Chapitre 1

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Je remonte l’écharpe sur mon nez tandis que je marche d’un pas rapide sous les réverbères d’un orange maladif. Malgré mon gros manteau, mes gants et mon écharpe, je ne peux m’empêcher de frissonner de froid. Nous sommes à la mi-septembre et à onze heures du soir, la température avoisine les quatre degrés. Je me surprends même à rêver des couvertures bien chaudes qui m’attendent chez-moi. Même si ce chez-moi n'est qu'une minuscule chambre d’étudiant de neuf mètres carrés dans une résidence universitaire.

J’accélère encore un peu le pas dans l’atmosphère glauque de la rue. Quelle idée stupide aussi que de rentrer à pied, surtout que ma résidence n’est pas toute proche du centre-ville. Mais la soirée d’intégration des premières années s'est finie tard. Les bus ne circulaient plus et comme le taxi coûte trop cher pour l’étudiante fauchée que je suis… Je souris un peu en repensant à notre soirée. Depuis longtemps, les deuxièmes années de notre école préparatoire organisent une soirée d’intégration pour les nouveaux élèves qui débarquent tout juste du lycée. Au programme, nul bizutage mais des petits défis amusants et un repas au restaurant en présence de nos professeurs. Bref, le meilleur moyen de nouer des liens entre deux classes qui se fréquentent peu pendant l’année.

Alors que je rêvasse, j’entends un bruit de pas dans mon dos. Je me retourne, légèrement angoissée, pour découvrir qu’un jeune homme d'une vingtaine d'année marche à six mètres derrière moi. Il porte un sweat-shirt noir dont la capuche est remontée sur ses cheveux. Je crois voir de là d’où je suis qu’il porte des écouteurs. Cependant, il n’a pas l’air de s’intéresser à moi.

Je me détourne, un peu mal à l’aise, et tente de me rassurer : je ne suis certainement pas la seule personne à rentrer à onze heures du soir. Par ailleurs, la rue que je longe est assez fréquentée même à cette heure-ci.

« Espèce de parano… » Je chuchote.

Il faut dire que, venant de la campagne, je ne suis pas une habituée des promenades en ville, et certainement pas en pleine nuit, ce qui explique mes nerfs un peu à vif.

Je continue de marcher un moment avant d’arriver à une intersection. Là, j’hésite quelques instants. En prenant à droite, je raccourcis d’au moins dix minutes mon trajet mais cela nécessite que j’emprunte une rue plus sombre, plus sinistre et dans laquelle les voitures et les passants sont plus rare à cette heure.

Pendant que je tergiverse, en proie au doute, l’homme de tout à l’heure me dépasse sans un regard dans ma direction.

Désormais sûre de ne pas être suivie pas un psychopathe pervers, je décide de tourner à droite, trop pressée de retrouver la chaleur de ma chambre et de plonger sous mes draps pour une courte nuit de sommeil.

Je marche d’un bon pas malgré la pente raide, désireuse de gagner l’avenue éclairée et fréquentée un peu plus haut. Je n’en suis plus qu’à quelques mètres lorsque j’entends une voiture dans mon dos. Celle-ci ralentit pour se porter à mon niveau. Il s’agit d’une voiture assez banale, grise, aux vitres teintées. Lorsque la vitre côté conducteur s’abaisse, je m’éloigne instinctivement pour me mettre hors de portée.

Le conducteur, un homme d’une trentaine d’années, se penche vers la vitre et m’interpelle :

« Mademoiselle ! Excusez-moi de vous déranger, pourriez-vous m’indiquer la rue Jean Moulin s’il vous plait ?

- Heu… Non désolée. Je ne suis pas d’ici.

- Ah… Et la place Gambetta ?

- Non plus, désolée. Je ne connais pas bien la ville. »

L’homme a l’air bien embêté.

« Je tourne en rond depuis au moins dix minutes. Pardonnez-moi si j’abuse de votre temps mais auriez-vous un portable et une connexion internet pour chercher la bonne direction ? »

Ça m’embête mais je décide quand même de l’aider. A moi aussi il m’est arrivée de me perdre. C’était quelques mois après m’être installée en ville et cette fois-là, j’étais bien contente que quelqu’un m’aide à retrouver mon chemin.

Je sors mon portable, tape Place Gambetta dans le moteur de recherche et cherche l’itinéraire le plus court à partir de notre position.

Lorsque ce dernier s’affiche sur mon écran, je m’approche instinctivement de la voiture pour le montrer au conducteur.

Alors que je suis au niveau de la vitre, bras tendu pour montrer mon téléphone à l’homme, la porte arrière s’ouvre et un homme à l’allure menaçante et à la carrure impressionnante en sort. Je tente un pas en arrière mais le conducteur m’attrape le bras avec une force surprenante.

« Lâchez-moi ! »

Je m’apprête à hurler pour alerter les riverains, pour que quelqu’un me vienne en aide, mais une main gantée s’abat sur ma bouche, me réduisant instantanément au silence.

Je me débats comme une diablesse mais l’homme est d’une force herculéenne. Il me maintient d’une main tandis que de l’autre, il sort de sa poche une seringue.

Mon sang se glace à cette vue. Des larmes de terreur inondent mes joues. Je sais déjà ce qui va se passer et je ne peux rien faire pour l’en empêcher. L’aiguille s’enfonce dans mon cou et déverse sous ma peau son contenu.

Très rapidement, mes forces m’abandonnent et je me sens glisser dans l’inconscience.

Ma dernière pensée cohérente est pour mon père :

« Tu avais raison papa, ça n’arrive pas qu’aux autres… J’ai été stupide. »

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