1.3 La vérité sur le Krampus

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Cela avait fait les gros titres. « Les révélations d’un enquêteur », « le Ministère abandonne les enfants nés-moldus au Krampus », « la politique autour de la Justice Magique mise à nue ». Joseph était plutôt satisfait de son effet. Même si il n’allait pas révolutionner le fonctionnement du Ministère, cela allait les secouer, eux et leur politique d’un autre temps. Il fit donc pour la dernière fois le trajet depuis sa maison jusqu’au Ministère. Il allait récupérer ses affaires et puis… le chômage. Franchement, à cinquante-sept ans, il était trop vieux pour un changement de carrière.

Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire, maintenant ? Son tempérament de Gryffondor le menait décidément sur des chemins accidentés… Il n’en regrettait rien.

— Mr Steamboat ?

Eileen Hilswood venait d'apparaître près de lui. Ils étaient dans le Hall du Ministère, s’approchant de l’ascenseur.

— Je vous cherchais. Je pense que j’ai trouvé la raison des enlèvements.

La jeune femme avait des cernes profondes, ce qui donnait l’impression que ses yeux étaient minuscules et enfoncés dans leurs orbites. Avait-elle dormi depuis qu’ils s’étaient vus, hier ?

— Dites-moi.

— Vous ne voulez pas qu’on parle dans votre bureau, plutôt ?

Elle n’avait aucune idée du fait qu’il venait d’être viré. Elle n’avait peut-être même pas lu l’édition de la Gazette du matin. Et vous savez quoi ? C’était une excellente nouvelle. Ça n’était pas parce qu’il avait été viré de l’enquête officielle qu’il comptait baisser les bras, oh là, non.

— Non. Sortons d’ici, je n’ai pas envie que mon équipe sache que j’implique quelqu’un d’extérieur dans l’enquête.

Le mensonge n’était pas terrible. Crédible que jusqu’à un certain point. La Langue de Plomb, heureusement, ne semblait pas trop dégourdie ce matin. Sa capacité d’attention à cet instant contrastait comme le jour et la nuit avec celle dont elle avait fait preuve à leur première rencontre. Elle le suivit donc sans protester jusqu’à un café dans le Londres moldu.

— Alors, qu’est-ce que vous avez ?

— Des Obscuri. Je pense qu’il cherche à créer des Obscuri.

De quoi parlait-elle ? Cela lui disait quelque chose, mais…

— Ce sont des créatures magiques, non ? Comment peut-on en « créer » ?

— Pas exactement, répondit-elle d'un air lugubre. Ce sont des parasites. Ils se développent dans le corps de leurs hôtes…

Elle s'arrêta un instant. Comme si elle espérait qu'il comprendrait ce qu'elle voulait dire. Mais il dut l'obliger à le dire de vive voix.

— Des enfants. Des enfants n’ayant pas encore appris à contrôler leurs pouvoirs. On les oblige à les réprimer, et ça… les ronge de l’intérieur.

Un frisson lui traversa l'échine. Il en avait entendu parler. Mais était-ce vraiment possible ? Créer des Obscuri ?

— Mais… cela fait des années et des années qu’aucun Obscurus n’a été aperçu !

— Plus les enfants sorciers sont en sécurité, moins il y a de risques. Depuis que le Secret Magique existe, les cas sont extrêmement rares. Ariana Dumbledore était sûrement une. Et le dernier Obscurial dont j’ai pu retrouver la trace s’appelait Croyance Bellebosse, il y a prêt de 200 ans. Grindelwald comptait utiliser son pouvoir pour devenir plus puissant que tous les sorciers l'ayant précédé... Maintenant, le Krampus s’en fait une armée...

Une armée de créatures déchainées, se nourrissant des pensées et des corps d'enfants innocents. Traumatisés. Il fallait absolument les retrouver. Avant qu'il ne soit trop tard.

— Combien de temps avons nous ?

— Je ne saurais le dire, exactement. Les Obscuri peuvent apparaitre après des années de mauvais traitements. Ou... un évènement particulièrement traumatisant.

Sa voix était de plus en plus rauque.

— Blessures. Tortures. Nous devons les retrouver maintenant.

— En tout cas, cela signifie qu’il n’est pas trop tard. On peut encore les sauver. Il faut mettre toute la brigade sur le coup. Fouillé l'intégralité des mondes magiques et moldus si il le faut.

Ah oui. Elle ne savait toujours pas la dernière nouvelle.

