2.3 Cicero

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  M'installer dans le manoir ? Et puis quoi encore, mettre ma tête dans une armoire à disparaître ? J'en écris des bêtises quand je me réveille en pleine nuit. Il faut dire que je dors vraiment mal ici, et ça ne va pas en s’arrangeant. J'ai fais des cauchemars, ce qui ne m'arrivait plus depuis que j'étais gamine, et j'ai maintenant un mal de crâne lancinant. Il finira bien par passer. Cependant, si je ne m'y installe pas, je vais tout de même y refaire un tour, aujourd'hui. L'exploration est loin d'être terminée, et j'ai encore des portes scellées à ouvrir. À plus tard, machine à écrire de Beurk.

  Gosh. J'ai trouvé un cadavre. Pas tout neuf, heureusement, sinon je serais dans un tout autre état de panique. Où l'ai-je trouvé ? Dans un bureau, au premier étage. Il était fermé hermétiquement, et comme ma subtilité décline en même temps que ma patience, j'ai décidé de faire sauter la serrure d'un Bombarda. Cela a pris un peu de temps, il fallait abîmer les sortilèges de protection avant de toucher au but, mais en m'y reprenant à trois fois j'ai finalement réussi.

  J'ai découvert le corps immédiatement en ouvrant la porte, juste derrière. Il n'y avait pas d'odeur pestilentielle, on l'aurait dit momifié. Il doit bien avoir vingt ans de dessiccation dans les dents. Je l'ai fouillé avant toute chose, m'improvisant médicomage légiste. Je ne sais pas de quoi il est mort, aucune blessure n'est visible. Il portait une robe de sorcier, le contraire aurait été étonnant. Cependant, pas de baguette magique sur lui, alors peut-être que celle de tilleul lui appartenait. En cherchant dans son portefeuille, j'ai découvert qu'il s'appelait Cicero Tchekhov, de nationalité russo-croate. Né au milieu du vingtième siècle, il aurait difficilement pu croiser Beurk de son vivant. Il avait sur lui une plaque d’identification écrite en cyrillique, je ne suis pas sûre de ce qu'elle voulait dire mais cela ressemble à celle des Aurors ou des policiers moldus.

  Il était agrippé à une fiole, tellement fort que j'ai dû faire sauter son majeur et son annuaire pour réussir à la lui prendre. Si je n'ai retenu qu'une seule chose des cours de sciences de mon grand frère et de ses études en médecine moldue, c'est bien de ne jamais se risquer à débouchonner une éprouvette de solution non-identifiée. Rien que les vapeurs pourraient être dangereuses. Après cela, j'ai arrêté mes recherches sur le cadavre et commencé sur ce que j’appellerais la scène de crime, le bureau, bien que rien n'indique à coup sûr qu'il s'agissait d'un meurtre, ni même qu'il soit mort ici.

  Mais dans tous les cas, cet endroit pue la magie noire. Certains artefacts s'y trouvant produisent des chuintements glaçants. D'autres produisent des volutes de fumée peu rassurants. J'ai trouvé une tiare dont les pierres reflètent mon crâne, et non mon visage. Sur le coup j'ai cru que j'avais subi un maléfice, une rapide vérification m'a été nécessaire pour être sûre que j'avais toujours de la chair sur mes joues. Juste au cas où. L'un de ces objets est peut-être le responsable de la mort de Tchekhov.

  Mes recherches, bien que extrêmement dangereuses, ont fini par me permettre d'identifier la fiole. Il s'agit de poison de Manticore. Fameux, hein ? En ouvrant des tiroirs, j'ai trouvé une collection de poisons des plus fournies, tous dans des récipients en tous points similaires à celui qui se trouve désormais dans ma poche. Il n'en manquait qu'un seul, celui situé dans l'emplacement "Manticore", et mon instinct m'a soufflé de ne pas m'en séparer tout de suite, malgré sa dangerosité. Il y avait une raison qui avait poussé Tchekhov à le prendre et le serrer si fermement alors qu'il mourrait (ça ne peut être quelqu'un qui l'a placé là car la rigidité cadavérique en aurait été impactée, merci frérot pour les cours de soutien). Du coup non, ce n'est pas mon instinct qui m'a soufflé de le garder avec moi, en fait, plutôt ce raisonnement logique.

  La nuit vient de tomber, et j'ai du mal à m'endormir. J'ai l'impression que quelque chose m'échappe.

   Je devrais m'installer dans le manoir. C'est plus spacieux, plus agréable qu'ici. Je pourrais me chauffer plus facilement, et puis je ne serai pas constamment embêtée par le bruit des vagues. Les portes des chambres du manoir ferment à clé. Aucun risque d'une intrusion sans que je ne m'en rende compte : toutes les serrures résistent à l'Alohomora.

  C'est décidé. J'attends que mon mal de crâne matinal passe, je remballe mes affaires, j'éteins le phare et j'y vais. Je ne vais pas cracher sur un peu de luxe. De vraies vacances agréables, enfin.

  J'ai l'impression d'avoir pris plusieurs années au cours de ces quelques jours : mes mouvements sont plus lents et moins assurés. Il faut dire que mon mal de crâne ne passe toujours pas, je crois que le rhume d'avant hier n'est toujours pas passé. Je suis fiévreuse, du moins j'en ai l'impression. Heureusement, je suis maintenant au calme, dans une chambre spacieuse et parfaitement bien chauffée. J'ai transporté toutes mes affaires ici, ce qui m'a pris plus de temps que prévu. Transporter la machine a écrire, même avec un sortilège pour la porter à ma place, m'a exténué. Je vais me coucher très tôt, ce soir.

  J'ai encore une impression bizarre. Cette fois-ci, c'est la certitude d'avoir oublié quelque chose. C'est la même sensation que lorsque je pars en vacances et que je crois qu'il me manque mon portefeuille. La nuit vient de tomber, et ce noeud à l'estomac ne se desserre pas. J'essayerai tout de même de dormir.

   Combien de temps s'est écoulé depuis la dernière fois où j'ai posé mes doigts sur cette machine ? Oh, des années. Je ne saurais décrire mon bonheur à ce instant. Cette jeune sorcière est faible, une victime facile. De mon côté, j'ai appris à être patient, depuis mon dernier échec. Ne pas me précipiter et tendre méticuleusement mon piège. Sa baguette est brisée à présent, elle ne peut plus fuir, rien ne pourra la sauver. J'ai déjà gagné, ce n'est plus qu'une question d'heures avant qu'elle ne meure.

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