands yeux noirs. Elle se met à siffler quelques notes de la chanson de Saul.

  • Je suis Lia. Tu sais qui m'envoie. Suis-moi ! enchaine-t-elle d'une voix précipitée en lui prenant la main.

Sans hésiter, il lui emboîte le pas.

Elle avance d'un pas rapide dans la ruelle étroite et sombre tandis qu'il fait de son mieux pour ne pas la ralentir. Il manque de lui tomber dessus quand elle s'arrête sans prévenir. La jeune femme lui lâche la main pour fouiller dans son chignon laissant échapper quelques mèches rebelles aussi sombres que ses yeux. Un instant plus tard, elle en sort un rectangle pas plus grand qu'un de ses ongles. Hélio identifie aussitôt l'objet : une clef volée certainement. D'habitude, elles sont insérées dans un holobracelet.

Lia passe celle-ci contre la paroi à sa gauche. Une porte s'y matérialise puis s'ouvre. La jeune femme reprend la main d'Hélio avant de s'y engouffrer. L'obscurité est presque totale pourtant la jeune femme se déplace comme si elle y voyait. Elle paraît connaître les lieux comme sa poche.

Elle s'arrête une nouvelle fois pour déplacer une grille encastrée dans un mur.

  • Il va falloir progresser à quatre pattes puis ramper, annonce-t-elle à Hélio. Tu peux ?
  • Oui, répond celui-ci même si, au fond, il ignore de quoi il est encore capable et surtout pour combien de temps.

Cela suffit à Lia qui se baisse et s'engage dans l'étroit boyau. Il attend qu'elle progresse de quelques mètres pour s'y glisser à son tour. Tout son corps proteste. Il est heureux que Lia soit devant, cela lui évite de devoir cacher les grimaces que la douleur engendre. Un peu plus loin, après un coude, le conduit se rétrécit, ils doivent se mettre à ramper. Dans cette position, il ne peut s'empêcher de laisser échapper quelques gémissements.

Pour donner l'image du combattant fort et impassible, il faudra repasser, pense-t-il amèrement. C'est dommage, elle est si jolie... On aurait fait un beau couple. Je suis sûre que ses lèvres sont délicieuses à embrasser...

Un haut le cœur au goût acide et métallique le ramène à la réalité.

N'importe quoi, pauvre abruti. même en pleine forme, t'aurais aucune chance. Je suis sûr que son genre, c'est Noway ou Will... pas un gringalet comme toi, qui plus est à moitié mort !

  • On s'arrête, l'informe Lia qui heureusement, n'est pas télépathe.

Hélio obéit espérant que cet arrêt signifie la fin de son calvaire. Il ne tiendra plus très longtemps.

Lia descelle une plaque juste sous ses mains puis se repositionne de manière à mettre ses pieds dans l'ouverture. D'un coup de hanche, elle y disparait tout entière. Un bruit sourd suit.

  • À toi maintenant, chuchote la voix de Lia en contrebas.

Hélio regarde le trou. Tout est cotonneux, il ne parvient pas à aligner deux pensées cohérentes. Il ne sait qu'une seule chose : Il ne peut pas sauter. Il a froid, il sent à peine ses membres et quand bien même il les percevrait, il n'a plus aucune idée de comment s'y prendre. Respirer lui demande déjà un effort considérable.

  • Allez Hélio ! Je sais que c'est dur mais tu peux le faire ! Un dernier effort, on y est presque ! Saul compte sur toi ! l'encourage Lia.

Saul... Il est vivant ! Il m'attend !

Hélio réunit les lambeaux de courage et de force qui lui restent. Il se concentre sur chaque mouvement. Un à un, ses gestes le rapprochent de l'ouverture. Fébrile, il finit par se laisser glisser dans l'ouverture. Il atterrit lourdement quelques mètres plus bas. Lia, avec une force surprenante compte-tenu de sa stature, ralentit sa chute mais ne peut l'empêcher. ils se retrouvent tous les deux allongés sur un sol dur et froid. La jeune femme lui adresse un bref sourire avant de l'aider à se relever.

  • Allez, dans une dizaine de mètres, tu pourras te reposer, lui assure-t-elle en l'aidant à avancer dans un couloir semblant à l'abandon depuis longtemps.
  • Où sommes-nous ? parvient-il à demander.

Cela n'est pas très important mais parler lui permet de rester conscient.

  • Sous Bulle, dans ses fondations, là où vivaient ceux qui l'ont mise en service.

Lia pousse une porte. Elle étend Hélio au sol ou peut-être sur un matelas sommaire.

  • Voilà, nous y sommes ! Tu vas pouvoir te reposer maintenant.
  • Où est Saul ?
  • Ne t'inquiète pas, Saul va bien. S'il avait pu, il t'aurait accompagné lui-même ici. Tu le verras bientôt, dès que tu seras rétabli.

Si je me rétablis ... pense Hélio avant de perdre connaissance.

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