— Le Ministère a décidé de déférer des agents chez tous les enfants sorciers… sauf les nés-moldus. Les effectifs sur l'enquête en elle-même sont devenus risibles.

D'autant plus que lui-même ne comptait dans lesdits effectifs.

Eileen jura, et pas qu’un peu. Puis, elle se prit la tête dans les mains et se frotta les yeux. Soit elle était en intense réflexion, soit elle essayait juste de récupérer des micro-secondes de sommeil.

— Je n'ai pas la moindre idée de quoi faire. Nous n'avons pas la moindre piste.

— Si. J'en ai une.

Elle leva les yeux vers lui, ils étaient habités d'un espoir fou.

— Grindelwald, vous avez bien dit ?

Grindelwald. Le sorcier le plus terrible du début du 20ème siècle. Et surtout, c'était sa dernière enquête avant que les attaques du Krampus ne pleuvent. L’un de ses équipiers y avait laissé un oeil, lui quelques semaines à Sainte-Mangouste. Les sorciers qu'il avait arrêté suivaient leur idéologie arriérée à la lettre. Des intégristes complètement barjos, dans le genre des Mangemorts à l'époque, lisant les textes du mage noir comme si ils allaient y trouver la salvation.

— Peut-être qu’en enquêtant sur Grindelwald, nous pourrions obtenir plus d’informations sur la façon dont les Obscuri se développent. Trouver le modus operandi du Krampus.

Malgré son regard vide, il devina qu’elle était intéressée.

— Au cours d’une de mes enquêtes, on a délogé des adeptes de Grindelwald d’un de leur QG. On avait pas trouvé grand-chose sur place mais… en cherchant spécifiquement des choses sur les Obscuri, vous aurez peut-être plus de résultats.

Cette fille était une Langue-de-Plomb qui avait passé ces 12 dernières heures à étudier le sujet. S'il y avait une personne qui pouvait remarquer des indices manqués dans la zone, c’était elle.

— On y va ? Il demanda, impatient.

— Maintenant ? Que nous deux ?

— Vous avez envie d’attendre un nouvel enlèvement ? Oui, maintenant. L’endroit est vide de toute manière. On y va que pour récolter des indices.

Une fois sortis du café, ils pouvaient transplaner devant l'endroit en quelques secondes à peine. Hilswood lui saisit donc le bras, et ils disparurent en un « CRAC ».

En arrivant devant le vieux manoir, l’ex-enquêteur désactiva l’alarme magique qu'il connaissait bien d’un coup de baguette. Les deux sorciers pénétrèrent alors le bâtiment. Leur fouille n’allait pas se faire de manière méthodique, pièce par pièce : ils se montèrent immédiatement vers la bibliothèque, sachant très bien que ce qu’ils cherchaient ne se trouvait pas dans la salle de bain. Hilswood partit se perdre dans les rayons et lui, après avoir jeté un coup d’oeil dans le bureau, soupira. Chaque seconde qui passait l’éloignait de plus en plus de l’enquête officielle, et par conséquent du Krampus. Profiter des accès du Ministère tout en étant viré, ça n’allait pas durer très longtemps.

Il regarda le paysage par la fenêtre. Une forêt décidue s’étendait à l’horizon, qui devait être verdoyante en mai, mais qui actuellement ne ressemblait qu’à un enchaînement de troncs sombres et tortueux. Le sol était humide, jonché de monticules de neige en train de fondre.

De là où il était, il remarqua alors quelque chose : une forme grise, en plein coeur de la forêt, qui aurait facilement pu être camouflée par le feuillage si cela avait été la saison. On aurait dit… du ciment.

— Hilswood, lança-t-il. Venez voir.

— Qu’est-ce que… Elle plissa les yeux… On dirait un bunker.

Il en avait entendu parlé. C’était des structures moldues de la 2nde Guerre Mondiale, à l’époque où Grindelwald était en puissance.

— On y va.

— Vous êtes sûr ? Ça pourrait être dangereux.

— Gardez votre baguette prête. On appelle des renforts au moindre danger.

L’ex-enquêteur était téméraire, mais pas fou. S'il pouvait éviter de se faire retirer l’enquête, il le ferait, mais pas au point de risquer sa vie.

Retrouver le bunker à partir du plancher des vaches ne fut pas une mince affaire, car il était invisible à leur niveau. Même si leur vue n’était pas trop bouchée par les arbres nus, cela n’empêchait pas le terrain d’être difficile à arpenter. Ses chaussures et le bas de son pantalon étaient couverts de boue lorsqu’il déboucha enfin sur l’entrée de la structure.

— Par ici ! il appela, puisqu’ils s’étaient séparés pour couvrir plus de terrain.

Il ne l’attendit pas pour rentrer. Sa baguette fermement dans sa main, il descendit les marches. L'entrée continuait sur un long couloir entouré de mètres de béton. Bizarrement, il ne faisait pas sombre : des lumières moldues lui permettait d’avancer sans Lumos. Au bout du couloir, il arriva à un angle droit. Le chemin continuait sur la gauche, semblant ne pas avoir de fin. Tout était silencieux, malgré son impression de rentrer dans les entrailles d’un monstre.

Et à sa gauche…

— Oh, putain.

Une pièce, maintenue fermée par une grille. Dix petites formes sombres. Il venait de trouver le repère du Krampus. Trois enfants le remarquèrent, et bien vite un brouhaha s’éleva de leur cellule. Il fallait les libérés ! Il sortit sa baguette.

Des bruits de pas résonnèrent derrière lui, il fit volte-face prêt à stupéfixer - ou pire - le responsable. Mais c'était Hilswood. Elle courrait ? Vite en plus. Elle sprintait dans sa direction.

— Il faut... elle était à bout de souffle. Partir ! Vite.

La jeune femme était pâle comme un cadavre, yeux écarquillés. C’était… de la peur ? Panique ?

— Pas. De. Magie.

Elle agita sa baguette désespérément. En un éclair, il comprit ce qu’elle voulait dire. Un sortilège de Neutralisation Magique entourait l'endroit. Le Krampus s'était assuré que les enfants ne partiraient pas en leur retirant tous leurs pouvoirs...

Spero Patronum, lança-t-il.

Rien ne sortit de sa baguette. Pas même une petite fumée argentée.

— Il faut qu’on parte ! la voix de Hilswood montait dans les aigus. On est complètement sans défense. Il faut des renforts. Vous imaginez un peu si le Krampus arrive maintenant ?

Non. Ils ne pouvaient pas s'en aller.

— C’est trop tard. Il est forcément en route, il doit y avoir des alarmes… Si on part sans les enfants, il les aura déplacés immédiatement après, et ils seront définitivement perdus ! Il faut les libérer maintenant.

Il sortit un passe-partout magique. Même sans magie, il pouvait l'utiliser à la moldue, et entreprit donc de faire fonctionner le loquet. Hilswood montait la garde sans vraiment avoir le choix. Elle tremblait, toujours armée de sa baguette qui n’était pas plus utile qu’un bout de bois inerte.

D'autres bruits de pas. Ses poils se dressèrent dans sa nuque. C’était lui.

— Stop ! ordonna Eileen, sans aucune crédibilité. Vous êtes en état d’arrestation.

Les pas s’accélérèrent. Non seulement il n’avait pas peur d’eux, mais en plus il se jetait à leur assaut.

— Rangez votre baguette et ralentissez-le !

Il y était presque… CLANG. La porte s’ouvrit.

Joseph se retourna, juste à temps pour voir Hilswood se faire balayer d'un coup d'épaule, comme une poupée de chiffon. L'ex-enquêteur ne serait pas aussi facile à battre. Il se mit en garde, comme on lui avait appris durant sa formation au Ministère. Pieds écartés d’une largeur d’épaule, poings fermés, avant bras repliés pour protéger son buste et sa tête. Il était prêt au combat.

Les traits de son adversaire étaient fantômatiques sous la lumière des néons. Il n'avait rien de la créature de légende qui avait inspiré son nom. Pourtant, il n'en était pas moins monstrueux. Des yeux noirs comme l’abîme. Pas très grand, mais musclé. Une cape de sorcier sur les épaules, un rictus énervé sur le visage.

Il le reconnaissait ! C’était le frère d’un adepte de Grindelwald qu’il avait arrêté. Dire qu’ils l’avait laissé libre, faute de preuves directes…

— Oh, mais c’est vous ? dit l'homme d’une voix doucereuse. L’enquêteur déchu. Et vos petits copains du Ministère, ils vous ont abandonné ?

Joseph ne répondit pas. Il était trop concentré pour ça.

— Désolé, Steamboat. Vous allez mourir ici.

Le Krampus tira une arme de l’intérieur de sa cape. Malheureusement, ça n’était pas une baguette.

C’était un revolver.

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